Frederic Feytons
Les 4 niveaux: comment mettre nos soucis de côté et accueillir les bots
Il est devenu difficile d’encore ignorer les assistants virtuels et bots. Mais comme tous les bots ne font pas la même chose, Frédéric Feytons de Tapptic tente ici de les classer par niveau, tout comme les voitures autonomes en quelque sorte. Cela va du réactif ou dominant planétaire.
Les 4 niveaux: comment mettre nos soucis de côté et accueillir les bots
Il est devenu difficile d’encore ignorer les assistants virtuels et bots. C’est ainsi que Google intègre son Google Assistant à ses smartphones, appareils home et service de messagerie Allo. Et qu’Echo, l’appareil smart-home d’Amazon est devenu un ‘véritable tube’ pour les familles américaines. L’on estime qu’il a déjà été vendu à 3 millions d’exemplaires depuis son lancement en 2014.
Et chaque jour qui passe, c’est un nouveau service de messagerie intelligent, un bot-service ou un assistant virtuel numérique qui défraie la chronique.
Les infos à propos des bots paraissent souvent nébuleuses avec un méli-mélo d’intelligence artificielle, de chatbots, d’assistants personnels, de contrôle vocal, de voitures autonomes, etc. Voilà pourquoi je souhaiterais créer ici une échelle de niveaux pour les bots, comparable à celle mise au point par l’US Department of Transportation pour les voitures autonomes. Cette échelle va de 1 (la voiture est encore entièrement contrôlée par l’homme) à 5 (il n’y a même plus de volant dans l’habitacle).
Ces niveaux ne signifient pas nécessairement que les constructeurs automobiles passent progressivement d’1 à 5. Certains d’entre eux visent dès le début une voiture de niveau 5 entièrement autonome. D’autres optent pour une approche pas à pas et capitalisent sur un cruise control intelligent.
Il en va de même pour les bots. Les niveaux ne sont conçus que comme des étapes que les développeurs doivent parcourir. Ce sont plutôt divers types de bots à plusieurs intensités et applications.
Niveau 1: le bot qui retient
Un bot de niveau 1 reconnaît le contexte de l’utilisateur et capte les données pertinentes pour ce contexte.
Google Now suggère ainsi des vols et des hôtels lors de vos recherches, sans que vous le demandiez explicitement. Waze vous propose un meilleur trajet pour atteindre votre destination. Votre iPhone sait que vous êtes en voiture et vous informe de la durée du trajet avant d’arriver chez vous.
Si cela peut ne paraître guère spectaculaire, c’est dû au fait que le bot utilise à un stade sous-jacent une technologie qui fonctionne selon les désirs de l’utilisateur et pas l’inverse. Il inspire la confiance, mais ne vous y trompez pas: il s’agit là d’un changement profond dans notre rapport avec les interfaces et systèmes.
Les interfaces fonctionnent jusqu’à présent grâce aux claviers ou à des surfaces vitrées sur lesquelles il faut tapoter, balayer ou cliquer. Si vous devez fournir des informations à un ordinateur, vous n’avez d’autre choix que de suivre la structure et la logique de celui-ci. Complétez d’abord un formulaire, passez au suivant et ce, jusqu’à ce que l’ordinateur estime que vous avez fourni suffisamment d’informations.
Mais les humains sont des animaux sociaux. Ils ne transmettent pas à leur interlocuteur un formulaire à remplir, mais ils se parlent pour découvrir leurs besoins mutuels. Quand on connaît quelqu’un, il ne faut pas non plus toujours contrôler si son nom est correct car on le connaît.
Les bots de niveau 1 le peuvent aussi. Ils captent les données qui sont pertinentes pour votre contexte d’utilisateur. Donc si le bot d’assurance Lemonade vous demande des infos vous concernant lors d’un premier entretien, il ne doit plus les solliciter une fois encore, lorsque vous adressez un constat. Il peut se contenter de demander: “Rouliez-vous avec votre propre voiture lors de l’accident?”.
Dans ce sens, interagir et régler des transactions professionnelles avec un bot (ce que Chris Messina appelle le ‘conversational commerce’) ne représente pas un grand changement de paradigme. Il s’agit là d’un retour à une manière humaine normale d’agir.
Les meilleurs bots de niveau 1 sont par conséquent des bots qui conviennent parfaitement pour des tâches répétitives. Ils ne sont pas assez intelligents pour vous aider à découvrir de nouvelles choses. Mais ils représentent une formidable façon de gagner du temps dans des tâches que vous avez déjà accomplies et qui dépendent du contexte. Pensez à votre manière habituelle de commander votre pizza (4 fromages) le jeudi soir ou de remplir votre machine Nespresso.
Les bots de niveau 1 sont pour les marques une option intéressante en vue de générer de meilleures expériences pour leurs clients. Pensez à un bot qui exécute impeccablement, même sans se faire remarquer, des transactions entre bots et fournisseurs de services humains dans des services à la clientèle. Ou à un bot qui collecte les réactions après-vente des clients.
Niveau 2: le bot qui apprend
Le bot de niveau 2 est un bot qui apprend de nouvelles choses. Ce bot ne capte plus simplement des données contextuelles, mais peut réellement ‘réfléchir’ à propos des données qu’il peut visionner, et il recherche de nouveaux modèles, notions et solutions inattendus.
Les bots ont vis-à-vis des applis l’important avantage de ne pas exiger de téléchargement de la part du client. Cela peut sembler ésotérique, mais ce n’est pas le cas. Le ‘client-side-software’ est fastidieux: le logiciel doit être fourni à l’appareil de l’utilisateur et être entretenu et actualisé.
Ces dernières décennies dans le secteur informatique, l’on a évolué de manière consistante du mode ‘client-side-sofware’ à celui des systèmes basés sur le nuage. L’on a d’abord acheté des boîtes incluant des CD d’installation, puis l’on a utilisé les logiciels ‘cloud’ et les applis allégées (light).
Les bots sont le point culminant de cette tendance. Une interface ne peut être plus légère. Avec cette interface poids plume, votre équipe de développement pourra se focaliser sur le ‘server-side-system’. Avec les bots et l’AI, c’est là que devront se concentrer les développeurs car les bots deviendront le pont reliant les utilisateurs et les gigantesques bases de données de la connaissance, complétées par une puissante intelligence artificielle.
Un bon exemple de ce qui précède, a pour nom Watson Health d’IBM, une maxi-application de ‘deep learning’ qui ‘réfléchit’ en permanence à sa gigantesque base de données de connaissance médicale. Les bots qui utilisent Watson, peuvent devenir des assistants extrêmement précieux pour les médecins.
Mondly est un autre exemple d’un bot qui sait des choses – il s’agit d’un bot permettant aux utilisateurs d’améliorer leurs compétences linguistiques et utilisant de vastes bases de données. Sensay est pour sa part un bot qui ne connaît pas des choses, mais des gens (il ne s’agit finalement pas de ce qu’on connaît, mais de qui on connaît!). Dites que vous voulez être sûr que votre poulet sera parfaitement rôti, et Sensay vous connectera aux outils adéquats.
Niveau 3: le bot qui comprend
Au niveau 3, cela devient vraiment intéressant, voire un tant soit peu angoissant.
Tous ces bots ont un gros handicap. Ils peuvent s’avérer très utiles, mais comment les trouver? Généralement, il faut utiliser l’ancienne manière IT, à savoir saisir un mot-clé avec un clavier ou presser, cliquer, balayer, tapoter… sur un écran. Il n’existe pas d’autre manière de se connecter au bot: l’homme devra toujours effectuer le premier pas.
A moins qu’il n’existe un super-bot qui comprenne la personne la plus importante au monde: vous.
Tel est le bot de niveau 3. Les bots de niveau 1 et 2 sont des experts dans des domaines extérieurs, mais un bot de niveau 3 est un expert de vous. Voilà pourquoi Amazon, Google, Microsoft et Facebook s’affrontent actuellement afin de devenir votre assistant virtuel/appli de messagerie favori.
Vous parlez avec des amis à propos d’un repas. Votre assistant virtuel/appli de messagerie appelle un Doodle pour fixer une date (en fait, Doodle la choisit pour vous). Ou vous expliquez à votre banque que votre numéro de téléphone a changé. Votre appli de messagerie dit alors à votre bot bancaire qu’il doit tenir compte de ce changement.
Ce niveau résoudra quelques points névralgiques pour les utilisateurs, par exemple la difficulté de trouver l’appli correcte à télécharger, pour la supprimer ensuite. Nous savons par des études que la plupart des utilisateurs n’utilisent régulièrement que 3 à 4 applis. La rétention est faible. Certaines applis ne valent dès lors pas la peine d’occuper une place fixe sur votre écran. Avez-vous vraiment besoin de l’appli qui demande au bot KLM: “Mon vol sera-t-il à l’heure aujourd’hui?” Il est parfaitement normal que des gens suppriment ce genre d’appli après leurs vacances.
Une appli qui sait parfaitement si elle doit impliquer le bot KLM dans la conversation ou non (‘non, je ne veux pas recevoir d’offre spéciale pour un vol de Noël aux Maldives), s’avérerait nettement plus pratique.
Niveau 4: le bot qui devient maître du monde
L’on sait que cela arrivera un jour, et l’on saluera alors comme il se doit nos nouveaux maîtres-robots!
Frédéric Feytons (@Ffeytons) est CTO de Tapptic. Il a rejoint l’entreprise en 2010 et était à l’origine responsable de tous les projets mobiles de la station TV française M6. Il devint ensuite CTO chez Tapptic. En 2012, il cofonda Screenity, une activité de développement de solutions SaaS mobiles. Aujourd’hui, il s’occupe de transposer l’attention du secteur vers les données massives (big data), l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle: toutes des choses qui représentent une partie importante des efforts R&D de Tapptic.
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