Kristof Van der Stadt
Payez-vous avec une carte ou une appli?
Après avoir palabré durant des années sur les standards techniques, la conformité et les modèles métier, les dés en sont désormais jetés dans notre pays: il est maintenant possible de payer dans un magasin en lançant une appli, en scannant un code QR ou en faisant glisser une carte bancaire devant un terminal. A condition certes d’avoir téléchargé pour chaque magasin l’appli spécifique, de disposer du logiciel de scanning du code QR concerné et de disposer d’une carte de paiement doté d’une puce NFC ou near-field communication.
Soit pas mal de conditions réunies, même si pour chaque méthode de paiement innovante lancée de ci de là, l’une de ces conditions au moins doit être prise en compte.
De ci de là, encore une contrainte. Il est ainsi question d’un seul supermarché Delhaize au siège central de Bruxelles (appli Bancontact), de quelques supermarchés Okay (paiement sans contact avec la carte KBC), de magasins et e-boutiques de la chaîne Colruyt (appli SEQR) d’un projet à Waterloo avec TagTagCity et Belfius, sans oublier une poignée de pharmacies, chaînes de restauration rapide, bornes de parking et petits magasins locaux. Et cette liste n’a pas la prétention d’être exhaustive, même si notre propos vise à montrer qu’il s’agit là d’un déploiement très fragmenté de solutions de paiement mobile et/ou sans contact.
Connaissez-vous un seul consommateur qui a installé les applis tant de Bancontact que de SEQR, Belfius, KBC et SixDots ? Peut-être. Mais connaissez-vous un seul consommateur qui ait été capable de configurer lui-même toutes ces applis – avec les mots de passe, codes PIN et autorisations uniques pour un lecteur de cartes Digipass ? Et connaissez-vous un consommateur qui utilise effectivement tous ces nouveaux modes de paiement ?
Connaissez-vous un seul consommateur qui a installé les applis tant de Bancontact que de SEQR, Belfius, KBC et SixDots?
Une approche cohérente aurait sans doute été préférable. Ne vous méprenez pas : je ne suis pas opposé à l’innovation technologique mais je crains que nous soyons ici face à de nombreuses solutions imaginées pour répondre à des problèmes que ne se posent nullement les consommateurs. Dans notre pays, il est possible depuis pas mal de temps déjà de payer rapidement dans la plupart des magasins avec une carte bancaire. Le paiement sans contact (fini donc le code PIN) m’apparaît comme le seul moyen d’encore gagner un peu de temps, mais le montant maximum est alors limité. A € 25 à peine dans le cadre du projet de carte de paiement NFC de KBC.
Lorsque l’on parle de paiement par smartphone, il est possible d’aller jusqu’à € 250 “déjà”, mais le gain de vitesse est alors nul. Tirer le smartphone de sa poche, le déverrouiller, lancer l’appli en question, atteindre son chargement, scanner le code QR, atteindre la fin du scannage, introduire son code PIN et attendre que la transaction soit finalisée : il est facilement question de 20 à 30 secondes supplémentaires par rapport au fait de sortir sa carte, la glisser dans le terminal, introduire son code PIN et entendre le fameux bip moins d’une seconde plus tard. Et je ne parle même pas des retards possibles ou des time-outs consécutifs à une connexion WiFi hésitante ou une liaison 3G/4G surchargée. Comme solution de back-up soit, voire lorsque l’on a oublié sa carte de paiement, mais pas davantage. “Certes, mais il n’est pas ici question de gain de temps, mais plutôt d’une expérience totalement nouvelle de paiement, d’un mode de paiement nouveau et complémentaire”, rétorque-t-on presque en choeur du côté des fournisseurs et des banques.
Nous sommes certes disposés à les croire et je suis convaincu qu’une telle “expérience totalement nouvelle” a un avenir, mais je ne pense pas que nous attendions vraiment ce type d’expérience chez un détaillant. La rapidité de paiement reste un facteur crucial dans un commerce ou un supermarché. Les nouvelles technologies ne doivent pas constituer une excuse pour allonger les temps d’attente. Personne ne souhaite attendre plus longtemps à la caisse pour permettre à un client de payer d’office avec son smartphone. A moins qu’un développeur ne soit déjà en train de créer une appli pour calculer votre temps d’attente à la caisse ? L’idée est à creuser et permettrait de choisir la file d’attente la plus rapide aux caisses…
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