Pourquoi le GSM des seniors est plus qu’un gadget
Le GSM des seniors: on pense aussitôt à un appareil robuste, au look quelque peu désuet avec de gros boutons. Et c’est vrai, mais cela ne reflète pas toute la réalité. Les GSM pour seniors représentent un marché de niche certes, mais qui ne fait que croître et qui – mais oui – est même innovant.
Le GSM du senior n’est en soi pas nouveau. Dès 2007, la Mutualité Chrétienne proposait par exemple l’Easy5 dans notre pays: un GSM qui ressemblait en fait plus à un walkie-talkie et qui permettait d’appeler en tout cinq numéros préprogrammés. Aujourd’hui, on trouve aussi dans le commerce plusieurs ‘feature phones’, à savoir des smartphones spécifiquement conçus pour les seniors. De la marque bon marché Fysic, mais en général des marques Doro et Emporia spécialisées dans ce marché.
Apporter la numérisation aux seniors
La firme autrichienne Emporia Telecom existe depuis 1991 déjà, mais s’est rendue compte, il y a 15 ans, que ses activités de l’époque en matière de téléphonie fixe et de walkies-talkies étaient une histoire terminée. En 2003, Eveline Pupeter prit la direction de l’entreprise et opta résolument pour la niche des GSM pour seniors. “En 2005, nous avons été les premiers à lancer un téléphone mobile à grandes touches”, explique-t-elle. “Depuis lors, notre entreprise n’a cessé d’évoluer et est désormais prête pour franchir l’étape suivante: apporter la numérisation aux seniors également.”
Un défi pour la société
Concrètement, cela signifie qu’Emporia ajoute des fonctions supplémentaires au ‘bête’ GSM qui ne permet que d’appeler et/ou d’envoyer des SMS. Il s’agit d’un GSM repliable – eh oui, ces choses là existent encore! – équipé par exemple d’un bouton WhatsApp séparé. Et cela signifie qu’un nouveau smartphone arrive, permettant de faire tourner quelques services 4G. Cela peut sembler quelque peu contradictoire – un senior plus âgé peut-il vraiment utiliser des applis? -, mais Eveline Pupeter est convaincue que c’est là la façon d’attirer le senior vers le proverbial bain numérique.
“Notre entreprise est idéalement placée pour lancer un pont numérique et veiller à ce que les seniors ne restent pas exclus de la société numérique. Il s’agit en partie d’un problème politique, mais c’est aussi un défi lancé à la société. Si nous voulons évoluer vers une société et une économie numériques, c’est l’affaire de tous: il faut s’assurer que tout un chacun puisse se parquer avec son GSM, effectuer ses opérations bancaires sur son smartphone et utiliser les services numériques des autorités.”
Whatsapp pour les (petits)-enfants
Le Touchsmart récemment lancé d’Emporia est ce genre de GSM repliable au look désuet, qui se distingue par son bouton Whatsapp séparé. Ce n’est ni un choix arbitraire, ni un gadget. “De nos enquêtes de marché poussées, il apparaît que toujours plus de seniors ont besoin de Whatsapp, parce qu’ils peuvent ainsi rester en contact avec leurs enfants ou petits enfants et avec les groupuscules Whatsapp ciblant le ménage ou la famille. Ne sous-estimons pas non plus le facteur répétitif: les photos qui peuvent être partagées sur Whatsapp, les seniors peuvent les regarder continuellement. C’est d’une grande importance pour eux. De même que pouvoir envoyer eux-mêmes un message vers tout en chacun et réfléchir calmement, avant d’appuyer sur ‘expédier'”, précise Pupeter.
Fanatique de ‘connaissez votre groupe-cible’
L’exemple Whatsapp illustre bien combien Emporia se comporte de manière fanatique avec son groupe-cible. “Notre focus repose entièrement sur notre groupe-cible d’utilisateurs, sur leurs besoins et leurs attentes. Les spécifications et fonctions de nos appareils y répondent exactement”, ajoute Pupeter. Cela se traduit dans une R&D étendue: une espèce de ‘kit’ pour ressentir les effets de la vieillesse. Ici, l’entreprise collabore avec l’université de Cambridge. Des chercheurs enfilent par exemple une veste spécialement lestée pour pouvoir simuler la difficulté de se mouvoir pour les personnes âgées et se rendre compte combien cela pèse littéralement sur leurs possibilités d’utiliser un appareil mobile. Les chercheurs coiffent aussi un casque qui réduit leur faculté d’écoute. Eveline ouvre alors un coffret et nous montre un tas de lunettes solaires. “Ce sont là des lunettes qui simulent chacune un problème visuel spécifique. En portant ce genre de lunettes, les chercheurs peuvent nettement mieux adapter le design et la fonctionnalité logicielle à la réalité dans laquelle vivent les seniors.”
Si nous voulons évoluer vers une société et une économie numériques, nous devrons nous assurer que tout le monde suive et puisse utiliser les services numériques.
Nous voulons alors savoir ce qui en ressort concrètement. “On parle par exemple de commande à écran tactile. Nous avons ainsi appris que les seniors plus âgés déplacent de manière toujours inconsciente un peu leur doigt au lieu de tapoter. Lorsqu’on apprend à comprendre le comportement des seniors, on peut plus facilement en tenir compte au niveau des produits.”
Quoi d’autre? La station d’accueil fournie par défaut avec le Touchsmart. “Les seniors apprécient: ils connaissent ce genre de station de recharge, ce qui leur donne confiance”, affirme la CEO en nous citant encore un exemple: “Le couvercle du GSM, vous pouvez le remplacer ou le faire remplacer par un autre équipé d’un bouton d’alarme. Nous fournissons les deux couvercles d’origine, car tous les seniors ne souhaitent pas que d’autres puissent voir qu’ils possèdent un GSM avec un bouton d’alarme.”
La différence aussi par les modes d’emploi et les leçons
Emporia considère en outre le Touchsmart – qui tourne du reste sous Android Go – comme une possible étape intermédiaire avant un ‘vrai’ smartphone. Les chiffres du marché montrent qu’il y a là une lacune. En Europe, 75 millions de seniors ne possèdent pas encore un smartphone. La Belgique compte 4,3 millions d’habitants de plus de 50 ans. 22 pour cent d’entre eux ont plus de 60 ans. A peine 52 pour cent d’entre eux ont un smartphone. Ce qui les retient, c’est la crainte d’un manque de convivialité et de support. Des points auxquels un fabricant comme Emporia entend réagir en fournissant des modes d’emploi imprimés – dont même un petit séparé pour Whatsapp – et en misant aussi sur des leçons gratuites afin de pouvoir utiliser l’appareil.
Emporia a déjà vendu 600.000 téléphones au niveau mondial, dont quelque 30.000 en Belgique – surtout des ‘feature phones’. Il en résulte que l’entreprise autrichienne – dont l’usine de production se trouve dans la ville chinoise de Shenzhen – reste encore et toujours un fabricant relativement modeste. A propos, les grands acteurs télécoms de ce bas-monde ne viennent-ils pas entre-temps pêcher dans ce même étang? “Un fabricant tel Samsung a en effet prévu un ‘easy mode’ sur certains de ses appareils. Mais l’interface de commande ne représente qu’une pièce du puzzle. Je suis convaincu que notre puzzle à nous est plus complet”, conclut Eveline Pupeter.
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