Guy Kindermans
‘Plus petit’, est-ce la ‘nouvelle normalité’?
Grand, plus grand, le plus grand… ou retour à la case départ, puisqu’on voit à présent toute une série d’entreprises qui en reviennent à une version simplifiée. Serait-ce la fin de la vague de consolidations dans le secteur ICT?
eBay et PayPal qui se séparent. HP et Symantec qui se scindent chacune en deux entreprises. Même en dehors de l’ICT, il y a des sociétés telles que Philips qui se subdivisent en deux entités (Medical/Lifestyle et éclairage), alors que des rumeurs évoquent de nouveaux candidats à la scission (EMC, Cisco,…).
C’est bizarre dans la mesure où jusque tout récemment, c’était plutôt le principe du ‘plus grand, c’est mieux’ qui prévalait dans les entreprises et qu’être ‘le plus grand’ était le but ultime de chaque firme. Peu importe leurs motivations du reste: ‘une masse critique supérieure’, ‘une domination du marché’, ‘proposer une gamme end to end complète’, ‘constituer un seul interlocuteur pour des solutions globales’, ‘aspirer au Graal des synergies’,… Les raisons ne manquaient apparemment pas aux entreprises pour cibler davantage de ‘volume et d’échelle’ en croissant rapidement grâce à des rachats.
Jusque tout récemment, c’était plutôt le principe du ‘plus grand, c’est mieux’ qui prévalait dans les entreprises.
C’en serait donc fini et ce, pour une multitude de bonnes raisons. Quel est donc en effet l’utilité pour une grande entreprise de ressembler davantage à une réunion de petits royaumes qui, dans le pire des cas, s’affrontent davantage les uns les autres que le concurrent extérieur direct, ou qui refusent de collaborer, ou tentent de se couper l’herbe sous le pied dans leur chasse aux moyens d’exploitation nécessaires. Ou si, en leur sein, règne une incompréhension mutuelle des cultures présentes, ou si leur marché n’apprécie pas complètement la combinaison de leurs produits. Ou parce qu’il y a tout simplement un manque de focalisation en matière de ‘go to market’, de moyens de développement, etc. Toutes des raisons qui font que ‘plus grand’ s’apparente plutôt à ‘pire’. Et tel est certainement le cas dans une période, où les entreprises doivent avoir du rendement, sous peine d’être le point de mire d’actionnaires ‘actifs’, adeptes de la ‘casse’ d’entreprises, afin de faire entrer en Bourse leurs entités constitutives, chacune avec une valeur supérieure (tout en empochant éventuellement au passage des montagnes de cash).
Les entreprises scindées elles-mêmes affirment qu’elles peuvent réagir de manière plus rapide et flexible aux desiderata changeants du marché, avec une stratégie, un service de vente,… propres pour chaque élément. Et qu’une collaboration mutuelle, avec l’aide ou non de partenaires, demeure de toute façon une possibilité. Pour le client, tout ne doit pas forcément se trouver dans une seule et même entreprise.
Finie, la consolidation?
D’autre part, le paysage ICT est encore et toujours assez fortement fragmenté, et il n’est pas rare de voir des entreprises incapables, en ne comptant que sur leurs propres forces, d’atteindre la croissance ou la taille nécessaires pour garantir des services à une clientèle plus importante (et plus exigeante). Les rachats peuvent à coup sûr encore et toujours être des réussites, à condition que l’entreprise ne s’enlise pas dans un bourbier d’activités diverses. Les entreprises qui reprennent des concurrents pour être plus fortes dans leur coeur de métier, que ce soit grâce à plus de technologie ou à une amélioration de la leur ou que ce soit pour accroître leur clientèle, tout cela en restant très concentrées sur leur sujet, ont encore et toujours des chances de succès. Il y aura donc assurément une double vague de réorganisations. Ce qui est trop grand, trop chancelant ou trop inefficient, risque d’une part de faire la culbute en ces temps d’économie tumultueuse. Mais par ailleurs, le flux d’annonces de rachats et de consolidations ne va pas vraiment s’arrêter car il y a là encore pas mal d’avantages à engranger. Bref, l’on vit une époque vraiment intéressante.
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