L’informatique au service du développement durable?
Dans un magazine tel que Data News, il est probablement inutile de préciser qu’il existe un manque de personnel IT qualifié. Selon moi, les chiffres du VDAB, d’Actiris et du Forem concernant les métiers en pénurie sont cependant fortement sous-estimés: je connais des entreprises multinationales qui préfèreraient installer leurs centres R&D en Europe occidentale, mais qui partent pour l’Europe de l’Est ou l’Inde, parce qu’ils ne trouvent pas le personnel requis chez nous.
Dans un magazine tel que Data News, il est probablement inutile de préciser qu’il existe un manque de personnel IT qualifié. Selon moi, les chiffres du VDAB, d’Actiris et du Forem concernant les métiers en pénurie sont cependant fortement sous-estimés: je connais des entreprises multinationales qui préfèreraient installer leurs centres R&D en Europe occidentale, mais qui partent pour l’Europe de l’Est ou l’Inde, parce qu’ils ne trouvent pas le personnel requis chez nous.
Une telle pénurie ne se limite pas au secteur IT: une baisse relative du nombre d’étudiants s’observe depuis une quinzaine d’années dans toutes les facultés d’ingénieurs et toutes les facultés des sciences. Cette baisse est plus importante dans l’informatique, en raison d’un deuxième phénomène préoccupant: une baisse drastique du nombre de filles étudiantes. Quand la VUB a été la première en Belgique, à la fin des années ’70, à proposer des études universitaires à part entière en informatique, environ 1 étudiant sur 3 était une fille. Mais ces proportions ont nettement reculé au cours de la dernière décennie. Durant la dernière année académique, à peine 5% de filles ont commencé de telles études.
De nombreuses recherches ont tenté d’expliquer cette inquiétante évolution, sans toutefois y trouver une cause précise. Une prise de conscience écologique primaire joue manifestement un rôle: pour beaucoup de jeunes, la technologie et les sciences sont une source de pollution et une menace pour l’humanité. Ils ne sont pas encore conscients que ce sont ces mêmes sciences et technologies qui devront fournir des sources d’énergie durables, un traitement réfléchi des déchets et de meilleurs soins de santé, pour ne citer que quelques composants de base d’une société moderne. L’accompagnement scolaire dans l’enseignement secondaire, dans lequel on essaie d’éviter les redoublements, joue aussi un rôle parfois néfaste. Les adolescents sont parfois démotivés et obtiennent de piètres résultats, uniquement parce que les vêtements d’un professeur de mathématiques ou de sciences ne leur plaisent pas. S’ensuit quasi automatiquement, à tort, un renvoi vers une orientation où les mathématiques et la physique ont moins d’importance. Cela peut être déterminant pour de futures possibilités d’études.
Comment peut-on inverser cette tendance? Notre jeunesse manque de modèles auxquels elle peut s’identifier. Aux États-Unis, l’IEEE a sponsorisé une série dans laquelle des hommes et femmes ingénieurs de talent jouent les rôles principaux. Cela a eu un impact positif sur les vocations pour le métier d’ingénieur parmi les jeunes. Les enseignants de l’enseignement primaire et secondaire exercent aussi une influence irréfutable sur la vie future de leurs élèves. Ils doivent informer les jeunes de ce qui les attend à l’avenir et les motiver en vue de contribuer, chacun à leur manière, aux progrès de la société. Il serait à cette fin utile que les enseignants aient régulièrement l’occasion de visiter des entreprises et de découvrir la vie industrielle. De cette manière, ils pourront constater que les informaticiens ne souffrent pas nécessairement d’autisme et ne vivent pas non plus exclusivement en compagnie de leur écran. Cela les incitera à communiquer à leurs élèves une image plus positive des métiers IT que celle que certains “Bekende Vlamingen” (Flamands connus) donnent parfois sous forme de mauvaise plaisanterie dans les médias. Mettre plus en évidence les femmes qui ont du succès peut aider les jeunes filles à prendre conscience qu’elles peuvent aussi construire une carrière brillante dans le monde IT, sans pour cela devoir devenir un homme. Je me souviens de notre élégante ancienne étudiante Patty Maes en première page de Newsweek, louée pour son travail en matière de conception de logiciels pour conseiller les clients de amazon.com lors de l’achat de livres. La presse belge a donné peu d’écho à ce beau succès.
Même de petits efforts peuvent avoir un impact: voici quelques années, nous avons, au départ de la faculté d’ingénieurs de la VUB, proposé à des écoles de remplacer occasionnellement des professeurs absents par des exposés sur les technologies. Ainsi, j’ai jadis expliqué à des adolescents comment fonctionne leur GSM. Beaucoup étaient fascinés par l’encryptage qui permet, sans risque de reconnaissance, d’envoyer les secrets les plus intimes sur les ondes. Voici quelques semaines, une de ces élèves a décroché son diplôme d’ingénieur civil ICT.
Je pense que nous devons tous, aussi modestes que soient nos possibilités, contribuer à la motivation des jeunes en vue d’embrasser une carrière technologique, notamment dans le secteur IT.
Jacques TiberghienJacques Tiberghien est professeur à la Vrije Universiteit Brussel et maître de conférence à l’Université Libre de Bruxelles.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici