Patrick Marck
Les 1.000 nouvelles startups et 50.000 nouveaux emplois de l’Agenda Numérique sont-ils dès à présent menacés?
1.000 nouvelles startups et 50.000 emplois à l’horizon 2020. Telle est l’ambition de Digital Belgium, le plan d’action du ministre en charge de l’Agenda Numérique, Alexander De Croo. Pourtant, la presse n’est guère enthousiaste vis-à-vis de ce plan car ce même jour, Telenet annonçait le rachat de Base. Cela risque-t-il de court-circuiter les ambitions de Digital Belgium?
Le combat d’arrière-garde porte en réalité sur la neutralité du net: dans quelle mesure les entreprises technologiques peuvent-elles continuer de proposer à l’internaute leurs services via internet sur une même base?
Les fournisseurs télécoms et les hébergeurs web jouent ici un rôle crucial car ils desservent l’accès à internet. Le marché de l’hébergement web se compose cependant de nombreux petits acteurs spécialisés et en général indépendants, alors qu’il n’y a qu’un nombre limité d’opérateurs télécoms actifs sur les marchés belge et européen. Il en est résulté une position de force pour les opérateurs télécoms vis-à-vis des hébergeurs indépendants et donc moins de garanties sur la neutralité du net.
Les 1.000 nouvelles startups et 50.000 nouveaux emplois de l’Agenda Numérique sont-ils dès à présent menacés?
Les startups et PME technologiques désavantagées
Cette concentration du pouvoir est à présent encore renforcée par le rachat de Base. Telenet a en effet récemment encore annoncé être un adepte d’un internet à plusieurs vitesses. En outre, les opérateurs télécoms ont ces dernières années aussi repris des entreprises d’hébergement web. Les fournisseurs télécoms peuvent – de manière assez invisible pour l’utilisateur – prendre des mesures sur leur réseau, de sorte qu’ils lèsent le trafic de et vers les hébergeurs indépendants.
Les fournisseurs de contenu en vue (Google, Facebook, etc.) pourraient conclure des accords avec les fournisseurs d’accès et leurs entreprises d’hébergement, afin de garantir un accès internet plus rapide (en combinaison avec un transfert des données plus important). Cela nuirait non seulement aux entreprises d’hébergement indépendantes, mais aussi à tous les acteurs plus modestes. Non seulement les startups technologiques, mais quasiment chaque entreprise belge serait ainsi désavantagée. Renoncer à la neutralité du net reviendrait donc en fait à autoriser la concurrence déloyale et l’abus de pouvoir.
De plus, le consommateur serait également dupé car il paierait pour un internet rapide, mais cela ne s’appliquerait dans la pratique qu’à un nombre limité de sites. Dans une telle situation, les fournisseurs d’accès seraiennt rétribués deux fois pour le même service. En plus de la neutralité du net, nous devons donc aussi lutter en faveur d’une politique d”open peering’ (la transmission mutuelle de données sans rétribution complémentaire). Il en résulterait en effet que le contenu reste en Belgique.
Attendre l’Europe?
FeWeb, qui regroupe plus de 500 entreprises web belges, demande au gouvernement de prendre dans l’urgence des mesures pour garantir légalement la neutralité du net. Sur le plan européen, une concertation entre la Commission européenne et le Parlement européen va démarrer en vue de fixer les règles. Le texte actuel de la Commission contient moins de garanties sur la neutralité du net que celui du Parlement européen. L’on ne sait pas non plus encore très bien si les règles figureront dans une ‘Regulation’ (aussitôt contraignante dans tous les pays membres) ou dans une ‘Directive’ (qui devra être convertie en une loi nationale différente pour chaque état membre). Les Pays-Bas n’ont pas attendu la législation européenne et ont déjà ancré la neutralité du net dans leur législation nationale.
Les Pays-Bas n’ont pas attendu la législation européenne.
Passer à l’action!
Le gouvernement belge a à présent l’opportunité – suite au rachat de Base par Telenet – de fixer clairement les règles du jeu. La neutralité du net en est une, mais une qui sera aussi déterminante pour le succès du plan d’action Digital Belgium. FeWeb est d’ores et déjà prête à collaborer avec le ministre De Croo à des initiatives légales en vue de garantir un écosystème numérique juste et ce, tant dans un contexte belge qu’européen.
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