Nécrologie numérique (2)
L’industrie de la musique est décimée, la vidéo trébuche et finalement, qui achète encore des logiciels aujourd’hui? Il y a fort à parier que les livres et les revues seront les prochaines victimes à figurer dans la nécrologie numérique.
L’industrie de la musique est décimée, la vidéo trébuche et finalement, qui achète encore des logiciels aujourd’hui? Il y a fort à parier que les livres et les revues seront les prochaines victimes à figurer dans la nécrologie numérique.
La dernière fois, je parlais du modèle économique des livres électroniques qu’Amazon tente de lancer avec son lecteur Kindle. Dans un monde du DRM, les grands conglomérats médiatiques se moquent royalement de ce que pense le client. Ils font ce qu’ils veulent avec “leur” contenu. Avec le Kindle, Amazon s’inspire à l’évidence du modèle économique imaginé par Apple pour son iPod. Il essaie de prendre de l’avance sur ses concurrents comme Adobe et Sony pour acquérir une position de monopole sur le marché des livres électroniques. Sony a déjà réagi en échangeant son propre format protégé contre celui d’Adobe, également adopté par d’autres fabricants de lecteurs électroniques. En outre, le format Kindle a déjà été piraté. De nombreux documents Kindle se font d’ores et déjà dévaliser sur Bittorrent.
Du reste, le marché des e-books est encore très réduit dans le monde. Selon TNO, il n’y aurait que 3.500 appareils lecteurs en circulation aux Pays-Bas. Sony affirme avoir vendu en l’espace de quelques semaines 1500 exemplaires de ses nouveaux lecteurs électroniques aux Pays-Bas. Cela porte alors le total à tout au plus 5000 unités. Pour la Belgique, je n’ai trouvé aucune donnée chiffrée. Aux USA, les auteurs de best-sellers papier vendent en tout et pour tout une centaine de versions numériques. Les éditeurs ont donc encore un peu de temps pour mettre au point un modèle économique rentable. Mais les lecteurs électroniques s’améliorent et se démocratisent rapidement. Tôt ou tard, chacun en aura un, comme chacun possède désormais un lecteur de musique numérique.
L’auteur de SF américain Cory Doctorow publie déjà ses livres avec une licence Creative Commons. Parallèlement, on peut acheter ses romans par la voie classique (aussi bien au format papier qu’au format numérique). “Mon problème n’était pas le piratage mais le fait que personne ne me connaissait”, dit à ce propos Cory Doctorow. Selon lui, un e-book gratuit est simplement une question de bon marketing. Manifestement, il peut en vivre. Mais la langue anglaise couvre une grande communauté linguistique. En outre, la SF compte une large communauté d’adeptes. Si un des livres de Doctorow est copié 100.000 fois et que 10% des lecteurs en achètent un exemplaire, cela fait tout de même encore un beau tirage de 10.000 exemplaires payants. Comparez cela avec les tirages habituels en langue néerlandaise. Un auteur néerlandophone peut déjà s’estimer heureux de vendre 500 exemplaires d’un livre qui a été copié gratuitement 5.000 fois. Je ne pense pas que nos auteurs puissent en vivre. Certainement pas si le prix inférieur des livres électroniques est répercuté au coup par coup dans les droits d’auteur déjà très bas. Après tout, 10% de 30 EUR, c’est deux fois plus que 10% de 15 EUR. Soyons honnêtes, même nos plus grands auteurs ne peuvent d’ores et déjà guère vivre de leur plume. Les livres électroniques n’y changeront sans doute pas grand-chose. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas imaginer un modèle économique rentable. Celui qui l’inventera pourra écrire un livre sur le sujet. Mais alors, éditez-le bien au format numérique avec une licence Creative Commons, de façon à faire connaître votre proposition au plus grand nombre.
Cory Doctorow : http://craphound.com/
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