Bram Vanderborght
Tesla devient une firme de robotique, mais elle a encore un long chemin à parcourir.
Lors du tout récent AI Day de Tesla, Elon Musk a présenté un prototype d’Optimus. L’expert en robotique Bram Vanderborght (imec, VUB) en été enthousiasmé par la vitesse avec laquelle l’entreprise a enregistré des progrès en la matière, tout en insistant sur le fait qu’il n’est pas évident de transférer la technologie des voitures Tesla vers les robots.
Durant l’été de 2021, Elon Musk annonçait de manière inattendue que Tesla préparait le robot humanoïde Optimus. Nous avions alors eu droit à une animation IT, jusqu’à ce qu’un homme à l’apparence d’un robot vienne esquisser quelques pas de danse sur la scène. Il ne s’agissait donc pas d’un prototype opérationnel d’un véritable robot, mais il n’empêche qu’Elon Musk se fixa alors à lui-même l’ambitieuse date-butoir d’une année. La nuit dernière, lors de l’AI Day, Tesla présenta ses derniers développements en intelligence artificielle. De quoi faire de nouveau quelques pas de danse?
Tesla devient-elle une firme de robotique?
Selon Musk, Tesla est la plus grande firme de robotique au monde. Et je lui donne raison jusqu’à un certain point. Chaque voiture Tesla est en effet équipée d’un tas de capteurs, et l’entreprise a mis au point sa propre puce informatique très performante. Cette puce s’avère nécessaire pour effectuer les lourds calculs indispensables pour analyser les différentes images vidéo liées aux marquages au sol, aux véhicules, aux cyclistes, aux piétons pour une conduite sûre. L’inattention du conducteur n’en fait malheureusement pas encore partie malgré les taxis-robots autonomes promis depuis longtemps.
Tesla dispose déjà de pas mal d’éléments robotiques: sa connaissance de l’intelligence artificielle, sa propre puce informatique, son super-ordinateur pour l’apprentissage machine, ses caméras, ses moteurs électriques et ses batteries. Bref, les Tesla sont de véritables robots sur roues. Musk a donc dû se dire qu’il était possible de concevoir un robot basé sur son pendant mécanique.
Tesla devient une firme de robotique, mais elle a encore un long chemin à parcourir.
Tesla n’est pas le premier constructeur automobile à se lancer dans la robotique humanoïde. Honda avait en effet en l’an 2000 déjà présenté Asimo, le robot humanoïde le plus perfectionné à l’époque. Le constructeur de motos et de voitures avait vu dans la robotique une nouvelle forme de mobilité. Cela se reflétait aussi dans l’appellation: Asimo, l’acronyme d’Advanced Step in Innovative MObility. Lorsqu’il apparut qu’Asimo avait été incapable de combattre la catastrophe de Fukushima, Honda fit l’objet de nombreuses critiques. Et cette année, Asimo a été poussé à la retraite.
Pour sa part, Elon Musk entend porter l’expertise AI de Tesla dans les voitures autonomes vers nos maisons, bureaux et usines désordonnés. Ce n’est pas évident dans la mesure où la technologie n’est elle-même pas encore au point pour les voitures autonomes circulant sur un support assez bien ordonné tel qu’une route. En outre, ce genre de robot Buddy doit faire plus que simplement déambuler en rond au beau milieu de caméras. Il doit en effet aussi entrer physiquement en interaction avec le monde qui l’entoure: ouvrir des portes, fixer des boulons, remplir des sacs de supermarchés,… Toutes des tâches simples pour l’homme, mais encore très pénibles, voire impossibles pour le robot.
Premier pas
Des robots qui manipulent des objets avec leurs mains, nous n’en avons pas vus lors de l’AI Day. Tesla s’est contentée de présenter la plate-forme de développement qu’elle a conçue et créée en l’espace de six mois. Elle était équipée de moteurs standard et sans un élégant capot, puisque des fils en sortaient encore. Optimus fit son apparition sur la scène sans protection contre les chutes. Il exécuta quelques ronds et salua le public. Des vidéos nous montrèrent que le robot avait effectué des tests de base dans l’usine de Tesla. Nous eûmes même droit au tout dernier prototype à moteurs Tesla, d’un look nettement mieux fini.
Il est clair qu’Optimus est encore loin des capacités d’Atlas, le robot de l’entreprise bien connue Boston Dynamics, dont les talents de gymnase sont présentés dans d’impressionnantes vidéos sur YouTube. Hyuandai, le constructeur automobile propriétaire de Boston Dynamics, a récemment investi 400 millions d’euros dans un institut AI en vue d’attribuer davantage de capacités aux robots. En outre, je suis à même de présenter une longue liste de laboratoires de robotique qui sont déjà nettement plus en avance que Tesla. Il n’empêche que j’ai été impressionné par ce que cette dernière a montré lors de l’AI Day. Pour une jeune équipe, qui a démarré quasiment de zéro l’année dernière, les progrès sont fulgurants.
Moins cher qu’une voiture
Ce qui est intéressant, c’est que Musk s’est de nouveau focalisé sur le prix de revient et sur la production de masse. Il s’agit chez lui d’une constante que d’innover de manière radicale et non conventionnelle, afin de réduire le coût. Pensez aux fusées SpaceX qui reviennent sur Terre pour être réutilisées et devenir donc nettement moins chères, ou aux machines de moulage sous pression Giga Press qui remplacent les bras robotisés industriels pour fabriquer le châssis de la Tesla.
Elon Musk estime que le prix de l’Optimus ne sera en fait pas incroyablement élevé – moins cher qu’une voiture, 20.000 dollars. Les humanoïdes sur lesquels j’ai moi-même par exemple effectué des recherches au Japon revenaient à quelques centaines de milliers d’euros. Ils coûtaient autant qu’une Ferrari, parce qu’ils étaient faits d’une manière identique: manuellement et en petite quantité. Si des fonctions pratiques supplémentaires y sont ajoutées et qu’ils deviennent donc utiles pour bon nombre d’applications, la production pourra être radicalement augmentée, et le prix supposé par Musk pourrait être atteint. Le nombre de composants dans un robot est en effet nettement moindre que dans une voiture moyenne.
Une vision d’avenir pour les robots est également une étape nécessaire en vue de faire du grand rêve de Musk une réalité: rendre possible la vie sur Mars. Des robots devront dans un premier temps coloniser Mars et préparer la planète pour accueillir correctement des humains.
La nuit dernière, Musk a-t-il innové de manière révolutionnaire le monde de la robotique? J’éprouve des craintes à ce sujet. Mais on sait qu’il avait prévu des dates-butoirs irréalistes pour ses fusées réutilisables, pour ses voitures autonomes et, maintenant aussi, pour ses robots humanoïdes. Je le soupçonne de compter en secret en années de Mars, qui sont deux fois plus longues que les années terrestres. Ses premières voitures électriques se sont en effet retrouvées assez souvent immobiles au bord de la route, on a aussi vu exploser pas mal de ses fusées SpaceX et à présent, nombre de ses robots risquent de perdre l’équilibre. Mais nous n’irons à coup sûr pas jusqu’à faire notre deuil des robots de Musk.
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