Wim Kopinga
‘Mark Zuckerberg pense que Facebook n’a pas eu d’impact sur les élections. Et c’est un problème’
Mark Zuckerberg déclare dans un communiqué posté sur sa propre page Facebook qu’il est ‘très improbable’ que le réseau social ait influencé les élections présidentielles américaines. Cette observation est à la fois étonnante et dangereuse.
Facebook a autrefois débuté en tant que réseau social, à savoir un endroit où l’on pouvait rencontrer des amis en ligne. Mais aujourd’hui, ce ne sont plus les mises à jour personnelles, photos et autres renseignements d’amis qui y priment, mais plutôt la collecte d’informations d’actualité.
En raison de l’énorme quantité d’utilisateurs, beaucoup d’organismes d’actualité en ligne sont même fortement dépendants du trafic qui aboutit sur leur site à partir de Facebook. 66 pour cent des Américains disent, selon Pew Research, obtenir leurs informations quotidiennes via Facebook.
‘Mark Zuckerberg pense que Facebook n’a pas eu d’impact sur les élections. Et c’est un problème’
L’influence de Mark Zuckerberg ne doit de ce fait pas être sous-estimée. Selon les chiffres les plus récents, Facebook possède 1,79 milliard d’utilisateurs mensuels. 52 pour cent des internautes dans le monde disposent actuellement d’un compte Facebook, et cela ne fera que croître au cours des prochaines années.
Et c’est préoccupant.
Car même si Facebook opère de manière relativement indépendante, l’algorithme, lui, ne l’est pas. Comme vous avez peut-être posté un ‘j’aime’ pour l’un ou l’autre parti politique, Facebook sait sur quels messages vous cliquez et quels messages obtiennent un bon score chez vos amis, ce qui impacte votre flux de nouvelles.
Il en résulte un ‘filterbubbel’ (bulle de filtres) ou une ‘chambre d’écho’. En raison de vos préférences constatées, vous n’entrez pas en contact avec des avis que vous ne partagez pas. Vous ne découvrez que les messages dans lesquels vous pouvez vous retrouver, du fait que vous êtes plutôt enclin d’y cliquer.
Vous pouvez ainsi avoir une vision du monde complètement différente de celle de votre voisin, alors que vous passez autant de temps sur le réseau social. En outre, vous n’y retrouvez pas seulement vos propres points de vue. Ceux-ci sont amplifiés et déformés via l’objectif des histoires réalisant les meilleurs scores sur lesquelles vous allez probablement cliquer.
Le succès de l’actualité factice
Mais à côté des nouvelles des sites d’actualité indépendants, Facebook propage aussi de nombreuses infos factices. Des canulars (hoaxes) sont diffusés comme des vérités. Selon certains esprits critiques, Zuckerberg et consorts seraient ainsi même partiellement responsables de la victoire de Donald Trump.
Car toute info factice qui se greffe sur les préférences d’un utilisateur, se répand très vite sur le réseau social. Des titres accrocheurs du style ‘Hillary Clinton appelle à la guerre civile, si Trump est élu’, ‘Le Pape François soutient Donald Trump, ‘Barack Obama admet qu’il est né au Kenya’ et ‘L’agent du FBI suspecté de fuites de corruption d’Hillary Clinton est mort’ ont été avidement partagés parmi les adeptes de Trump.
Ce genre d’histoire factice se répand nettement plus vite que celle qui rejette son contenu inepte: l’histoire du Pape a été ainsi partagée 868.000 fois sur Facebook. Et celle démontrant que tel n’était pas le cas, ne l’a été que 33.000 fois.
Le problème dans ce cas, c’est que l’info factice est rapidement écrite – parce qu’aucune source n’est nécessaire – et rapporte beaucoup. Les sites où se trouvent les ‘infos d’actualité’, sont souvent remplis de publicités. Les centaines de milliers, voire les millions de clics amènent par conséquent facilement de l’argent dans le tiroir-caisse, ce qui fait qu’il s’avère toujours plus rentable d’écrire ce genre de fable.
Aucun intérêt à s’en tenir aux faits
Facebook n’a donc aucun intérêt à ce que les infos sur le site soient correctes. Pour Zuckerberg, il est surtout important que nous restions le plus longtemps possible sur Facebook et voyions ainsi le plus de publicités possible. Une façon de fidéliser les gens, c’est qu’ils se sentent bien là où ils sont. Or le réseau social sait comment s’y prendre. Avec des messages qui confirment ce que vous pensez. Cela vous plaît davantage que de voir une image gênante qui vous force à réfléchir.
‘Facebook se frappe sur la poitrine, lorsqu’il est question de l’influence des considérations commerciales. Mais c’est tout le contraire pour ce qui est de l’impact des points de vue politiques.’
Dans un communiqué que Zuckerberg a posté dimanche sur sa propre page, il affirme que seul un pour cent des infos d’actualité sur le réseau social n’est pas correct. ‘Et ces messages ne se limitaient pas uniquement à l’une des deux parties’, ajoute-t-il. ‘Il en résulte qu’il est extrêmement improbable que des canulars sur Facebook aient influencé d’une manière ou d’une autre le résultat des élections.’ Mais il ne s’agit pas ici du nombre de messages factices. Et cela, Zuckerberg le sait aussi. Il s’agit en effet plutôt de la fréquence de partage de ceux-ci et de leur apparition ou non ensuite dans votre flux de nouvelles.
Il est du reste étonnant que Facebook se frappe souvent sur la poitrine lorsqu’il est question d’influencer le comportement d’achat des utilisateurs et de générer ainsi des milliards de rentrées financières. Mais que singulièrement, tel n’est pas le cas, lorsqu’il s’agit d’opinions politiques.
‘Ce furent des élections historiques qui ont été pénibles pour beaucoup. Je pense cependant qu’il est important de tenter de comprendre le point de vue de l’autre’, écrit encore Zuckerberg dans son message sur Facebook. Un avis à la fois sensé et idéaliste. Mais ce point de vue de l’autre, il vaudrait mieux le soumettre aussi aux 1,79 milliard d’utilisateurs du réseau social.
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