Jo Caudron
Qui fournira notre futur ministre de l’innovation politique?
La semaine dernière, l’interdiction du service Uber à Bruxelles a suscité pas mal de tumulte. L’indignation et les moqueries en ligne nous ont quelque temps amusés, mais en réalité, il n’y avait pas de quoi rire.
La semaine dernière, l’interdiction du service Uber à Bruxelles a suscité pas mal de tumulte. L’indignation et les moqueries en ligne nous ont quelque temps amusés, mais en réalité, il n’y avait pas de quoi rire. Et c’est précisément alors que je pensais que la tempête s’était quelque peu calmée que je lis aujourd’hui même que la chasse à AirBnB est ouverte. De nouveau le genre de service axé sur un vécu d’utilisateur, qui s’avère meilleur que ce que le secteur de l’hôtellerie classique propose en général.
En fait, ce ne sont pas là des exemples disparates. Prenons Bhaalu, l’enregistreur vidéo dans le nuage qui enregistre automatiquement tous les programmes pour vous, afin que vous puissiez ensuite les regarder quand bon vous semble au moyen de n’importe quel appareil. Cela a provoqué moins d’agitation qu’Uber et AirBnB, mais il n’empêche que les Belges à l’initiative de Bhaalu s’étaient à peine lancés qu’on leur intentait déjà un procès.
Voyez Tesla. La nouvelle marque de voiture 100% électrique, qui vend des véhicules sur internet, sans réseau de concessionnaires traditionnel. Aux Etats-Unis, les concessionnaires contrattaquent et tentent, en faisant appel à la législation existante, d’arrêter la pratique de Tesla. Ce n’est probablement qu’une question de temps avant que notre secteur automobile découvre réellement Tesla et fasse du lobbying auprès du ministre compétent pour appliquer une loi datant des années 50 à la réalité numérique actuelle.
L’innovation perturbe le train-train dans différents secteurs, et lorsqu’elle devient suffisamment sensible, ces mêmes secteurs contrattaquent. La numérisation transforme tout et autorise des modèles commerciaux qui étaient précédemment impensables. Le seuil de lancement d’une nouvelle idée s’est nettement abaissé. Et même si cette créativité est en général directement accueillie à bras ouverts par les utilisateurs, elle est souvent en opposition aux règles en vigueur dans certains secteurs. Et cela ne risque pas de s’arranger avec les Google Glass, les drones, l’impression 3D, etc. Les défis sur le plan de la réglementation en matière de respect de la vie privée, des droits d’auteur, de la sécurité,… seront énormes.
Comment faire alors? Supprimer toutes les règles existantes et donner carte blanche à chaque entrepreneur créatif? Evidemment pas. Mais l’application paralysante de lois et de règles qui datent de l’ère pré-numérique (voire de l’époque napoléonienne) n’est pas non plus une solution.
Les arguments que chaque secteur menacé jette dans la balance, portent souvent sur les intérêts des consommateurs: sécurité, hygiène, accompagnement, interprétation, etc. Je ne peux cependant me défaire de l’impression que ce ne sont pas là les véritables raisons de leurs actions et que l’on fait appel à la législation et à la politique pour défendre surtout les intérêts sectoriels. Le train-train doit être maintenu aussi longtemps que possible, si besoin est contre les intérêts du citoyen. Et c’est évidemment une grossière erreur.
Ce dont nous avons besoin, c’est d’un gouvernement avec une vision ouverte et pragmatique de l’innovation et de la transformation. Nous devons accepter que le changement se heurte souvent aux règles existantes. Des règles qui ne sont pas toujours au service du consommateur, mais bien d’un secteur. Des règles qui sont inutilement complexes et lourdes pour les nouvelles possibilités qu’offre l’économie en ligne.
Nos politiciens doivent apprendre que les besoins des consommateurs changent plus vite que jamais. Sur Facebook, la question circule à présent de savoir quel parti est favorable aux innovations d’entreprises telles Uber et AirBnB. Certains demandent même la création d’un nouveau portefeuille ministériel.
Je trouve que c’est une bonne idée Je souhaiterais un ministre ou un secrétaire d’Etat qui s’occupe de la transformation et de l’innovation politique. De la transformation, parce que notre gouvernement doit comprendre le changement numérique afin de ne pas se mettre lui-même hors jeu. Et de l’innovation politique afin d’actualiser la politique menée. Ne me comprenez pas mal: je ne parle pas d’une politique de l’innovation (avec subsidies, etc.), mais bien d’une innovation politique. La découverte de nouveaux services innovants susceptibles d’entrer en conflit avec d’anciennes règles. L’analyse du potentiel de ces services, pour ensuite y adapter la politique. Le fait que la réécriture de lois prend souvent beaucoup de temps, ne doit pas être une excuse pour bannir pendant des années des entreprises comme Uber. Soyez créatif et prévoyez dans ce genre de cas une période d’attente de 3 ans par exemple – à condition de respecter une charte de base élaborée pour protéger le consommateur -, au cours de laquelle l’on examinera si la politique doit changer en fonction du nouveau service, ou si c’est le nouveau service qui doit se conformer à l’ancienne politique.
Quel parti va-t-il prendre cela au sérieux? Quel parti a-t-il dans ses rangs un jeune homme ou une jeune femme intelligent(e) et branché(e) capable d’en prendre la responsabilité et de forcer l’innovation politique de manière transversale? Si l’on peut y arriver vis-à-vis de la fraude, on devrait pouvoir faire de même pour l’innovation. Le parti qui le revendiquera, pourra déjà compter sur mon soutien le 25 mai. Peut-être qu’alors, l’on aura l’air un peu moins moyenâgeux à l’étranger. C’est Neelie Kroes qui sera contente…
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