Quelle est l’utilité d’une montre intelligente?
A présent que Samsung et Apple ont sérieusement pénétré le marché des montres connectées (smartwatches), les attentes y sont très élevées, mais les chiffres de vente déçoivent. Nombreux sont ceux en effet qui ne voient pas (encore) l’utilité d’une telle montre.
J’ai porté une montre intelligente un mois durant et chaque matin lorsque je l’enroulais autour de mon poignet, c’était contre mon gré. Je n’aime pas trop porter une montre. Donc avoir quelque chose autour du poignet n’était pour moi pas naturel, mais là n’était pas le problème. Pendant ce mois, ce que j’appréciais le plus, c’était tout simplement de regarder l’heure. L’utilité de la partie ‘smart’ de la montre m’échappait complètement. Et je ne suis pas le seul, et de loin, à penser ainsi.
L’année dernière, l’on n’a vendu que 30.000 montres intelligentes en Belgique, d’après les chiffres de GfK. En comparaison, l’on a écoulé la première année 50.000 tablettes, et Apple était à l’époque le seul fournisseur. Cette fois, les rôles sont inversés: la smartwatch existe depuis 2013 déjà, lorsque le pionnier Pebble en lança une sur le marché via une campagne très fructueuse sur Kickstarter – Apple ne suivit que l’an dernier avec son Apple Watch.
Réservée aux fans de la première heure?
Le fondateur de Pebble, Eric Migicovsky, essuya les plâtres en 2012 et voulut via Kickstarter recueillir 100.000 dollars avec sa montre intelligente, mais le compteur s’affola et atteignit très vite 10 millions de dollars. Sa campagne Kickstarter devint donc rapidement un grand succès, mais qui furent les acheteurs? Rien que des nerds? Rien que des fans de la première heure (‘early adopters’)?
Le grand public ne paraît pas encore intéressé. 30.000 exemplaires vendus durant la troisième année qu’une série de produits existe, ce n’est pas beaucoup, voire très peu. Ce nombre devait en fin de compte croître quand même avec l’introduction de l’Apple Watch et de la Samsung Gear S2, les deux meilleures montres connectées du moment. Toutes deux ne sont sorties qu’en octobre, ce qui fait que le dernier trimestre de 2015 a contribué de manière importante aux ventes totales de l’année, selon les chiffres de GfK.
“Suite au lancement de ces produits et du fait que c’était le dernier mois de l’année, Les ventes ont fortement progressé en décembre”, déclare Jürgen De Mesmaecker de GfK. “Au dernier trimestre de l’année, l’on effectue quelque 50 pour cent du chiffre d’affaires et le dernier mois, 25 pour cent environ du chiffre annuel.” Car selon De Mesmaecker, la montre intelligente fut en 2015 le cadeau de Noël idéal. “En 2014, le dernier trimestre a représenté quelque 40 pour cent du total, et en 2015 la moitié. Proportionnellement, la dernier mois de 2015 est donc devenu plus important.”
Produit de niche
Mais il n’empêche que cela demeure un petit groupe de produits, selon De Mesmaecker: “Si 30.000 exemplaires sont vendus, cela reste encore un produit de niche. La montre intelligente n’est pas encore destinée au grand public, même si le nombre d’exemplaires écoulés par année augmente.” Les fabricants eux-mêmes le voient aussi.
“Certaines personnes n’ont probablement pas besoin d’une montre intelligente”, a déclaré récemment le CEO de 29 ans au journal The Telegraph. “Il est rare qu’une entreprise admette que tout un chacun n’a pas besoin de ses produits, mais je pense que c’est vrai.” Selon lui, trois groupes s’intéressent à la smartwatch. Le premier comprend les personnes qui veulent toujours être connectées, qui sont en fait accros à leur smartphone. Le deuxième groupe est constitué de personnes soucieuses de leur santé, qui utilisent une montre intelligente pour tout tenir à jour, comme une sorte de Fitbit. Et le troisième groupe se compose de gens qui ne veulent précisément pas être connectés. Ils veulent mettre de la distance entre leur téléphone et le reste de leur vie. “Peut-être activent-ils quelques notifications, mais rien d’autre.”
Plus de distraction
Je me trouve manifestement entre le premier et le troisième groupe de Migicovsky. Car même si je me balade la moitié de la journée mon smartphone à la main (et l’autre moitié assis face à mon ordinateur portable), les notifications sur la montre intelligente, je les ai trouvées gênantes. Un écran en plus ne peut que générer une distraction supplémentaire à des moments inattendus. Si je ne veux pas voir de messages, je range simplement mon téléphone dans un coin, mais c’est plus difficile avec une montre.
Car comme une montre intelligente n’offre guère d’autres fonctionnalités, vous l’utilisez surtout pour les messages. L’on n’y trouve pas de jeux, et l’on ne peut appeler (ou cela paraît gênant, comme si l’on appelle Kitt de Knight Rider) et comme l’écran est si petit, la manipulation des touches n’est pas vraiment confortable. Il s’agit d’une sorte de clavier T9 connu des anciens GSM – il y a bien une raison pour laquelle on ne l’utilise plus!
Lorsque je me suis mis à porter la Samsung Gear S2, j’avais activé toutes les notifications, afin de vivre pleinement l’expérience. Mais plus je la portais, plus je désactivai les notifications. Au début, mon poignet vibrait à chaque notification, mais cette sensation n’était pas agréable, à l’instar d’une secousse électrique. Je désactivai donc la fonction dès le deuxième jour, ce qui fait que la montre se contentait de s’allumer en cas de notification. Mais comme je me trouve dans plusieurs groupes Whatsapp où l’on parle parfois beaucoup, cela me distrayait à des moments inattendus, surtout dans la voiture. Car dans la voiture, l’on néglige assez facilement le téléphone, mais une montre qui s’allume, c’est plus embêtant, surtout dans le noir. C’est non seulement irritant, mais aussi assez dangereux, parce qu’on veut vérifier la notification.
Lorsque je désactivai finalement aussi les notifications Whatsapp, pour ne pas être trop dérangé, il ne resta plus grand-chose d’autre. Car un mail ou d’autres messages ‘push’, on ne les lit pas de manière détaillée sur une montre. Seules les brèves notifications sont utiles. Si une notification prend plus de 2 secondes de votre temps, mieux vaut retirer votre téléphone de votre poche. Il en résulte surtout un balayage d’une notification pour ensuite saisir le téléphone: plutôt inutile. La montre intelligente n’est finalement surtout qu’un second écran. Si vous n’appréciez pas de prendre votre téléphone, c’est pratique. Pour le reste, cela n’apporte rien (pour la plupart des utilisateurs).
Férus de santé
Le mois a-t-il donc été si nul? Quand même pas. Le port de la montre intelligente offre quelques petits avantages. Comme je l’ai déjà écrit, j’ai apprécié de lire l’heure à mon poignet. Normalement, j’utilise mon téléphone pour ce faire, mais cela provoque aussi de la distraction – ce qui peut aussi être le cas d’une montre traditionnelle. Un autre avantage de la montre intelligente, c’est la fonctionnalité ‘health’. La montre contrôle votre pouls et mesure vos pas, ce qui vous donne une idée des efforts corporels effectués durant la journée. Elle vibre aussi brièvement, lorsque vous restez assis une heure durant, ce qui m’arrive assez souvent. Du coup, je me rendais au distributeur de boissons un peu plus loin ou je téléphonais en marchant – bouger même dans une salle de réunion permet quand même de faire pas mal de pas. Pour les personnes soucieuses de leur santé, il y a encore le Fitbit, qui est conçu pour cela et ne coûte qu’un tiers du prix (mais qui est moins élégant).
Place à la croissance
Depuis l’arrivée d’Apple, le marché des montres intelligentes est en croissance. L’on s’attend cette année déjà à la sortie de l’Apple Watch 2, qui touchera peut-être davantage de personnes, selon le CEO de Pebble, Migicovsky: “Si Apple est quelque part conséquente avec elle-même, ce sera son message.” Mais comme il l’a déjà lui-même déclaré, l’utilité de la smartwatch échappe encore au grand public. Plus de personnes achèteront une montre intelligente, mais celle-ci ne sera provisoirement encore rien de plus qu’un agréable gadget.
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