L’appli est morte
Si de nouvelles applis ne cessent de voir le jour, nous en téléchargeons toujours moins. Dans le même temps, des applis que nous utilisons encore sont de plus en plus souvent repoussées à l’arrière-plan. L’appli telle que nous la connaissions depuis l’arrivée du téléphone intelligent aurait-elle fait son temps?
Certes, le nombre d’applis dans les boutiques d’Apple et de Google continue à croître, tandis que 89 % du temps que nous passons sur notre mobile sont consacrés à ces applis. Mais désormais, la majorité de ce temps (80 % pour être précis) va à 3 applis seulement, sachant que Facebook est le n° 1 incontesté.
Sur le temps passé sur notre mobile, 89 % est consacré aux applis, contre 11 % seulement au Web mobile.
En d’autres termes, la guerre pour l’écran de notre smartphone est largement terminée. Car il faut déjà être costaud pour faire sa place sur le ‘first screen’ de l’utilisateur. Ainsi, une étude de cabinet ComScore indique que 65 % des possesseurs d’un smartphone ne prennent même plus la peine de télécharger de nouvelles applications lors de l’achat de leur appareil.
Du coup, le nombre d’applis “zombies” dans les magasins d’applis d’Apple et de Google ne fait qu’augmenter. Ces applis “zombies” sont des applications qui ne se retrouvent dans aucun classement et qui ne sont sélectionnées par personne. Pas étonnant dans ces circonstances que l’App Store et Google Play se soient vus affubler du nom dénigrant de “cimetière”. Les applis ont-elles fait leur temps ? L’appli telle que la connaissions depuis l’arrivée du smartphone est-elle morte ? Facebook et Google ont-elles pris le dessus?
Pertinence
“Il est exact que de moins en moins d’applis sont téléchargées, mais il ne faudrait pas trop vite en conclure que l’appli est morte, nuance Jeroen Lemaire, CEO de l’agence mobile In The Pocket. Ce que l’on constate, c’est que les applis brol et les applis de marketing disparaissent, alors que les applis qui offrent vraiment quelque chose aux utilisateurs sont mises au premier plan.”
Si nous passons davantage de temps avec notre mobile, 80 % de notre temps est dédié à 3 applis populaires (dont Facebook), tandis que nous n’utilisons activement qu’un nombre très limité d’applis.
“Cela dépend aussi de l’utilité que l’on a d’une appli, ajoute Bart De Waele, CEO de l’agence numérique Wijs. Si vous souhaitez toucher un nouveau public ou séduire de nouveaux clients, l’appli est alors bel et bien morte et la guerre a effectivement été gagnée par Facebook et Google. Mais si vous désirez mieux servir des clients existants, l’appli reste un outil intéressant. Regardez le planificateur de trajet de De Lijn. Si vous êtes un nouveau client, vous vous rendrez sans doute sur le site, mais si vous êtes un utilisateur régulier, vous savez que le service offert via l’appli est simplement meilleur.”
“Il semble bien que les entreprises commencent maintenant à se rendre compte des possibilités offertes par les applis, confirme Lemaire. Pour les banques qui désirent rester dans le coup, le mobile est certainement le canal le plus important. De même, les applis de santé sont vouées à un brillant avenir, sans parler des applis pour entreprises. En un sens, nous nous situons à un moment charnière. Des applis de style Tinder pour ceci ou Uber pour cela sont encore développées, mais on constate néanmoins que de très nombreuses sociétés tentent de redéfinir leur position centrale autour du mobile. C’est le cas dans la distribution, le bancaire, etc.”
Notifications
Une autre tendance qui donne à penser que l’appli classique a fait son temps est le fait que celle-ci disparaît toujours plus à l’arrière-plan et devient ‘invisible’. “Ce n’est donc pas tellement l’appli qui est vouée à une mort certaine, mais bien l’appli que l’on ouvre et ferme de manière active, précise encore De Waele. Prenez l’exemple de Runkeeper et de Moves. Dans le cas de Runkeeper, il faut ouvrir l’appli avant de faire du jogging, d’appuyer sur un bouton lorsque l’on part et d’appuyer à nouveau lorsque l’on s’arrête. En revanche, Moves est une appli qui tourne simplement à l’arrière-plan et qui sait lorsque vous courez, quand vous vous arrêtez et si vous êtes dans un embouteillage. A la fin de la journée, vous recevez via une notification push un aperçu de ce que vous avez fait. Il s’agit d’une tout autre manière de procéder. Au lieu de devoir appuyer sur un bouton dans une appli, les données viennent à vous. L’appli d’autrefois se transforme en somme en une notification.”
ComScore estime que 65 % des utilisateurs de smartphones ne téléchargent pratiquement plus de nouvelles applis une fois leur appareil acheté.
“Chez In The Pocket également, nous essayons de rendre les applis le plus invisible possible, enchaîne Lemaire. Les gens sont très paresseux lorsqu’il s’agit d’applis, ils naviguent à peine et lorsqu’ils sont face à 4 tabs, ils n’en ouvriront au maximum qu’un. En d’autres termes, il faut proposer le moins de fonctions possible : la meilleure interface est aucune interface.”
Du coup, les applis doivent être toujours plus proactives vis-à-vis des utilisateurs. Ce qui nous amène aux API et à l’internet des objets. “En exploitant les données en fonction du contexte de l’utilisateur, il est en effet possible de rendre les applis très proactives, note encore Lemaire. Notre appli Recycle ! en est un bel exemple : sur la base d’informations que nous avons récoltées auprès des intercommunales, elle affiche une notification au moment où vous devez sortir vos poubelles. Recycle ! associe la puissance d’une API à une interface minimaliste. Nous estimons que les applis des voitures connectées et des maisons opéreront toujours plus en arrière-plan sans devoir s’en occuper.”
Les réseaux sociaux (29 %), les applis de radio (15 %) et les applis de jeux (11 %) sont les plus populaires, alors que les applis de messagerie instantanée captent pour l’instant 6 % de l’attention.
Applis de chat
Un troisième exemple qui montre que, peut-être, il est temps pour enterrer les applis traditionnelles est le fait que nous évoluons progressivement vers une situation où les développeurs cherchent de plus en plus à intégrer leurs applis au niveau du code dans des plates-formes de chat du style WhatsApp et Snapchat et que l’on en arrive même à une sorte d’interface utilisateur conversationnelle. “L’appli de chat chinoise WeChat est est une belle illustration, fait encore remarquer De Wael. WeChat est une plate-forme ouverte aux partenaires extérieurs [comme Facebook voici quelques années, NDLR]. Mais cette appli n’utilise plus des interfaces, tout se fait presque sous forme de chat. Paradoxalement, on en revient donc au courriel et au SMS comme supports idéaux des messages. Du fait du glissement des réseaux sociaux vers des applications de chat, l’attention ne se porte plus sur les interfaces visuelles et les beaux boutons, mais sur le contenu, les interfaces conversationnelles. Il s’agit là d’une évolution majeure.”
L’engagement des utilisateurs (le “time spent”) est donc le plus important dans les applis, mais le Web mobile touche beaucoup plus de gens et progresse rapidement (+ 42 % sur base annuelle, contre + 21 % pour les applis, toujours sur base annuelle).
L’une des conséquences est que la guerre entre magasins d’applis s’est transformée en un combat pour le futur système d’exploitation des appareils mobiles. “Google est sans conteste possible l’OS du Web, mais il s’agit de voir désormais quel sera l’OS de référence sur le mobile : Messenger, WhatsApp, Snapchat ou WeChat.”
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