Les USA vont renforcer leur mainmise sur l’internet
La Commission européenne est ici tout simplement négligée.
Le gouvernement américain a élaboré une adjudication pour IANA, l’organe de gestion des racines internet. Même s’il n’y aura que des organisations américaines qui seront prises en considération pour ce contrat, la commissaire européenne Neelie Kroes parle “d’un premier pas vers un internet plus libre et transparent”. Quiconque tient les rênes d’IANA (l’acronyme d’Internet Assigned Numbers Authority), est patron du système des noms de domaine. Cet organe gère en effet les fonctions critiques, telles que les fichiers de zones-racines, et attribue les domaines de top level tels .be, .eu et .com aux registraires. En d’autres mots, l’on ne peut mieux comparer qualifier IANA ‘de comptable de l’internet’. Il est donc plus qu’évident qu’il s’agit d’une adjudication primordiale.
Cela fait plus de dix ans qu’IANA fait partie du portefeuille des compétences de l’Icann, l’organisation non marchande qui sert de coordinateur mondial pour les noms de domaine et les adresses internet. Normalement, le contrat conclu entre IANA et l’Icann devait être renouvelé en septembre, mais le gouvernement américain y a fait obstacle, notamment sous la pression de la Commission européenne.
Le ministère américain du commerce est en effet un peu trop souvent entré en conflit avec la direction de l’Icann (à propos de l’introduction des nouvelles extensions internet par exemple, ou du lancement du domaine pornographique .xxx). En outre, l’administration Obama a beaucoup de mal à accepter les faiblesses propres au modèle ‘multistakeholder’ (multi-intervenant) du coordinateur internet.
Le 10 novembre, le ministère des télécommunications et de l’informatisation américain (NTIA) à dès lors élaboré une adjudication pour un contrat sur sept ans (qui devrait démarrer le 1er avril 2012). Cette adjudication incorpore pas mal d’éléments qui devraient veiller à resserrer plutôt qu’à relâcher les liens entre le gouvernement américain et IANA. Quiconque rêve d’un internet global et ‘dénationalisé’ géré par un institut international de type Icann peut, autrement dit, une nouvelle fois ranger ses illusions au placard.
En soi, il est dès lors étrange que la commissaire européenne Neelie Kroes soit ravie des exigences contractuelles contenue dans l’adjudication. Dans un communiqué de presse quasi triomphant, Kroes suggère que l’adjudication constitue un pas en avant manifeste dans la réalisation d’une administration mondiale de l’internet. “Une direction transparente, indépendante et responsable du secteur des noms de domaine accroîtra encore le rôle de l’internet dans le monde.”
Voie de garage Ce que la commissaire européenne en charge de l’Agenda Numérique oublie apparemment, c’est qu’il n’y aura que des entités américaines qui seront prises en considération pour la gestion d’IANA, un organe américain qui sera placé sous le contrôle strict du gouvernement local. L’entité qui décrochera le contrat IANA, devra être entièrement américaine, opérer à 100 pour cent à partir des Etats-Unis et tomber sous le coup de la législation de l’un des 50 états américains.
“La Commission européenne est ici tout simplement négligée”, déclare Milton Mueller, spécialiste en régulation internet. Selon lui, l’adjudication constitue un pas en arrière, contrairement à ce que Kroes prétend, et les Américains auront une plus grande mainmise sur l’internet. “Toutes les tentatives pour assouplir et ‘dénationaliser’ l’autorité déjà très forte exercée par le gouvernement américain sur l’administration des racines du net sont ainsi réduites à néant.”
“Dans le contrat, il est clairement stipulé que le ministère des télécommunications et de l’informatisation américain doit donner son aval pour tout ce qu’IANA entreprend. En admettant que l’Icann soit considérée comme le meilleur choix pour l’adjudication, ce qui est l’avis de plusieurs des initiés, cela voudrait dire que le gouvernement américain pourrait alors intervenir dans toutes les décisions que le coordinateur internet prendrait.”
Tout ceci, alors que la Russie et la Chine se font de plus en plus entendre en vue d’évoluer vers un internet opérant sous les auspices des Nations Unies.
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