Hans Vets
La semaine de 40 heures dans le secteur ICT? C’est 10% d’amélioration de notre position concurrentielle!
Voilà ce que nous écrivions à la fin de l’été de 2009: nous ressentons les séquelles de la crise financière de 2008. Des projets d’investissement dans l’ICT sont postposés. Le secteur râle. Pour l’ouverture de nos nouveaux bureaux, j’ai invité des clients, relations et quelques politiciens à une réception. Dans ma traditionnelle allocution d’inauguration, je plaide pour ramener à 6% le taux de TVA sur les services ICT aussi: un thème alors abordé en long et en large dans la presse à l’initiative du secteur de la construction. Mon argumentation? Le secteur des services en général et le secteur ICT en particulier sont le moteur de croissance de l’économie créative de l’Europe de l’Ouest, où l’industrie traditionnelle met toujours plus le cap vers les pays à bas salaires. C’est là que la plupart de nos jeunes trouveront un emploi, pas dans la construction. Merci quand même pour la proposition. Unizo était pour. Les milieux traditionnels ont réagi par un simple haussement d’épaules. La vie continue.
La semaine dernière, le secteur de la construction a été de nouveau à la base d’un débat fondamental, s’il en est. Le retour à la semaine des 40 heures. En raison de la concurrence toujours plus forte issue des pays du bloc de l’est et des états voisins – même les Néerlandais construisent à moindre coût aujourd’hui -, le travail est devenu trop cher en Belgique, et la productivité doit donc être accrue. Prester plus d’heures – moyennant rétribution bien entendu – avec les mêmes coûts fixes augmenterait cette productivité de 10%.
Dans le dernier épisode de la série des documentaires ‘Econoshock 2.0’ programmée cette semaine sur la chaîne flamande Canvas, un entrepreneur français tient le même langage. Il a perdu 10% de sa productivité et sa position concurrentielle suite à l’introduction de la semaine de 37 heures en France. Soupir…
Travailler plus et de manière plus flexible: voilà ce dont il est question. S’il y a un secteur où cela s’avère pertinent, c’est bien celui des services (ICT). Nous nous y heurtons depuis des années déjà à ce qu’on appelle la ‘courbe monstrueuse’. Le point où les coûts des services croisent négativement la valeur que le marché leur attribue, à savoir le prix que nos clients sont prêts à payer pour les services fournis. En Belgique, l’aspect des coûts est encore davantage alimenté par les coûts salariaux croissants par définition en raison de l’indexation annuelle. La partie des revenus est de plus en plus mise sous pression par la concurrence toujours plus forte en provenance des pays offshore et nearshore. Et de manière accélérée même, à présent que le monde devient sans cesse plus ‘flat’ avec des services ‘cloud’ qui sont devenus de facto un standard pour le déploiement des applications. Construire une maison à distance reste provisoirement compliqué – même si des Chinois ont déjà effectué des tests dans ce sens avec l’impression 3D -, mais fabriquer et entretenir un système IT peut par contre se faire à 75% de n’importe quel coin du monde et à des coûts inférieurs.
Revenons-en donc à la semaine de travail de 40 heures!
Dans toutes les statistiques relatives au coût total d’une heure de travail, la Belgique occupe la première place. Tout le monde le sait. Tout le monde sait donc qu’il faut faire ‘quelque chose’. Il existe maintes solutions. Certaines égratignent le pouvoir d’achat, alors que d’autres comme celle-ci exigent des efforts. Mais nous attendons tous que quelqu’un d’autre fasse le premier pas. Faire des concessions, bien sûr. Faire plus avec moins, évidemment. Pour autant que l’autre le fasse d’abord, pas moi.
La semaine des 37 heures a été introduite sciemment à une époque, où le travail en noir était la norme. A juste titre. A présent que nous nous retrouvons dans une économie essentiellement de services et que nous rejoignons nos bureaux parfaitement climatisés à bord de luxueuses voitures de société, afin de travailler dans un environnement illuminé de type ‘new way of working’, proposant café, fruits et autres gâteries, ou que nous télé-travaillons dans notre bureau cosy si nous le souhaitons, il est, selon moi, nécessaire que nous osions renoncer à ce droit acquis. Cela améliorerait immédiatement notre position concurrentielle de 10% et garantirait un emploi pour de nombreux jeunes dans les années à venir.
Mais je ne me fais aucune illusion. Tout le monde s’y oppose, les syndicats en tête. Je lis aussi les journaux. L’on y apprend par exemple que des fonctionnaires, sur une initiative syndicale et avec l’argent du contribuable, se tournent vers la Justice, parce qu’ils doivent marcher 300 mètres de plus pour gagner leurs nouveaux bureaux. Ou qu’un représentant syndical a pris une semaine de ‘congé maladie’ parce qu’il a été piqué à la main par un insecte – que penser dans ce cas de l’éthique sociale du médecin qui a délivré un certificat médical pour une ‘piqûre de moustique’?
Allons-nous donc poursuivre réellement sur cette voie, jusqu’à ce que nous soyons tous économiquement anéantis? Ou sommes-nous suffisamment matures pour mettre ces thèmes certes difficiles à l’ordre du jour au sein de nos entreprises?
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