Les jeunes Indiens vont recevoir des informations sexuelles sur leur smartphone
En Inde, la technologie numérique devient la manière idéale pour fournir aux jeunes des renseignements sur la contraception et les moyens de protection. ‘Personne ne pourra ainsi plus rester dans l’ignorance.’
‘L’époque où il fallait entrer dans une boutique et se sentir gêné de demander une boîte de préservatifs à un vendeur, est quasiment révolue’, déclare Franklin Paul, l’un des précurseurs du droit à l’éducation sexuelle et à la santé pour les jeunes en Inde. ‘Bientôt, on pourra commander des moyens de contraception simplement par téléphone, tablette ou ordinateur portable, et le tout sera ensuite fourni à domicile.’
Quand la technologie numérique envahit la campagne
Ces deux dernières années, Paul a travaillé sur un projet d’introduction de la technologie numérique auprès des jeunes vivant dans les villages reculés de l’Inde rurale. Cela l’amena notamment en Champaran oriental, un district de Bihar, l’un des états les moins développés de l’Inde.
Les autorités locales de Bihar viennent seulement de lancer des cours d’éducation sexuelle dans les écoles. Les informations en la matière sont donc encore et toujours rares. Pour aider les jeunes à ce niveau, Paul a introduit MSathi, une appli pour téléphones mobiles, qui fournit des renseignements sexuels de manière ludique.
Economie de la connaissance
Les autorités indiennes investissent actuellement dans une campagne spéciale en vue d’étendre les connexions numériques et la connaissance digitale. ‘Digital India’ entend profiler le pays en tant que puissante économie de la connaissance.
La campagne se base aussi sur le projet gouvernemental de promouvoir et d’améliorer la santé et les droits tant en matière sexuelle que de reproduction (SRHR alias ‘Sexual and Reproductive Health and Rights’) en Inde, selon Chandra Kumar Mishra, le ministre indien en charge de la santé.
Au cours des cinq prochaines années, en plus des deux milliards de dollars déjà investis, un autre milliard est prévu pour les soins de santé dans le domaine de la reproduction. ‘Nous allons notamment numériser notre communication’, a ajouté Mishra lors de l’annonce de ce budget supplémentaire.
Selon les données gouvernementales, 100 millions d’Indiennes utilisent à présent des moyens contraceptifs. Il n’empêche que chaque femme ne dispose pas de ce dont elle a besoin. Il en résulte un déséquilibre et un obstacle pour atteindre l’objectif SRHR gouvernemental, à savoir la mise à disposition des moyens de contraception à 48 autres millions de femmes et la réduction des maladies sexuellement transmissibles et des décès qui en découlent.
Opportunité
Selon Mishra, les moyens numériques peuvent permettre de combler les lacunes existantes. Grâce à une croissance rapide de la téléphonie mobile en Inde, le réseau numérique a énormément progressé en peu de temps. ‘Le personnel des soins de santé peut exploiter cette opportunité pour toucher davantage de personnes et leur donner des informations correctes’, a-t-il encore affirmé.
Les paroles du ministre sont appréciées par Kamla Mukhi (24 ans), participant à la campagne de santé et surtout actif dans les milieux ruraux de l’état de Jharkhand. Ici, les femmes doivent parcourir en moyenne 20 à 25 kilomètres pour atteindre le centre de santé le plus proche et y obtenir des informations ou un moyen de contraception.
Lors d’une visite à ce genre de centre, il y a un an, Mukhi se souvient qu’un vieil infirmier s’empressa de mettre une boîte de préservatifs entre les mains d’une jeune femme. ‘Par après, la femme me demanda: ‘Comment avaler cela? C’est du caoutchouc’. Je ne savais pas si je devais en rire ou en pleurer’, déclare Mukhi. ‘La femme en question avait précédemment reçu dans ce centre des céréales et la pilule. Elle pensait donc qu’il s’agissait en l’occurrence d’un nouveau produit à ingurgiter.’
‘Grâce à une vidéo ou à des informations sur le téléphone mobile, il est possible d’éviter pareille situation à l’avenir’, poursuit Mukhi. ‘Le personnel des soins de santé est encore assez souvent gêné de parler de sexe, de moyens de contraception ou d’utilisation du préservatif. Lorsque ces renseignements seront disponibles sur l’écran mobile, personne ne sera plus dans l’ignorance.’
Collecter des données cruciales
Un autre aspect de la manoeuvre de rattrapage effectuée en Inde, c’est l’amélioration de la collecte de données statistiques importantes. ‘Les données crédibles sont cruciales’, prétend à ce propos Melinda Gates de la Bill & Melinda Gates Foundation. En 2016, la fondation a investi 80 millions de dollars dans un fonds visant l’amélioration de la collecte de données fiables en matière sexuelle.
Les autorités indiennes collaborent à présent avec la Gates Foundation en vue de développer Kilkari, une appli mobile destinée à fournir les informations adéquates aux jeunes mères, notamment à propos des moments opportuns pour la vaccination de leur(s) enfant(s). Les autorités ont aussi mis au point deux autres applis: Emitra et Anmol. Celles-ci dispensent des informations gratuites en matière de planning familial.
Une technologie proche des jeunes
‘Aucune des technologies existantes ne cible spécifiquement les jeunes’, admet le ministre Mishra. Et d’ajouter aussitôt que son département envisage de changer cela rapidement.
Selon Franklin Paul, la technologie doit être proche des jeunes. ‘Les programmes gouvernementaux utilisent beaucoup de texte. Or les jeunes préfèrent des informations interactives et visuellement attrayantes. Voilà pourquoi nous avons ajoutés des vidéos à l’appli MSathi. Nous devons promouvoir auprès des jeunes les moyens de contraception par le biais de la nouvelle technologie’, affirme Paul. ‘Au lieu de messages de texte, nous développons un bouquet d’e-commerce, de multimédia et de médias sociaux qui plaira vraiment à la jeunesse.’
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