L’électronique grand public en crise
Si l’innovation sur le marché du gadget tourne à nouveau à plein régime, il ne faudrait pas en déduire automatiquement que l’électronique grand public est en pleine croissance. Le bureau d’études de marché GfK s’attend à une légère baisse cette année. Où se situe dès lors le problème ?
Dans le monde de la technologie, la rupture est omniprésente. Les applications innovantes, tant dans les entreprises que sur le marché grand public, font florès. Pourtant, le marché semble éprouver des difficultés. Pour cette année, le bureau d’études de marché GfK estime que les ventes totales d’électronique grand public (smartphones, TV, lecteurs blu-ray, etc.) représenteront quelque 845 milliards $. Soit moins des 949 milliards $ en 2016 et en deçà des ventes totales de 2015 (948 milliards $). GfK présentait ces chiffres dans le cadre de la conférence technologique de l’organisateur du salon IFA, Deutsche Messe.
La baisse de ces chiffres de vente cette année s’explique selon Jürgen Boyny, consumer electronics global director chez GfK, par la multiplicité des tendances technologiques. Tout le monde voit cette tendance émerger, mais le consommateur attend que celle-ci se traduise en produits concrets et utiles, associés à un prix abordable. Précisons d’emblée que les chiffres du ‘monde numérique’ ne comprennent pas les ventes d’électroménagers. ” Cette situation a toujours existé, mais plus les appareils deviennent ‘connectés’ et intègrent des applis, plus il faut se demander s’il faut les englober dans l’électronique grand public globale “, s’interroge Boyny. Car si l’on intègre ces ventes, force est de constater que les ventes de technologie grand public sont en progression. Et l’on s’attend à ce que de très nombreux appareils domestiques intelligents tiennent la vedette au prochain salon IFA de Berlin (1er au 9 septembre).
Cinq tendances porteuses
” En 2018, l’on s’attend à ce que le marché total de l’électronique grand public [qualifié par GfK de manière assez floue de ‘monde numérique’, NDLR] augmente à nouveau à 954 milliards $ “, estime encore Jürgen Boyny. Et de dégager 5 tendances majeures qui stimuleront cette croissance : paiements mobiles (et le déploiement de l’écosystème en matière de m-commerce), réalité virtuelle et réalité augmentée qui se banaliseront, voiture connectée qui s’impose toujours plus, poursuite du développement de la ‘maison intelligente’ et de ses gadgets, et enfin vêtements intelligents.
Mais le marché des wearables n’était-il pas au bord de l’asphyxie ? ” Tout dépend de la définition que l’on y donne. Nous constatons par exemple un énorme potentiel pour la wearable augmented reality, ajoute Piers Harding-Rolls, directeur de recherche chez IHS Markit. Les casques de RV sont cette année encore une niche, mais nous anticipons une croissance soutenue jusqu’en 2020. Tant les casques de RV que de RA, il faudra de 3 à 5 ans avant que l’on parle véritablement de wearables destinés à un large public. Il reste de nombreux défis à relever : batterie, taille, puissance, capteurs plus sensibles encore, système de commande et intelligence artificielle. ”
L’an prochain, une personne sur 5 dans le monde achètera un smartphone.
” Ne vous y trompez pas : en dépit des messages négatifs, nous prévoyons une croissance mondiale de 27 % dans les vêtements intelligents. Et en Chine, cette croissance atteindra même les 63 %. Certes, l’Europe occidentale ne représente toujours que 14 % du marché mondial des wearables, mais nous tablons sur une progression de 52 % dans cette région “, indique encore Boyny.
Le smartphone et l’IA dopent les ventes
Reste que la croissance en électronique grand public provient surtout des smartphones évidemment, lesquels cannibalisent de nombreux autres segments, et notamment – mais pas seulement – les lecteurs MP3 ainsi que les appareils photo et caméras vidéo. Pour l’an prochain, GfK estime qu’une personne sur 5 dans le monde achètera un smartphone, soit 1,55 milliard d’appareils, contre 1,48 milliard cette année.
Une large part de cette croissance est réalisée par la Chine, avec surtout des trackers de santé et de fitness, des wearables à base GPS et des montres intelligentes.
L’intelligence artificielle est un autre secteur porteur de croissance. ” Les assistants intelligents s’imposent clairement et éclipseront de nombreux produits audio. Ils pourraient même s’imposer comme un nouveau standard pour les haut-parleurs Bluetooth, prédit Boyny. Quoi qu’il en soit, la ‘voix’ devient omniprésente. Notre voix est reconnue, nous commandons les appareils à la voix et une interaction se fait avec notre voix. Je m’attends à voir le salon IFA présenter en septembre de très nombreuses nouveautés en ‘voice-enables devices’. ”
” Nous entrons dans une nouvelle ère de l’interactivité, ajoute Paul Gray, analyste principal chez IHS Markit. Nous sommes déjà passés de la commande par souris et clavier au ‘touch & swipe’ ainsi qu’à la reconnaissance des gestes. La voix s’y ajoute désormais, l’intelligence sous-jacente étant fournie par le réseau. Il s’agit là d’une différence fondamentale par rapport au passé. ”
Dans ce domaine, les assistants intelligents/speakers tels qu’Amazon Echo et Google Home joueront un rôle de locomotive. L’an dernier, quelque 6 millions d’appareils ont été vendus, surtout aux Etats-Unis, alors que GfK évoque 59 millions d’unités d’ici 2020. Quid d’ailleurs d’Apple qui vient de lancer son HomePod, un haut-parleur intelligent commandé par Siri ? ” Vais-je conclure par une citation de Steve Jobs à laquelle je crois absolument ? ‘A lot of times, people don’t know what they want until you show it to them.’ Voilà qui s’applique parfaitement au marché de l’électronique grand public “, conclut Boyny.
La TV a-t-elle encore sa place ?
Face à ces multiples appareils intelligents, y a-t-il encore une place pour le bon vieux tube cathodique ? ” Si l’on ne tient pas compte des télécoms, la télévision représente toujours, avec une valeur de 107 milliards $, le segment le plus important de l’électronique grand public, rétorque Hans-Joachim Kamp, président de l’association sectorielle GFU. Pour sa part, Paul Gray (IHS Markit) évoque une croissance jusqu’à 250 millions de TV à l’horizon 2021. ” Certes, le nombre de minutes pendant lesquelles l’on regarde la télévision diminue, mais la moyenne journalière reste de 183,5 minutes. ” Voilà une excellente nouvelle pour les vendeurs de fauteuils et de chips.
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