Pieterjan Van Leemputten
‘Nous n’allons pas bien, alors donnez-nous de l’argent!’
Après Twitter, voici que Meta lance aussi un abonnement payant sur Facebook et Instagram. L’entreprise qui n’est pas à la hauteur depuis des années déjà au niveau du contrôle d’identité approfondi, entend à présent demander de l’argent pour ce qui est le fondement absolu: prouver que vous êtes bien qui vous êtes.
L’abonnement, appelé Meta Verified, vous procure un badge bleu à exhiber, mais le fondateur et CEO Mark Zuckerberg promet aussi ‘une protection supplémentaire contre les comptes se faisant passer pour vous’ avec accès direct à un service clientèle. C’est bien beau en apparence, mais c’est insensé compte tenu de l’historique et de l’actuel modus operandi de l’entreprise.
Facebook est l’endroit où nous avons numérisé en détail notre vie personnelle ces 15 dernières années, alors qu’Instagram – rachetée par la suite – est le lieu où nous nous mettons nous-mêmes sous les feux de la rampe. Mais toute personne populaire ou bien connue voit souvent apparaître de faux profils la concernant. Parfois pour des ‘j’aime’, mais souvent pour escroquer autrui, avec à la clé des dommages tant pour la personne connue que pour ses suiveurs. Mais dans ce cas, la personnalité pourra bientôt réagir et ce, pour le même montant environ que celui d’un abonnement Netflix.
Je me suis rendu sur le profil de Zuckerberg pour m’assurer que l’info était bien réelle. Or c’était un profil avec une coche bleue signifiant qu’il s’agissait vraiment de son profil. 11,99 dollars par mois sur le web et 14,99 dollars sur iOS. Cela peut sembler déroutant dans la mesure où la plupart des utilisateurs utilisent tantôt un PC tantôt un smartphone, mais il devrait y avoir sans aucun doute un plan sous-jacent.
Doit-on qualifier le phénomène d’éléphant dans un magasin de porcelaines? Où le bât blesse-t-il donc? Pas dans le fait que Facebook a promis des années durant qu’elle resterait gratuite (tel est encore et toujours le cas). Mais bien dans le fait qu’elle demande désormais de l’argent pour une exigence fondamentale absolue d’une plate-forme qui existe depuis 19 ans déjà: la sécurité pour ses utilisateurs.
Facebook: ‘Nous n’allons pas bien, alors donnez-nous de l’argent!’
Facebook/Meta ont gagné ces dernières années des milliards de dollars, avec des bénéfices qui, lors de leur apogée en 2021, ont atteint un peu moins de 40 milliards de dollars. Même à cette époque, l’entreprise n’a pas réussi à empêcher efficacement le vol d’identité ou les escroqueries exploitant les noms de personnes célèbres. A présent qu’il y a des ratés au niveau des rentrées financières (en 2022, il n’était question ‘que’ de 23 milliards de dollars de bénéfice) et que des milliards sont injectés dans un métavers provisoirement peu spectaculaire, l’entreprise vient frapper à la porte de l’utilisateur.
Qui est responsable si quelqu’un se fait passer pour Angèle ou Stromae? Pas les artistes qui partagent leurs aventures sur Facebook ou Instagram. Pas les utilisateurs qui pourraient être contactés par un faux profil. Mais bien le fournisseur de ces profils qui profite des données en question pour gagner de l’argent, mais ne réussit pas à y prévoir une sécurité suffisante.
Facebook gagne depuis des années déjà activement de l’argent à cause des abus et des escroqueries de ses utilisateurs.
Les choses peuvent être encore plus cyniques. Facebook gagne ainsi depuis des années déjà activement de l’argent à cause des abus et des escroqueries de ses utilisateurs. Les arnaques cryptographiques qui circulent sur la plate-forme depuis des années, avec des noms tels Mark Coucke, Elon Musk ou d’autres célébrités vous promettant la richesse éternelle, y circulent sous la forme de contenu sponsorisé. Une preuve irréfutable que Facebook tire profit des abus et de la fraude de ses utilisateurs.
Il y a encore pire, comme nous l’avions appris l’été dernier, lorsqu’une ONG au Kenya, en guise de test, a placé vingt annonces appelant à la décapitation et au viol Dix-neuf d’entre elles furent insérées sans aucun problème.
Bien sûr, l’entreprise déclare à ce propos que ces annonces ne sont pas autorisées et qu’elle fait tout ce qu’elle peut pour s’y opposer. Il n’empêche qu’elles apparaissent toujours, et que cela continue de rapporter de l’argent à Facebook. Cela en dit assez sur la qualité de Facebook en matière de modération et de contrôle. Or cette entreprise demande à présent de l’argent pour approfondir ce contrôle, sans la moindre certitude qu’elle puisse y parvenir.
Le message est simple: cher utilisateur, nous n’effectuons pas notre travail correctement depuis des années déjà. Vos données ne sont pas en sécurité chez nous. Notre algorithme est conçu pour vous mettre en colère. Les désinformateurs et les théoriciens du complot trouvent ici de quoi faire, alors qu’entre-temps l’identité de quelqu’un est également abusée, sans que nous réagissions ou à peine. Mais versez-nous 11 à 15 dollars par mois et alors, vraiment de chez vraiment, cela ira beaucoup mieux, nous le jurons sur l’honneur. Nous ouvrirons même un service à la clientèle!
Au fait, on devrait peut-être essayer le même genre de chose à la rédaction de Data News: cher lecteur, nous autorisons les publicité d’escrocs. Ce que vous lisez ici, c’est en fait le contenu de quelqu’un d’autre, et nous facilitons en outre les fraudes au quotidien. Mais si vous souscrivez un abonnement, nous effectuerons un vrai travail de journalisme avec des articles authentiques. Et nous empêcherons quiconque d’écrire des inepties vous concernant personnellement. Nous n’avons évidemment pas la taille de Facebook. Mettons-nous dès lors d’accord sur un coût de 6 euros par mois. Un mini-coût pour vous épargner toutes sortes d’ennuis, n’est-ce pas?
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