Les services de renseignements néerlandais veulent pouvoir pirater Whatsapp, mais le contrôleur de la vie privée y voit un problème
Les services de renseignements et de recherche néerlandais veulent pouvoir ‘craquer’ les services de messagerie tels Whatsapp et Telegram, a déclaré Dick Schoof, Nationaal Coördinator Terrorismebestrijding (NCTV), ce week-end au journal De Telegraaf. Le contrôleur du respect de la vie privée Privacy First estime que ce n’est pas un problème, ‘si la sécurité est en cause’.
‘Si des terroristes souhaitent communiquer via ce type de réseaux cryptés, nous acceptons de les pirater’, explique Schoof. L’on n’a pas encore réussi à percer le cryptage de ces services, ‘mais rien ne dit que nous n’y arriverons pas’.
Dans De Telegraaf, il a tenté de rassurer les défenseurs du respect de la vie privée en déclarant que les services de renseignements ne sont pas intéressés par ‘vos ou mes messages’. Le ‘craquage’ du cryptage est nécessaire ‘dans la lutte contre le terrorisme et pour exercer un bon contrôle.’
Pas de problème pour le contrôleur du respect de la vie privée
Privacy First trouve légitime que les services de renseignements déchiffrent des messages, s’il y a des vies humaines en jeu. ‘Dans ce cas, des éléments tels le respect de la vie privée ne sont pas aussi importants’, affirme le directeur Vincent Böhre à De Telegraaf.
Mais des entreprises telles WhatsApp et Telegram assument également une part de responsabilité, selon Böhre: ‘Elles doivent concevoir leurs services de telle sorte que des messages individuels puissent être décryptés, sans que les messages de tout le monde se retrouvent à la rue.’ Et d’insister sur le fait que le cryptage des messages est essentiel.
Des services comme Whatsapp utilisent le cryptage bout-à-bout. Cela signifie que seuls l’expéditeur et le destinataire peuvent lire le contenu d’un message. Même l’auteur du service par lequel le message est envoyé, ne peut y avoir un regard.
Signal Protocol
Le service de renseignements néerlandais n’est pas le seul à tenter de pirater ce genre de services. Récemment, l’Allemagne a injecté 150 millions d’euros dans un projet similaire. La France y est occupée aussi, mais la question est à chaque fois de savoir si le piratage peut être rendu possible. Whatsapp et d’autres applis de ‘chat’ recourent au Signal Protocol utilisable gratuitement d’Open Whisper Systems, qui fait l’objet de beaucoup d’éloges de la part des experts en sécurité et des adeptes du respect de la vie privée tels Edward Snowden.
Si des services de renseignements parviennent à ‘craquer’ ce protocole, ce serait certes une bonne nouvelle pour eux, mais cela engendrerait aussi un nouveau problème. Même des personnes voulant abuser de ce genre de porte dérobée, pourraient aboutir dans le logiciel, ce qui fait que des criminels et des services de renseignements ennemis pourraient en abuser pour leur propre compte.
Alexander De Croo veut des portes dérobées
Chez nous, le ministre Alexander De Croo en charge de l’agenda numérique ne veut absolument pas entendre parler d’une interdiction de cryptage. En août, il déclarait encore dans une interview accorée à Data News qu’une interdiction de cryptage ‘est la pire erreur que l’on pourrait commettre’. A l’époque, les ministres français et allemand de la Justice s’étaient exprimés contre la communication cryptée, afin de pouvoir mieux détecter et mettre sur écoute les terroristes. Mais ‘quand on dit qu’il y a des moments, où le cryptage n’est pas autorisé, l’on n’en connaît pas les conséquences’, avait affirmé De Croo. ‘Le cryptage est l’un des éléments-clés de notre façon de travailler aujourd’hui. Ne le remettons donc absolument pas en cause, s’il vous plaît.’
‘La création d’une porte dérobée créerait un gigantesque problème. Cette porte dérobée pourrait en effet être elle-même ‘craquée’. Je ne veux pas que l’on incorpore des failles dans nos moyens de communication, qui risquent de mettre tout le monde en danger.’
Le piratage de la part des services de renseignements n’aurait en outre que peu de sens, selon De Croo, parce que l’on invente toujours plus de nouvelles manières de communiquer, sans que les autorités sachent ce qu’il en est. ‘Si besoin est, il faut en revenir au langage codé d’antan. Aujourd’hui, le problème n’est pas le manque d’informations, mais la présence d’une véritable meule de foin, dans laquelle il faut retrouver son aiguille. Ce n’est pas en augmentant la taille de cette meule qu’on la retrouvera plus facilement.’
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