Saskia Van Uffelen
La troisième dimension
Le plombier me lança un regard dans lequel on pouvait lire tout à la fois de la culpabilité et de la résignation. Il venait de sortir en rampant de sous le boiler et me montra la pièce qui fuyait. ‘Je crains de devoir la commander’, me dit-il, ce qui me mina aussitôt le moral.
Le plombier me lança un regard dans lequel on pouvait lire tout à la fois de la culpabilité et de la résignation. Il venait de sortir en rampant de sous le boiler et me montra la pièce qui fuyait. ‘Je crains de devoir la commander’, me dit-il, ce qui me mina aussitôt le moral. Je ne pouvais en effet penser qu’au délai que la réparation de cette fuite allait prendre. La pièce à remplacer arriva en fin de compte deux semaines plus tard, une éternité, lorsque vous devez vous contenter d’eau froide pendant tout ce temps…
J’ai repensé à mon plombier, lorsque je fus récemment témoin d’une démonstration de la toute nouvelle génération d’imprimantes 3D, celles-là mêmes qui réalisent des objets tridimensionnels, couche après couche, sur la base de fichiers informatiques.
Quelqu’un me dit que l’époque où l’impression 3D n’était possible que dans de la matière plastique, était largement dépassée, car aujourd’hui, elle peut se faire dans des dizaines de matériaux différents, dont le bronze, l’argent et l’or. Et l’on peut imprimer de tout: des maquettes pour les bureaux d’architectes, mais aussi des maisons tout entières, des appareils auditifs, des implants dentaires, des robes pour des conceptrices de mode, des étuis personnalisés pour iPhone, voire des bijoux exclusifs.
Bientôt, mon plombier pourra donc simplement imprimer chez moi la pièce manquante. Avons-nous bien conscience de ce que cela signifie? Que toute une chaîne logistique menace de disparaître: des transporteurs aux fabricants et aux fournisseurs de matières premières.
La nouvelle révolution industrielle
Cette pièce avec laquelle mon plombier procure aujourd’hui encore du travail à des dizaines de personnes, sera produite demain par quelqu’un sur place. L’impact économique peut à peine être présumé.
Le développement de l’impression 3D constitue la base d’une nouvelle révolution industrielle. Si l’évolution se poursuit de la sorte, nous ne déplacerons plus d’objets d’un point A à un point B, mais uniquement l’encre, les matériaux pour les imprimantes et… les imprimantes proprement dites.
Les magasins ne vendront plus d’objets, mais les copieront. Cela aura probablement un solide impact sur l’emploi dans le secteur logistique. Plusieurs milliers de postes de travail risquent de disparaître.
Le commerce mondial se déroulera en outre sur la plate-forme numérique et ce, encore beaucoup plus qu’aujourd’hui. Les objets à imprimer seront commandés en ligne auprès des entreprises 3D. Cela aura aussi des conséquences sur l’économie traditionnelle, prévoient les experts.
J’ai l’impression que personne n’a à présent encore réellement conscience de l’évolution de l’impression tridimensionnelle. Selon le service d’études de la banque néerlandaise ABN Amro, le chiffre d’affaires mondial issu du 3D croîtra de quelque 30 pour cent par an pour passer d’1,7 milliard d’euros l’an dernier à plus de 2,9 milliards d’euros en 2015 et pour atteindre quelque 5 milliards d’euros en 2019. Mais en Europe, personne ne semble provisoirement se rendre compte des effets que cela aura.
Nouvelles opportunités
Si nous faisons preuve d’intelligence, nous ferons de la Belgique le centre de la connaissance de l’impression 3D. Nous collecterons la connaissance et l’expertise dans ce domaine et nous investirons dans la recherche et le développement. C’est la seule façon de ne pas manquer le bateau. Car il y a aussi des opportunités.
Notre empreinte écologique diminuera. Le consommateur sera stimulé à concevoir lui-même ses biens, et le service s’améliorera. Mon plombier ne devra donc plus me laisser sans eau chaude deux semaines durant.
Et puis pourquoi faire appel à un plombier, après tout? J’imprimerai moi-même la pièce défectueuse et je l’installerai sans tarder…
Cette chronique est déjà parue dans De Tijd.
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