Luc Blyaert
Nous allons devoir vivre avec un duopole
Je m’étais à l’époque attiré les foudres. Comment avais-je osé? Ce n’était pas possible, et notre enquête ne ressemblait à rien. Cela remonte à l’hiver très froid de fin 1997, lorsque notre enquête révéla que quasiment la moitié des clients professionnels de Belgacom envisageait fortement de migrer vers la concurrence.
Voilà qui eut le don de réveiller subitement la direction assoupie de l’opérateur télécom ‘historique’. Deux ans plus tôt, la libéralisation du marché des réseaux de données avait démarré sans trop faire de casse. Les jours fastes des investissements effrénés et insensés s’annonçaient alors, puisqu’en 1998, 1999 jusqu’au printemps de 2000, tous les bas-côtés importants des sites d’entreprise furent ouverts, pour y installer à qui mieux-mieux de la fibre optique, et les opérateurs télécoms de pousser comme des champignons. Aujourd’hui, la plupart ont disparu ou ont été ramenés à l’état d’acteurs de niche dans le meilleur des cas.
Belgacom, comprenez Proximus, est plus que jamais le maître absolu, surtout dans les entreprises avec une part de marché en téléphonie de pas moins de 60%, voire de 65% en Belgique francophone. Pour ce qui est de la communication mobile, l’opérateur dominant est encore et toujours à la pointe avec 55% des entreprises clientes. Pour les solutions data, la moitié des entreprises belges opte également pour Proximus. Seize ans après la libéralisation, il n’y a donc pas grand-chose de changé. Proximus a fait du bon travail. Le gouvernement et donc aussi le régulateur, l’IBPT, se sont pendant des années bien occupés de ce qui était autrefois considéré comme un dinosaure. Proximus est aussi le seul à parvenir à investir chaque année encore quelque 750 millions € dans son réseau. Par comparaison, Telenet injecte 100 millions € par an dans son projet ‘Grote Netwerf’. Et ose encore invoquer cette raison pour faire passer auprès des consommateurs une augmentation de la facture jusqu’à 5%. La Belgique peut certes s’enorgueillir d’une offre en haut débit solide et de qualité, elle reste parmi les plus coûteuses d’Europe. Et y ajouter mensuellement encore 2 à 3 € ne fait qu’aggraver les choses.
Proximus est plus que jamais le maître absolu, surtout dans les entreprises.
Nous allons devoir vivre avec ce duopole, pour autant que tel ne soit pas le cas depuis des années déjà. Proximus et Telenet possèdent, surtout en Flandre, quelque 80% des marchés de la téléphonie, du haut débit et des données. Rayon chiffre d’affaires, Telenet a même dépassé Mobistar l’an dernier, comme il ressort de notre top1000 des entreprises IT belges, qui sera publié fin décembre. Comme on le sait, Mobistar a conclu un accord avec Telenet de revente des services mobiles. L’on a spéculé pendant longtemps sur le rachat possible de Mobistar ou de Base par Telenet. Qui sait, cela pourrait encore venir. Les actionnaires KPN et France Telecom soufflent en effet assez souvent le chaud et le froid, lorsqu’il s’agit de filiales relativement modestes. La réglementation européenne et la suppression des tarifs de roaming lucratifs (à ne pas dédaigner vu l’importante communauté étrangère à Bruxelles) ont réduit fortement le bénéfice d’autrefois. Cela ne fera encore que s’amplifier à l’avenir. Mais qu’en sera-t-il si Telenet (Liberty Global) est racheté par le géant du mobile Vodafone, comme on l’a suggéré assez souvent déjà? Si les tarifs d’itinérance complémentaires sont bientôt annulés en Europe et que l’on peut appeler partout au même prix, Telenet pourra proposer sans problème les cartes SIM de Vodafone à ses clients professionnels. Et ainsi, le duopole en sortira encore renforcé, de manière certes quelque peu plus mouvementée, mais assurément renforcé.
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