Benjamin Denayer
L’impression 3D peut-elle sauver notre industrie?
Notre réponse est clairement oui ! L’impression 3D est une technologie de pointe que nous devons oser mettre en oeuvre en tant que pays innovant. D’autant plus que la Belgique est depuis des années déjà pionnier dans l’impression 3D. Reste que notre leadership commence peu à peu à s’effriter. C’est pourquoi Sirris propose, en tant que centre collectif de et pour l’industrie technologique, un plan d’action concret en 5 points qui doivent nous permettre de rester au top dans le futur.
L’industrie manufacturière joue un rôle de premier plan dans notre économie. Elle est le moteur de l’innovation, de la productivité, de l’emploi de qualité et donc de la prospérité. Au cours des dernières décennies, l’Europe a toutefois vu de très nombreuses entreprises de production quitter le continent au profit de pays à bas salaires. Pour conserver une croissance durable, il est nécessaire de mettre en place une stratégie axée pleinement sur les technologies d’avenir.
L’impression 3D par exemple – ou dans le jargon fabrication additive (FA) – consiste à assembler des matériaux – métaux, polymères, céramique, etc. – pour “imprimer” des pièces de produits spécifiques au départ de modèles tridimensionnels. Les avantages de cette technologie ? Une utilisa-
tion plus efficace des matières premières, des produits finis plus compacts et plus performants et une liberté de formes presque infinie pour les concepteurs.
La Belgique, pionnier en Europe
Si l’impression 3D est aujourd’hui en vogue, la technologie n’est, elle, pas récente. Au début des années ’90, l’attention se portait essentiellement sur la fabrication de prototypes, une niche où l’impression 3D s’est aujourd’hui imposée. Mais les acteurs innovants ciblent désormais la production à grande échelle de pièces complexes et fonctionnelles ainsi que de produits finis complets. Et c’est là que se situe également le défi majeur. Car pour être rentable à grande échelle, l’impression 3D doit disposer de nouveaux systèmes et machines.
L’industrie belge et le monde universitaire ont été impliqués dans le départ et ont réalisé un travail de pionnier remarquable. Notre pays se situe d’ailleurs en cette année 2015 dans le top européen en matière de R&D en impression 3D. Des entreprises et centres de recherche belges – dont la KU Leuven et les labos de Sirris à Gosselies et Seraing – abritent un vaste parc de machines destinées à cette technologie.
Plan d’action en 5 points
Nous nous devons d’être particulièrement fiers de ce que nous avons déjà réalisé. Des entreprises comme 3DS-LayerWise, Materialise ou Melotte jouissent d’une réputation mondiale en tant qu’acteurs de premier plan. Mais qui n’avance pas recule. Pour continuer à jouer à l’avenir un rôle de leader, plusieurs défis majeurs doivent être relevés.
Dans une note au Comité économique et social européen, cinq actions concrètes ont dès lors été avancées.
1) Une infrastructure d’avenir
L’impression 3D est indissociablement liée à une numérisation poussée. Derrière chaque modèle 3D se cache un volume gigantesque de données. Des investissements cruciaux dans notre infrastructure ICT s’imposent, tant au niveau des réseaux que des logiciels et de la capacité de stockage. Ceux-ci doivent non seulement répondre aux normes de qualité les plus strictes, mais aussi offrir les garanties nécessaires en termes de sécurité.
2) Une base sociétale solide
Dans le cas de technologies de rupture comme celle-ci, il est essentiel de s’assurer une base sociétale la plus large possible. En effet, une nouvelle génération d’outils de production exige un nouveau type de collaborateurs. Faute de campagnes d’information destinées à un large public, mais aussi d’investissements dans l’enseignement et dans des formations spécifiques, on risque une pénurie de profils adaptés.
3) Un terreau fertile pour la créativité et la recherche
Les applications possibles de l’impression 3D sont pratiquement infinies. Mais pour exploiter pleinement ce potentiel, il faut mettre en place le cadre adéquat. D’une part, la créativité humaine doit être encouragée via des incitants fiscaux et financiers, tant dans les entreprises que dans les instituts de recherche. Et, d’autre part, ces centres de connaissances et l’industrie elle-même doivent oser prendre l’initiative.
4) Une vue plus large sur les processus, matériaux et machines
Pour produire avec succès à grande échelle, des recherches complémentaires doivent être menées pour rendre la technologie plus robuste, plus rapide et plus productive. Le recours à des matériaux plus nombreux et nouveaux peut déboucher sur un marché des matières premières plus compétitif, ce qui fera à son tour baisser le prix des produits finis. Par ailleurs, les pouvoirs publics doivent, tout comme les centres de connaissances et les entreprises, stimuler le développement de systèmes de production ouverts qui soient suffisamment flexibles et facilement intégrables dans les technologies existantes.
5) Un cadre législatif basé sur le dialogue entre tous les acteurs
L’impression 3D évolue à un rythme effréné. Pour l’heure, un cadre légal cohérent fait défaut au niveau de la standardisation et de la certification, du droit de propriété, du droit des consommateurs, de l’environnement, ainsi que de la sécurité et de la santé dans les ateliers. Comme les implications de l’impression 3D couvrent de nombreux domaines scientifiques, industriels et sociétaux, il est essentiel que cette législation se mette en place en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.
Cette opinion est parue précédemmentdans la version papier de Data News du 19 juin. Dans ce numéro, nous présentons un dossier étoffé sur l’impression 3D en Belgique.
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