Danielle Jacobs
Plaidoyer pour un marché unique des télécoms
La téléphonie, internet et les services de cloud convergent et s’internationalisent, propulsant ainsi les réseaux mobiles au rang de nouvelle norme. Et dans ce cadre, des réseaux performants sont la condition sine qua non pour garantir une utilisation optimale de la mobilité. Un large éventail de choix est un must. Les enquêtes successives en matière de télécoms démontrent une image statique: presque 20 ans après le début de la libéralisation, la part de Belgacom/Proximus sur le marché professionnel demeure toujours particulièrement importante.
La Cour d’Appel de Bruxelles a récemment statué que Telenet devait ouvrir le câble pour la revente à d’autres acteurs, en ce compris Belgacom/Proximus. Et, en parallèle, la demande de convergence de la téléphonie fixe et mobile va croissant. Ces éléments auront incontestablement des conséquences sur les rapports entre les opérateurs télécoms actifs sur le marché.
Les enjeux sont toutefois bien plus importants. Lorsque les entreprises déploient des technologies de communication, elles sont en mesure d’améliorer leur organisation, mais l’ICT est avant tout un important facteur d’innovation. Il est regrettable que lors de l’entrée en fonction du gouvernement, la compétence du Ministre De Croo en matière d’agenda numérique ait souvent été dénigrée. Alors qu’il s’agit de notre capacité économique. La technologie de la communication est un important catalyseur. Cela revient à abattre toutes les barrières pour permettre une utilisation facile de l’ICT. Quelques exemples.
Presque 20 ans après le début de la libéralisation, la part de Belgacom/Proximus sur le marché professionnel demeure toujours particulièrement importante.
Le cadre (para-)fiscal relatif au travail mobile est complexe et contreproductif. Il est essentiel que les entreprises puissent implémenter des applications mobiles novatrices plutôt que de se heurter à des règles complexes. Une (para-)fiscalité concernant le travail mobile pourrait réellement faire la différence. Sus aux incertitudes concernant les obligations qui nous incombent lorsque l’on offre gratuitement un accès WiFi aux visiteurs de l’entreprise.
Par ailleurs, il est regrettable que d’après le Rapport de la Cour des Comptes relatif au budget 2015, aucun moyen n’ait été dégagé pour un centre de cybersécurité puissant.
Les entreprises actives à l’international veulent, dans la mesure du possible, déployer leurs applications mobiles de la même façon dans tous les pays. Mais elles sont confrontées à un marché de la téléphonie mobile encore fortement ancré à un niveau national, avec différents tarifs, services, etc. Trop d’entreprises n’obtiennent rien de plus qu’un contrat-cadre pour les services mobiles internationaux, assorti d’une annexe par pays. D’où un gaspillage de temps et de moyens.
L’internet des objets offre un énorme potentiel, mais pour être en mesure de l’utiliser, il est essentiel de pouvoir changer d’opérateur sans devoir remplacer la carte SIM dans chaque appareil. L’objectif ne peut pas être de rester lié à long terme à un opérateur.
On constate également l’émergence de nouveaux défis. De plus en plus d’entreprises utilisent le système d’unified communications et intègrent les possibilités au sein des processus de l’organisation. Ainsi, 53 % des entreprises utilisent le logiciel UC de Microsoft. En matière de commerce électronique, impossible de se passer de Google. Nous soucions-nous à bon escient au sujet de nouveaux monopoles/oligopoles et du vendor lock-in?
Nous dépendons du cadre européen. Nous nous réjouissons déjà qu’au sein du BEREC – qui réunit 28 régulateurs européens – le marché professionnel soit au centre de toutes les attentions. Et dans l’intervalle, l’Europe a demandé la surveillance du marché professionnel afin de déterminer si la concurrence qui s’y joue est ou non suffisante. Par contre, il y a de quoi s’inquiéter des étapes ultérieures à mettre en place pour parvenir à un marché des télécoms unifié. Après le départ du commissaire européen Kroes, les ambitions sont visiblement remises en question. Ainsi, un sérieux lobbying se met-il en place dans le cadre du déploiement du roaming au sein de l’Europe d’ici fin 2015. Mais les autres éléments nécessaires à la réalisation d’un marché unique suscitent clairement une opposition. Il y a pourtant beaucoup à gagner dans un marché unifié en Europe, avec un seul cadre pour la neutralité du réseau, la rétention de données, etc.
L’Europe devra faire un mouvement de rattrapage si nous voulons nous aussi participer à l’économie numérique. Ce constat est également valable pour la Belgique. L’accord de gouvernement offre de nombreuses possibilités pour stimuler l’économie numérique. Et la nouvelle Commission s’est mise au travail. Reste à espérer qu’à ces deux niveaux, on parvienne à mettre en place des mesures intelligentes.
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