L’hélicoptère Ingenuity vole sur Mars et marque l’Histoire
Ingenuity, le tout petit hélicoptère de la Nasa, a brièvement volé sur Mars, devenant le premier engin motorisé à effectuer un vol sur une autre planète, a annoncé lundi matin l’agence spatiale américaine.
C’est sous les applaudissements et les cris de joie que la nouvelle a été accueillie dans la salle de contrôle du Jet Propulsion Laboratory de la Nasa. “Nous pouvons maintenant dire que des humains ont fait voler un engin motorisé sur une autre planète!”, s’est enthousiasmée MiMi Aung, cheffe de projet de l’hélicoptère. Vers 7h34 GMT (8h34 heure belge), l’engin d’1,8 kilo s’est élevé à trois mètres d’altitude et a fait du surplace pendant 39 secondes avant de revenir se poser sur la surface de Mars.
Scientifiques et amateurs ont pu suivre en direct sur internet l’analyse des données par les ingénieurs de la Nasa, transmises à la Terre, à 278 millions de km de Mars, quelques heures après le vol lui-même. Une courte vidéo de ce dernier, prise par le rover Perseverance à bord duquel Ingenuity est arrivé sur la planète rouge avant de se décrocher, a été diffusée dans la foulée de l’annonce. On y voit l’engin planer puis se poser.
L’hélicoptère a lui-même envoyé une photo en noir et blanc, montrant son ombre sur la planète rouge. Initialement prévu le 11 avril, le vol avait été retardé en raison d’un problème technique apparu lors du test de ses rotors.
L’opération était un véritable défi, car l’air martien est d’une densité équivalente à seulement 1% celle de l’atmosphère terrestre. Or c’est en poussant l’air en tournant que les hélices peuvent soulever du poids. Sur Mars, “il y a simplement moins de molécules à pousser”, avait expliqué MiMi Aung avant le vol.
Même si la gravité y est moindre que sur Terre, les équipes de la Nasa ont dû développer un engin ultra-léger dont les pales tournent bien plus vite qu’un hélicoptère standard, pour réussir. Avec ses quatre pieds et deux pales superposées (1,2 m de long), il ressemble davantage à un gros drone.
L’opération est l’équivalent sur Mars du premier vol d’un engin motorisé sur Terre, en 1903, par les frères Wright. Un morceau de tissu de cet aéronef ayant décollé il y a plus d’un siècle en Caroline du Nord aux Etats-Unis a même été placé à bord d’Ingenuity. En hommage aux deux hommes, le terrain au-dessus duquel a volé Ingenuity — “le premier de nombreux autres dans d’autres mondes” — va devenir le “Wright Brothers Field”, pour saluer “l’ingéniosité et l’innovation qui continuent de propulser l’exploration”, a tweeté Thomas Zurbuchen, un responsable de la Nasa.
L’engin avait reçu ses instructions de la Terre mais a volé en autonomie, en analysant lui-même sa position par rapport au sol. Le lendemain du vol, une fois ses batteries rechargées, l’hélicoptère doit transmettre une photo en couleur de l’horizon, prise par son autre appareil photo. Mais les images les plus spectaculaires devraient venir du rover Perseverance, placé en observation à plusieurs mètres de là, et qui doit filmer le vol. La vidéo complète doit être transmise “durant les jours suivants”, avait dit Elsa Jensen, responsable des caméras du rover. “Il y aura des surprises, et vous les apprendrez au même moment que nous. Alors sortons tous le pop-corn!”
La Nasa s’était préparée à quatre scénarios, selon MiMi Aung: un succès total, partiel, des données manquantes, ou un échec. Maintenant que le premier vol a été un succès, le second pourrait avoir lieu dès le 22 avril. D’autres vols sont prévus, de difficulté croissante. La Nasa voudrait pouvoir faire monter l’hélicoptère jusqu’à 5 mètres de hauteur, puis tenter de le faire avancer latéralement. “La durée de vie” d’Ingenuity sera “déterminée par la façon dont il atterrit” à chaque fois, a expliqué MiMi Aung. Ce qui veut dire: s’il réussit à éviter le crash. “Quand nous arriverons au 4e et 5e vol, nous nous amuserons”, a-t-elle promis. “Nous voulons vraiment pousser notre véhicule jusqu’à ses limites” et “prendre des risques”. Quoi qu’il advienne, après un mois maximum, l’expérience Ingenuity s’arrêtera, pour laisser le rover Perseverance se consacrer à sa tâche principale: chercher des traces de vie ancienne sur Mars.