“La technologie ne remplace pas l’homme, mais l’aide à être plus orienté client”
“La rupture intervient lorsque la transformation numérique s’arrête et cesse d’être douloureuse”, estimait Peter Hinssen lors d’un récent séminaire nexxworks. Un phénomène auquel n’échappe pas le secteur hôtelier.
Aujourd’hui, nombre de vacanciers et de clients professionnels abandonnent l’hôtel classique au profit d’une alternative qui correspond davantage à leurs exigences quotidiennes. Le secteur hôtelier sera-t-il bientôt confronté à une nouvelle rupture ?
Nouvelles propositions de valeur
De longues files devant l’enregistrement, un surcoût pour le WiFi rapide, des frais exorbitants pour le mini-bar ou le téléphone : les déceptions courantes d’un séjour à l’hôtel font partie du quotidien de beaucoup de voyageurs. Or pour les ‘disrupteurs’ du monde hôtelier, de telles pratiques sont d’ailleurs évidentes. Le consommateur exigeant ne peut en effet plus être appâté par des promesses fallacieuses comme le WiFi gratuit. De telles services de ‘luxe’ facturés par les hôtels à des tarifs prohibitifs font désormais partie de l’offre de valeur des nouvelles chaînes hôtelières. “Le luxe qu’attend un voyageur moderne n’a plus guère à voir avec le bien-être, mais plutôt avec une certaine prise de conscience”, estime Lennert de Jong, directeur commercial de la chaîne hôtelière citizenM.
citizenM est une chaîne qui se positionne dans le ‘luxe abordable’. C’est ainsi que toutes les chambres sont dotées d’un grand lit, proposent une offre de films étendue et présentent un éventail illimité de snacks sains, avec une douche simple et de grandes fenêtres. Mais l’entreprise néerlandaise se dit particulièrement fière de son ‘panneau de commande préférentiel’ que l’on retrouve dans chaque chambre. “Il s’agit d’un panneau de commande qui vous permet d’adapter pleinement votre séjour à vos désirs, se félicite de Jong. De la TV à la température en passant par les volets et le réveil : une fois activé, le système enregistre vos préférences de telle sorte que vous avez une chambre personnalisée dès votre séjour suivant dans la chambre.”
A noter que ces nouveaux-venus disruptifs comme citizenM ne sont souvent pas repris dans les résultats de recherche d’une plate-forme populaire comme booking.com, ce que de Jong considère étonnamment comme une bénédiction. “Les paramètres présentés par citizenM ne correspondent pas aux critères de recherche de booking.com, poursuit de Jong. Cela ne me pose pas problème dans la mesure où nos USP sont parfaitement adaptés aux désirs des voyageurs modernes.”
Si de Jong se montre fier du projet de citizenM, l’offre est loin d’être unique de nos jours. C’est ainsi que l’on verra bientôt apparaître à Louvain The Fourth, un hôtel bourré de gadgets technologiques et destiné au voyageur ‘respectueux’. “Les chaînes hôtelières classiques sont surtout concurrencées par leur manque d’adaptabilité, estime Yannick Bouts, directeur général. Leur offre ne s’adapte pas aux nouveaux besoins des clients qui non seulement évoluent, mais sont plus rigoureux. Un hôtel qui offre un service irréprochable, mais dont la connexion Internet est malheureusement déficiente, ne parviendra pas à fidéliser ses clients. Logique, la possibilité de surfer confortablement dans sa chambre d’hôtel n’est plus un luxe depuis longtemps.”
Concurrence
Un autre acteur disruptif dans le monde hôtelier est Airbnb, la plate-forme peer-to-peer qui transforme l’homme de la rue en un exploitant hôtelier. Les ambitions de son fondateur et CEO Brian Chesky sont grandes, même si certains pays cherchent à les enrayer. Et la Belgique ne fait pas exception à la règle : depuis mai en effet, notre législation impose aux logeurs Airbnb de s’inscrire auprès de l’administration communale et de satisfaire à différentes exigences. Même au terme de batailles juridiques mémorables dans des villes comme San Francisco et New York, le CEO d’Airbnb ne semble nullement vouloir renoncer et la croissance d’Airbnb ne s’en trouve pas affectée. En août dernier, Fortune estimait d’ailleurs la valorisation boursière de l’entreprise à 30 milliards $.
Si la réaction de panique classique de la Belgique face à l’innovation peut se comprendre, la majorité des start-up hôtelières ne semblent pas ressentir la pression de la concurrence d’Airbnb. “Il y a suffisamment de place sur le marché, déclare de Jong avec assurance. Il faut comprendre la frustration des clients d’Airbnb : les hôtels pratiquent souvent des tarifs exagérés et ne peuvent offrir à leurs clients une expérience personnalisée. Avec citizenM, nous proposons une réponse différente au même problème. Il existe certes des imitations, mais celles-ci ratent leur cible. Elles compensent certes un seul critère d’irritation, comme le WiFi payant, alors qu’il s’agit d’une combinaison de plusieurs éléments.”
L’homme et la technologie, pas ‘contre’
En dépit de l’orientation technologique de nombreux nouveaux-venus du secteur dit ‘de l’hospitalité’, ceux-ci doivent plus que jamais comprendre que l’homme est central. Chez The Fourth Hotel, on met en place un système de check-in mobile, même si le client peut toujours compter sur l’aide d’un employé en cas de besoin. D’ailleurs, Bouts n’a nullement l’intention, comme c’est le cas dans l’hôtel Henn-na de Sasebo au Japon, de remplacer le room service par des robots. “Il est et reste important de garder le contact avec les clients, affirme-t-il. Les chambres ont beau être bourrés de domotique et de gadgets technologiques, ce qui permet au client de quitter plus rapidement sa chambre, mais le danger est de perdre le contact humain. Non seulement parce que ce contact est vital pour améliorer sensiblement l’expérience client, mais parce qu’il permet l’upselling. C’est ainsi que nous proposons volontairement une offre limitée de boissons et de snacks sains dans les minibars, tandis que si le client souhaite une carte de menu étendue, il devra se rendre dans le bar du lobby.”
citizenM, qui se considère volontiers comme le summum pour les amateurs de technologie, semble partager cette opinion. Son comptoir d’enregistrement ultra-technologique destiné à éviter les longues queues est certes ingénieux, mais si le client a besoin d’aide, un employé en chair et en os est tout prêt à l’assister. Pas question donc pour le directeur commercial de craindre de voir les technologies remplacer son personnel. “La technologie jouera plutôt un rôle croissant pour améliorer la convivialité. Plus la technologie sera accessible, plus l’aspect humain gagnera en importance. Les clients ne désirent pas être aidés exclusivement par des gadgets technologiques ou des robots. Les gens veulent des gens.”
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