Kristof Van der Stadt
‘Telenet échange relation épisodique contre mariage avec un autre partenaire’
S’il est un accord dont je souhaiterais connaître tous les détails, c’est bien ce fameux deal MVNO conclu entre Telenet et Mobistar. Vous savez, c’est ce contrat qui autorise Telenet à proposer des services mobiles sous son nom via le réseau de Mobistar. Un accord qui court depuis février 2006 déjà et qui a été prolongé en 2012 jusqu’en 2017.
Pour Telenet, ce deal a été un coup dans le mille: dès leur lancement, les abonnements King & Kong sont partis comme des petits pains, à tel point qu’aujourd’hui, l’entreprise compte un million de clients mobiles environ. A tout seigneur tout honneur: King & Kong ont continué d’ouvrir le marché des données mobiles, après que Mobile Vikings leur avait montré la route à suivre.
Sur le plan financier, tout se passe bien aussi pour Telenet. Dans le journal De Tijd, je lis par exemple que selon ING, Telenet réalise une marge ebitda oscillant entre 20 et 30 pour cent sur le mobile, tandis que chez Mobistar et BASE, la marge n’est que de 20 à 23 pour cent. Je me demande donc quel est le contenu exact des petits caractères dans cet accord MVNO. Dans quelle mesure Mobistar profite-t-il aussi réellement de ce million de clients que Telenet place sur le réseau mobile?
En outre, une clause de sortie est-elle prévue dans ce fameux contrat MVNO? Ce dernier court encore jusqu’en 2017 et c’en sera alors irrémédiablement terminé, à présent que Telenet a annoncé sa volonté de racheter BASE Company et qu’il utilisera désormais sa propre infrastructure mobile.
Un des partenaires peut-il s’en aller anticipativement ou sont-ils tous deux contraints de continuer de partager le même lit pendant quasiment encore deux ans?
J’ai toujours qualifié toute cette construction MVNO de situation schizophrène, et ce n’est du reste pas vraiment plus clair maintenant. “Cela ne changera provisoirement rien pour les clients”, indique Inge Smidts sur le blog de Telenet et ce, jusqu’à ce que les instances compétentes aient donné leur feu vert. Ce que j’ignore, c’est si la relation avec tous les partenaires existants change bien, elle, à partir d’aujourd’hui. Car soyons clairs: l’impact sera très important pour eux.
Selon moi, Telenet et Mobistar entretiennent une sorte de relation épisodique depuis 2006: ils vivent et habitent séparément et se rencontrent, quand ils l’estiment nécessaire. Depuis 2012, il s’agit du reste plutôt d’un ‘ménage à trois’ car Tecteo (Voo) fait depuis lors aussi partie de l’accord. Le deal MVNO revêtait à l’époque un caractère régional. Et Voo n’est aujourd’hui pas impliqué dans l’accord conclu avec Base.
A l’époque, en 2012, des rumeurs circulaient déjà à propos du fait que KPN envisageait de vendre Base Company à… Telenet. L’opération ne se fit en fin de compte pas, mais l’on peut se poser la question de savoir si Telenet n’a pas brandi cette option comme une menace lors des renégociations du contrat MVNO.
‘Telenet échange relation épisodique contre mariage avec un autre partenaire’
Ces dernières années, cette relation épisodique n’était plus vraiment celle du coeur. Elle s’était muée en une relation où les partenaires sont plutôt condamnées à rester ensemble. Telenet a dû assimiler l’ouverture du câble et se trouva pour ce qui concerne l’accès fixe en fait diamétralement opposé à son partenaire pour la partie mobile. Vous avez dit schizophrène?
Or Telenet annonce à présent vouloir néanmoins échanger cette relation épisodique contre une véritable union avec un autre partenaire. Mais en attendant, elle continuera de partager son lit avec son actuel partenaire trompé.
Mobistar sait dès aujourd’hui que Telenet emmènera son million de clients GSM vers un autre réseau. Mobistar sait aussi qu’il devra faire la chasse à ces clients. Comment va-t-il s’y prendre, alors que d’un autre côté, il a encore des obligations vis-à-vis de Telenet? A l’inverse: comment Telenet pourra-t-il encore collaborer en bonne intelligence jusqu’en 2017 avec un partenaire qu’il a envoyé paître?
Voilà pourquoi j’aimerais connaître tous les détails de ce contrat MVNO.
Et maintenant, que va-t-il se passer? Tous les yeux sont désormais braqués sur Mobistar, qui reste le seul opérateur mobile à être dépourvu d’un réseau fixe propre. Jean Marc Harion, CEO de Mobistar, affiche en tout cas de la combattivité et saisit l’occasion du rachat de BASE pour mettre la pression sur l’IBPT en vue qu’il (ré)examine les tarifs de gros du câble belge. Mobistar entend en effet via le câble de Telenet proposer des services TV et si possible aussi à terme l’internet fixe. C’est quasiment la dernière chance pour Mobistar de proposer une offre combinée à part entière de TV, téléphonie et internet fixe/mobile. En quelque sorte la poursuite de la relation schizophrène entre Telenet et Mobistar.
A moins que Mobistar ne soit la prochaine proie d’un rachat et que la consolidation se poursuive dans notre paysage télécom, comme certains spéculateurs le prévoient. La question qui se pose alors, est la suivante: qui est encore intéressé? Altice peut-être, le groupe français autour de Patrick Drahi qui a déjà montré plusieurs fois son intérêt pour le marché télécom belge. Et ce, même si Drahi sait évidemment qu’il devra de toute façon se tourner vers Proximus ou Telenet, s’il veut proposer également des services via la ligne fixe. Mais ce qui réjouit peut-être le plus encore Drahi à l’heure actuelle, c’est le plongeon du cours de l’action Mobistar!
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