Quel avenir pour le data scientist à l’heure de l’IA ?
La donnée est le nouvel or noir, disait-on voici quelques années encore. Et les formations supérieures et autres recyclages d’entreprise pour data scientists de pousser comme des champignons. Puis vint la percée fulgurante de l’intelligence artificielle, semblant reléguer au second plan les spécialistes en analyse de données. A moins qu’ils ne soient ainsi plus performants encore ?
Il n’y a pas si longtemps encore, le data scientist était considéré comme la profession de l’avenir. Pas vraiment étonnant dans la mesure où entreprises, organisations et administrations publiques, voire individus, génèrent des téra-octets de données – du fait de leur comportement en ligne qui laisse des traces, des technologies personnelles, de la percée de l’Internet des objets, etc. – lesquelles sont une mine d’or pour tout spécialiste capable de corréler ces différentes informations. Car telle devait être la mission de ces magiciens de la donnée : exploiter la business intelligence pour dénicher dans une masse informe les données qui sont réellement pertinentes. La data science est devenue une spécialisation très recherchée des formations de mastère en ICT, tandis que les entreprises et établissements d’enseignement ont décidé de recycler leurs informaticiens disposant d’un certain profil en leur proposant des cours accélérés. Les informaticiens les plus doués se sont vus confier des projets variés. “Le métier de l’avenir”, titrait la presse spécialisée en recrutement.
Mais dans le même temps, une autre évolution a vu le jour dans le secteur ICT, avec la percée surprenante ces 2 dernières années de l’intelligence artificielle, au point que d’aucuns y ont vu une véritable rupture en devenir. Au point que l’IA deviendrait à ce point intelligente qu’elle serait également en mesure d’établir des liens entre ces téra-octets de données, jusqu’à même être à de nombreux égards plus rapide que l’homme lui-même. Un logiciel super-intelligent parviendra-t-il demain à créer des modèles de données en toute autonomie et à trouver les corrélations pertinentes ?
Simplement un nouvel outil
Le cabinet d’études américain Gartner a été le premier à tirer la sonnette d’alarme en début d’année en estimant que les prévisions étaient bien trop optimistes et que d’ici 2020, plus de 40 % des fonctions de data scientists dans les entreprises seraient remplacées par de l’IA. “Il faudra moins de data scientists pour traiter le même volume de données.”
Exit donc cette ‘profession de l’avenir’ ? Willy Born ne le pense pas. “Je peux certes croire que l’IA assumera une part importante des tâches du data scientist, mais cela ne signifie pas que l’homme deviendra subitement remplaçable”, estime le directeur data science de Devoteam, un groupe ICT coté en Bourse qui emploie une dizaine de tels experts à Zaventem. Et qui entend bien les conserver. “Grâce à l’IA, un data scientist pourra faire le double du travail par rapport à aujourd’hui, raisonne Born. Je ne nie pas que le profil de la fonction va peut-être changer dans les prochaines années. Mais il n’est pas question pour un data scientist de craindre l’IA qui sera davantage un outil permettant d’établir plus rapidement des corrélations intéressantes en laissant au logiciel intelligent la partie répétitive de l’activité.”
Les frontières de l’IA
De même, Geert Van Landeghem de DataCrunchers, un consultant spécialisé tant en big data qu’en IA, affirme que l’élément humain de l’activité de data scientist restera important. “Certes, la data science sera également impactée par la vague d’automatisation. La percée de l’IA ne peut être arrêtée et cette intelligence artificielle induira dans les prochaines années une rupture énorme au niveau de tout ce qui touche aux logiciels. Mais celui qui voit dans l’IA la panacée lorsqu’il est question de trouver de la business intelligence pertinente dans la gigantesque masse de données est à côté de la plaque. Quelle que soit son efficacité, l’IA aura toujours besoin d’un homme pour réaliser les analyses correctes et humaines. Un ordinateur peut certes établir des liens, mais seul un homme peut faire des analyses. L’homme reste dans le circuit, mais se voit simplement attribuer un outil puissant.”
La créativité humaine, estime toujours Born, est d’ailleurs un élément difficilement remplaçable par l’intelligence artificielle. “L’IA est très efficace pour dégager rapidement de nombreux liens nouveaux. Mais pour savoir si ces liens sont suffisamment pertinents pour être analysés, il faut toujours un être humain. L’homme filtre l’information fournie par la machine en utilisant des critères que la machine ne peut pas connaître. C’est ainsi que l’ordinateur est très efficace pour examiner des jeux de données très complexes, mais sans forcément trouver les liens utiles. Un homme dispose de la créativité nécessaire pour boucher les trous et combler les vides lors de l’analyse.”
Citizen Data Scientist
l’Arrivée de l’IA permet potentiellement à tout un chacun de pouvoir établir des liens intéressants entre de gros volumes de données.
Cela dit, la percée de l’IA comme outil devrait démocratiser les compétences en data science. Pour preuve, un nouveau profil fait son apparition, appelée dans les milieux de la data science le citizen data scientist. “La généralisation de l’IA peut se traduire à l’avenir par l’arrivée d’outils en self-service qui permettront aux employés n’ayant pas un profil de data scientist, voire aucune bagage ICT, de se servir de techniques de data science pour analyser leurs données, poursuit Born. Il faut voir ces outils comme une forme évoluée d’Excel. Certes, il faudra disposer d’une certaine formation complémentaire, tandis que le travail d’analyse restera l’apanage du data scientist, mais l’arrivée de l’IA permet potentiellement à tout un chacun de pouvoir établir des liens intéressants entre de gros volumes de données.”
Une évolution à laquelle ne croit toutefois pas directement Van Landeghem. “Pour l’instant, Watson d’IBM est utilisé de manière hésitante pour analyser par exemple des données juridiques sur base d’une question simple, via le traitement du langage naturel, tandis qu’à l’avenir, l’IA pourrait être utilisée pour visualiser des données par certains novices. Mais les compétences nécessaires pour rechercher de la véritable business intelligence dans des données, même avec des outils sophistiqués, sont très spécifiques. La véritable recherche de la valeur cachée reste un travail de spécialistes.”
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