Pourquoi vous soucierez-vous encore d’un nouveau navigateur?
Qui, en 2016, attend encore l’arrivée d’un nouveau navigateur Web ? Selon Jon von Tetzchner, le public cible est plus large qu’on ne l’imagine. Le concepteur du navigateur Opera lance – sur fonds propres – le navigateur Vivaldi, destiné aux “surfeurs intensif sur le Net”.
Grâce à sa multiplication de tabs, à ses combinaisons de touches sophistiquées et à ses possibilités puissantes de défilement vers l’avant et l’arrière, Vivaldi se veut un navigateur conçu pour les “surfeurs intensifs sur le Web” pour reprendre l’expression de Jon von Tetzchner, inventeur du navigateur Vivaldi et fondateur de la société éponyme.
Aux premiers temps de l’Internet, il a également été à l’origine d’Opera, un navigateur de niche qui apportait plusieurs innovations sur le marché, mais qui ne s’est jamais vraiment imposé en termes d’acceptation par le marché. Pour preuve, 2 % des internautes surfent aujourd’hui avec Opera, comme il ressort des derniers chiffres de la plate-forme d’analyse StatCounter, contre près de 60 % qui utilisent Google Chrome et 16 % qui font appel à Firefox et 15 % qui s’en tiennent à l’ancien monopoliste Internet Explorer. Les cartes semblent distribuées. Nous avons rencontré Jon von Tetzchner lors de sa venue à Bruxelles.
Pourquoi le monde a-t-il besoin d’un nouveau navigateur Web?
JON VON TETZCHNER: Nous voulons aller à contre-courant de l’évolution qui s’impose désormais, à savoir la simplification des navigateurs aujourd’hui sur le marché. En fait, cette tendance ne concerne pas les navigateurs Web en soi, mais concerne presque tous les logiciels. Tout doit être plus simple. Du coup, les navigateurs populaires actuellement ne se distinguent plus vraiment les uns des autres. Si vous êtes un utilisateur avancé, vous avez envie d’adapter le navigateur à vos besoins, lui faire faire vraiment ce que vous voulez.
Si vous avez typiquement plus de 10 tabs ouverts, Vivaldi est sans doute fait pour vous.
Comment définissez-vous un “utilisateur avancé”?
JON VON TETZCHNER: Un utilisateur qui est très souvent en ligne. Si vous avez typiquement plus de 10 tabs ouverts, Vivaldi est sans doute fait pour vous. De même que si vous souhaitez adapter les produits à votre goût. Si vous aimez utiliser un clavier. C’est ce type d’utilisateurs à qui nous voulons montrer ce que nous avons à proposer. Sans doute peut-on résumer les choses comme ceci : vous utilisez beaucoup les tabs ou vous recherchez des possibilités puissantes de gérer vos bookmarks, etc. Si vous surfez simplement pour aller sur Facebook, Twitter et YouTube, vous n’aurez pas besoin de ce type de navigateur.
Vivaldi n’est pour l’instant disponible que pour Windows et Mac. Verra-t-on une version mobile?
JON VON TETZCHNER: Nous avions même prévu au début un développement en parallèle pour le PC et le mobile, mais avons mis au frigo provisoirement cette dernière option : plusieurs éléments en termes de design doivent encore être approfondis. Nous commençons donc par le PC, mais le mobile fait incontestablement partie de nos plans.
Les applis sont aujourd’hui un outil de base pour l’accès à l’Internet pour les utilisateurs d’appareils mobiles et s’imposent peu à peu sur l’ordinateur. Le règne du navigateur comme plate-forme n’est-il pas terminé?
JON VON TETZCHNER: Je ne considère pas les applis comme une menace pour le navigateur. Le mode d’utilisation est fondamentalement différent : les applis sont formidables s’il s’agit pour l’utilisateur de garder le contrôle ou pour une fonction très fréquemment utilisée. Les gens utilisent bien moins d’applis qu’ils ne visitent de sites Web : les applis ne couvrent tout simplement pas l’ensemble des contenus recherchés par l’utilisateur.
Nous avons besoin d’environ 5 millions d’utilisateurs pour atteindre l’équilibre financier, après quoi nous verrons bien ce qu’il adviendra.
Quelle part de marché visez-vous?
JON VON TETZCHNER: Nous n’avons pas d’objectif en termes de parts de marché : globalement, cela ne change pas grand-chose. Une petite part de marché peut représenter un grand nombre d’utilisateurs. Ainsi, 1 % des internautes dans le monde signifie des millions de personnes. Regardez Opera et ses 350 millions d’utilisateurs actifs : on verra bien ce que nous pouvons atteindre avec Vivaldi, mais cela nous renforce dans l’idée qu’il ne faut pas forcément atteindre une grande part du marché. Nous avons besoin d’environ 5 millions d’utilisateurs pour atteindre l’équilibre financier, après quoi nous verrons bien ce qu’il adviendra.
Pourquoi 5 millions?
JON VON TETZCHNER: Le revenu moyen par utilisateur d’Opera est d’environ 1 $ par utilisateur et par an. C’est cette statistique qui nous sert de base : 5 millions d’utilisateurs, c’est 5 millions $. Assez pour faire tourner l’entreprise.
Comment exactement comptez-vous gagner de l’argent avec Vivaldi?
JON VON TETZCHNER: Par les résultats de recherche et les signets sponsorisés. L’utilisateur peut certes toujours refuser ceux-ci, mais l’objectif est de lui proposer des sites et des services pertinents pour lui. Pour ce faire, nous avons mis en place un système de revenus partagés comparable à celui qui est utilisé partout sur l’Internet.
Vous avez lancé Vivaldi sans stratégie de sortie, avez-vous dit. N’excluez-vous pas ainsi d’autres pistes d’investissement et de croissance?
JON VON TETZCHNER: La seule raison pour prévoir une stratégie de sortie est de pouvoir intéresser les investisseurs et je n’en ai pas envie. Je veux être seul maître à bord et ne lance pas Vivaldi pour des raisons financières. Je finance moi-même l’entreprise grâce à la vente de mes actions dans Opera voici quelques années. J’ai décidé de développer un nouveau navigateur pour mes amis. C’est le leitmotiv de la société : créer un produit que l’on aimerait utiliser soi-même.
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