Michael Freilich (N-VA)
TikTok sans risque? Le gouvernement De Croo entre-temps rattrapé par la réalité
La Commission européenne interdit à son personnel d’encore utiliser TikTok sur les smartphones ou ordinateurs portables professionnels. D’ici le 15 mars, l’appli devra être supprimée de tous les appareils de fonction. La Commission entend ainsi se protéger contre l’espionnage et l’influence de la Chine. Le gouvernement De Croo juge une telle interdiction ‘disproportionnée’ pour notre pays et ne distingue ‘aucune preuve d’ingérence chinoise’. Incompréhensible, selon le député fédéral N-VA Michael Freilich, qui a présenté diverses initiatives législatives à ce propos et fait valoir son point de vue dans l’article d’opinion ci-dessous.
Le monde numérique est devenu le reflet des tensions mondiales dominantes, et les conflits géopolitiques se prolongent dans le cyberespace. S’attaquer et s’espionner en ligne en font évidemment aussi partie. Les risques sont bien réels: il ne faut pas être naïf.
TikTok se trouve depuis assez longtemps déjà dans le collimateur des gouvernements et des services de sécurité occidentaux. En novembre 2022, l’entreprise a dû admettre que des employés en Chine avaient accès aux données personnelles des utilisateurs. Ils pouvaient aussi localiser les journalistes qui se montraient critiques à l’égard du régime.
Il est temps de limiter TikTok en Belgique.
Plusieurs pays prennent à présent des mesures, dont les Etats-Unis où l’appli est entre-temps interdite aux parlementaires, au personnel de la marine et aux collaborateurs gouvernementaux. Aux Pays-Bas, une majorité parlementaire souhaite une interdiction de l’appli sur les téléphones professionnels de tous les fonctionnaires, alors qu’en Inde, Tiktok et une cinquantaine d’autres applis sont carrément interdites.
Aucune mesure en Belgique
La Belgique adopte provisoirement une attitude réservée en la matière, ce qui est incompréhensible. Il est en effet urgent de prendre des mesures concrètes, car les directives et les conseils seuls ne suffisent pas. Bien que la Sécurité d’Etat avertisse de ne pas installer d’applications qui ne sont pas nécessaires sur des appareils à usage professionnel ou sur lesquels se trouvent des informations sensibles, le gouvernement fédéral ne prend aucune mesure politique concrète en vue de mettre cet avertissement en pratique.
Voilà ce qui ressort des réponses apportées à mes questions parlementaires. Le ministre Van Quickenborne s’est contenté de déclarer: ‘L’interdiction d’utiliser de telles applications est, à mon avis, disproportionnée. Elle va trop loin et n’est donc pas à l’ordre du jour’. Aucune réaction non plus de la part de nos services de sécurité, des infrastructures gouvernementales critiques ou de l’armée. C’est naïf, stupide et dangereux, mais c’est bien conforme à ce qu’on peut attendre de ce gouvernement, à la lecture de ce que le premier ministre De Croo m’a répondu à la Chambre le 18 mars dernier: ‘Il n’y a actuellement aucune indication claire d’ingérence chinoise en Belgique.” Vraiment?
Quelques mois après cette réponse, le gouvernement fédéral a néanmoins dû lui-même admettre que les cyber-attaques lancées contre les ministères de la Défense et de l’Intérieur avaient été l’oeuvre de groupes de pirates chinois. Ces cyber-activités malveillantes enfreignent les normes comportementales responsables de l’Etat, affectent notre souveraineté, notre démocratie, notre sécurité et notre société et exigent des contre-mesures concrètes.
Législation
De plus, les entreprises chinoises sont légalement tenues de fournir aux services de renseignements et de sécurité un accès à leurs infrastructures et à leurs systèmes électroniques, même à l’étranger. Il suffit de penser à la loi sur la sécurité nationale de 2015 et 2017 et à la loi chinoise sur le contre-espionnage de 2014. Le gouvernement chinois a prévu les moyens et un cadre légal, afin que le CCP (parti communiste chinois, ndlr) puisse utiliser les entreprises pour atteindre ses objectifs politiques. Cela n’a pas été mis en place pour rien.
En guise de contre-mesure, j’ai pris plusieurs initiatives au Parlement fédéral pour accroître notre cybersécurité. Je souhaite par exemple que certaines infrastructures critiques utilisent obligatoirement des passerelles unidirectionnelles rendant impossible le piratage de l’extérieur. J’ai également introduit un projet de loi visant à intégrer le secteur public dans le champ d’application de la loi NIS (sur la sécurité des réseaux et de l’information), en vertu duquel nous serions obligés de passer à un niveau de sécurité plus élevé. Et enfin, je plaide depuis deux ans déjà à la Chambre pour obtenir une liste des fournisseurs à haut risque, afin que des incidents avec des routeurs Huawei chinois à l’armée ou avec des programmes antivirus russes au SPF Economie ne puissent plus se produire.
Restrictions
Cela nous amène de manière transparente à l’appli TikTok chinoise, qui est clairement considérée comme un produit à haut risque. Je ne plaide pas ici pour son interdiction générale, mais pour un certain nombre de restrictions.
- Les utilisateurs doivent être conscients des dangers qui y sont associés, tels que l’espionnage industriel et économique. Des campagnes de sensibilisation s’avèrent par conséquent nécessaires.
- En revanche, TikTok doit bel et bien être interdite sur les appareils professionnels des décideurs, des mandataires exécutifs, des militaires, des services de sécurité et du personnel gouvernemental. Il s’agit là d’une mesure nécessaire à court terme et qui ne peut donc pas attendre. (L’utilisation éventuelle de l’appli par les partis politiques serait toujours possible à partir de téléphones spécialement prévus à cette fin, connectés à la 4G et non présents sur le réseau wifi).
- A long terme, nous, en Europe, devons réfléchir à une alternative à l’immensément populaire TikTok. Une alternative indépendante des risques d’ingérence, d’espionnage et d’atteinte à la vie privée.
Nous ne devons pas craindre les répercussions et les mesures punitives de la Chine. Ce pays détermine lui-même aussi les règles pour les entreprises actives dans son pays. Cela ne prête pas à débat. La chance qu’une entreprise occidentale puisse déployer des activités similaires à celles de TikTok sans filtre en République populaire de Chine, est absolument nulle.
Mon message est clair : nous devons devenir plus résilients dans le nouveau monde géopolitique. Pendant ce temps, le gouvernement De Croo a été rattrapé par la réalité. La déclaration du Premier ministre, selon laquelle il n’y a aucune preuve d’ingérence chinoise, est clairement dépassée. Il est incompréhensible pour moi qu’il n’y ait pas de conséquences concrètes qui y soient liées. En agissant ainsi, Vivaldi met en péril notre sécurité nationale.
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