Le véritable cancer de la crise
Les événements se bousculent dans notre monde ICT. Aussi rapidement qu’un train à grande vitesse. Mais avec en plus un aspect avilissant, déshonorant et impitoyable. Les réorganisations succèdent aux phases de licenciements et vice versa.
Les événements se bousculent dans notre monde ICT. Aussi rapidement qu’un train à grande vitesse. Mais avec en plus un aspect avilissant, déshonorant et impitoyable. Les réorganisations succèdent aux phases de licenciements et vice versa.
La rupture des contrats de travail a des airs de sentence pénale rendue contre des criminels: le ‘condamné’ a à peine l’autorisation de vider les tiroirs de son bureau, doit séance tenante remettre les clés de sa voiture de fonction et est quasiment mis dehors manu militari, provisoirement encore sans les menottes et sans le légendaire coup de pied au c… Et le fait d’avoir été dans le passé le pourfendeur de quotas, le super-talent ou le very high potential n’a aujourd’hui plus d’importance. Hier la médaille en or et aujourd’hui, le parachute doré, pardon la… prime de départ. Hier le top-performer et aujourd’hui la top-formule, du moins aussi longtemps que la loi Claeys inspire une crainte juridique suffisante que pour respecter un minimum de décence.
Collaborateurs, travailleurs, employés, membres du personnel – peu importe leur appellation -, ce sont avant tout des personnes qui ont donné le meilleur d’elles-mêmes et qui ont le malheur de ne plus cadrer avec la constellation économique actuelle des objectifs de bénéfice ou des cours d’actions. Dans certains cas, elles doivent sécuriser la position de leurs managers. Ces décideurs se fichent pas mal de l’impact de ce manque de respect sur les survivants. Les personnes ne sont toutefois pas des objets de production dénués de sentiment, et un contrat de travail n’est pas un titre de propriété. Elles ne veulent plus depuis longtemps déjà la sécurité d’emploi pour toute la vie, mais les circonstances actuelles – le malheur des uns fait le bonheur des autres – provoquent de douloureuses blessures.
Les décideurs n’y prêtent pas attention car la plupart des procédures de licenciement sont de véritables bombes à retardement de rétention et de rotation de personnel. Des bombes qui exploseront à coup sûr dès que les survivants arriérés se verront proposer des alternatives sûres et significatives. Les meilleurs s’en iront les premiers, comme toujours. Ces soi-disant top-managers omettent encore autre chose de moins visible ou tangible. Les proliférations de mauvais condamnés et de survivants tout aussi mauvais sont comme des métastases sur le marché du travail. C’est de ce dernier que devra venir l’afflux de talents dont les top-managers auront besoin pour croître de nouveau et l’emporter sur les concurrents. Mais tout ce marché du travail sait si rapidement et si précisément où se trouve le cancer primaire! La douleur, cela ne s’oublie pas facilement! Seuls les masochistes ou les désespérés choisissent leur lit de douleur, mais certainement pas le top-talent qui, demain, viendra faire la différence!
Or, qui s’en préoccupe vraiment, puisqu’il y a quand même un excédent sur le marché du travail? “Il y a bien un problème, ironisait récemment l’un de ces managers. Cet excédent n’existe que sur le marché du travail.” Brutalement, cyniquement et complètement hors de propos. Car il n’y a absolument pas d’excédent sur le marché du travail, et il n’y en aura pas. Le talent reste encore et toujours aussi rare! L’entreprise et le manager doivent donc mériter ce talent. Et c’est ainsi qu’on en arrive en ces temps de crise à ce que les futurs vainqueurs et perdants de la reprise se profilent dès aujourd’hui.
Jan MertensJan Mertens est chasseur de têtes et coach personnel dans le secteur IT depuis 15 ans.
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