Le secteur local RV/RA en plein boom
Alors que le consommateur final ne sait pas encore trop bien comment aborder la RV (réalité virtuelle), des entreprises commencent à découvrir cette nouvelle technologie. Durant une journée d’étude sur le potentiel de ce support de rupture dans le cadre de C-Mine à Genk, plusieurs entreprises spécialisées ont dévoilé leurs initiatives concrètes.
Les millions d’utilisateurs finaux qui disposent aujourd’hui de lunettes de RV les utilisent surtout pour des applications de jeux vidéo, estime le cabinet d’études américain Allied Market Research. Ainsi, 41 % des lunettes sont associées à une console (la PlayStation 4 de Sony) et 46 % (consoles et PC confondus) sont destinées à des jeux vidéo basiques. A l’instar de nombreux autres observateurs du marché, le cabinet s’attend à voir cette dernière proportion atteindre quelque 70 %. Reste que certains spécialistes ne sont pas d’accord. Et notamment Jaap van Den Bosch, patron de la société de formation en RV Vroom (Eindhoven), qui considère que la vogue grand public fait déjà partie du passé. ” Ce développement a été intéressant, a- t-il confié lors d’une rencontre face à des chefs d’entreprise et universitaires et consacrée à la RV et à la RA (réalité augmentée) dans le cadre de C-Mine Crib, l’incubateur du secteur createch à Genk (Limbourg). Mais l’avenir de cette technologie réside à nouveau dans les applications B2B. C’est à ce niveau que se situe à mes yeux la véritable valeur ajoutée. ”
La RV est un outil imparfait. C’est très inconfortable pour l’utilisateur qui ne ressent rien du monde extérieur.
Vu le succès prudent mais grandissant de la RV grand public, d’aucuns remettent en question cette affirmation, mais Van den Bosch parle d’expérience, d’autant que son entreprise s’est largement développée sans ces systèmes de RV aujourd’hui adulés. Pour preuve, il a fondé Vroom en 2007 déjà, soit bien des années avant le lancement des systèmes actuels tels que l’Oculus Rift, le HTC Vive ou la PlayStation VR, en s’appuyant sur les équipements et le logiciel de développement de l’américaine Worldviz. Celle-ci a pour sa part vu le jour en 2002, en pleine phase de désintérêt publicitaire pour la RV après le premier engouement des années ’90, en se concentrant sur des applications privilégiant les fonctionnalités à l’immersion visuelle.
Techno imparfaite
Si l’on compare le logiciel de Vroom aux applications actuelles de jeu en RV, la différence est flagrante : le logiciel de formation mis au point par Vroom pour le fondeur de puces néerlandais ASML est plutôt un modèle CAD enrichi qu’un monde virtuel spectaculaire. Reste que cette solution accélère le rythme des formations d’un facteur de 5 au moins, affirme l’entreprise. C’est dans la même optique que l’entreprise développe des formations RV pour des multinationales actives dans le high-tech, l’aéronautique, l’architecture et la navigation. ”
La RV est un outil imparfait, estime Van den Bosch. C’est très inconfortable pour l’utilisateur qui ne ressent rien du monde extérieur. Rien n’apparaît comme réaliste, même avec le matériel informatique le plus moderne. Mais elle se prête parfaitement à la simulation un-sur-un d’un manuel, avec un ressenti confortable et une grande capacité d’apprentissage. Ou encore pour la collaboration en temps réel, indépendamment de contraintes géographiques. En outre, la RV apparaît comme relativement bon marché pour les partenaires industriels et facile à implémenter puisqu’il est possible de s’appuyer sur des données CA qui sont en général déjà disponibles. ”
Industrie locale
Embrayant largement sur ces arguments, la Flandre voit également émerger une industrie locale d’applications de RV. D’ailleurs, certaines entreprises entrevoient bien davantage les potentialités de cette technologie que leurs collèges néerlandais. Et notamment Aeroplane, un bureau de design malinois qui développe des applications de RV, RA et MR (mixed reality) pour le développement de produits, services et marques. Son cofondateur Yassine Abid envisage 3 débouchés importants pour ce type d’applications : la construction rapide de prototypes, la mise en place d’une immersion totale et la capacité d’expliquer simplement des concepts complexes.
C’est ainsi que pour le fabricant de protections solaires Harol (Diest), l’entreprise a conçu une simulation RV sur le HTC Vive, qui permettra bientôt aux clients finaux de tester dans un environnement virtuel l’ensemble des modèles disponibles auprès de leur installateur local, avec toutes les couleurs possibles et les différents facteurs de pénétration de la lumière. ” Le commun dénominateur est le contenu numérique, précise Abid. Celui-ci simplifie et démocratise la RV. Il est ainsi possible d’inciter plus rapidement les clients à se lancer dans un déploiement commercial. Et de notre côté, nous pouvons développer rapidement et à moindre coût un prototype pour nos clients, ce qui permet de valider les suppositions en amont dans le processus. ”
Apprentissage pratique
De même, la RV et la RA jouent un rôle de premier plan dans la simulation de certaines fonctions, par exemple pour apprendre à de nouveaux collaborateurs le point de départ et le déroulement d’opérations, insiste pour sa part Ben Mahy de Sagility, une entreprise gantoise spécialisée dans l’optimisation du cycle de vie de systèmes et installations automatisés grâce à la mise au point de ‘doubles’ numériques.
Dans cette optique, l’entreprise avait déjà reproduit des installations de logistiques et industrielles pour des entreprises telles que Decathlon, SAP, bpost et Volvo Cars. Avec comme objectif principal de permettre aux travailleurs d’apprendre à maîtriser les nouveaux systèmes. ” Les études en matière de RH et d’apprentissage montrent que le taux de rétention d’une matière apprise en ayant lu sur le sujet précédemment ou en ayant suivi un cours reste limité à respectivement 10 % et même 5 %, ajoute encore Mahy. Mais en ‘faisant’, ce taux grimpe à 75 %. Du coup, on comprend toute l’importance d’une technique simple et efficace d’apprentissage de type ‘sur le tas’. ”
Exportations
Les entreprises belges actives dans le domaine des applications de RV et de RA envisagent même désormais d’exporter leurs services. Ainsi, Proceedix (Gand) a construit pour le géant américain de machines agricoles Agco un système informatique destiné à un atelier où le recours au papier se voulait minimal. Une première solution a consisté à remplacer les processus papier dans l’atelier en mettant en place un système documentaire numérique accessible aux travailleurs grâce à des tablettes tout-terrain. Seul problème : même ces modèles renforcés rendent l’âme dans un environnement de fabrication de grosses machines agricoles. Dès lors, une approche plus sophistiquée a été envisagée sous la forme des Google Glass qui n’ont sans doute pas vraiment percé dans le grand public, mais se révèlent particulièrement pratiques dans ce type d’environnement. ”
Nous avons dû les modifier fondamentalement, notamment en y ajoutant un plus grand nombre de batteries et en installant un bouclier de sécurité, explique Liesbeth Sticker, product consultant. Mais une fois que la technologie a été au point, notre client a constaté une hausse considérable de l’efficacité des travailleurs en charge du contrôle de qualité. En effet, ceux-ci disposaient de l’ensemble des informations tout en gardant les mains libres. La société envisage désormais de doter l’ensemble de leurs opérateurs de telles lunettes. ”
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