La révolution numérique dans votre secteur
La révolution numérique touche tous les secteurs, mais pas forcément de la même façon.
Il existe de nombreuses histoires de jeunes entreprises qui se voient massivement valorisées et qui renversent des géants historiques. De même, de nombreuses informations circulent sur la manière dont des secteurs spécifiques (grands et petits) seront affectés par la révolution numérique dans le futur proche.
Ces anecdotes sont hautes en couleur et soulignent l’importance du sujet, mais elles peuvent prêter à confusion et s’avérer, en quelque sorte, déroutantes. Pour instaurer une vision claire et définir une stratégie appropriée face à la “menace”, nous devons prendre du recul et examiner certains thèmes plus vastes de la révolution numérique, ainsi que la manière dont ils peuvent affecter la stratégie numérique des entreprises.
Nous distinguons en effet des différences fondamentales entre deux types de secteurs : les secteurs basés principalement sur d’énormes investissements (axés sur les dépenses en capital) et les secteurs dans lesquels les coûts sont essentiellement opérationnels (axés sur les dépenses opérationnelles).
La transformation numérique aura une signification totalement différente pour ces deux groupes. Certains principes leur seront toutefois communs.
Technologie, médias, commerce de détail et services financiers : la lutte pour la relation client
Commençons par le premier groupe : les secteurs axés sur les dépenses opérationnelles. Il s’agit des secteurs de la technologie, des médias, du divertissement, du commerce de détail et des services financiers.
La révolution sera clairement brutale dans ces secteurs. Uber est un exemple emblématique de cette catégorie. La plupart de leurs coûts sont des frais opérationnels : ils doivent investir dans l’entretien et la mise à jour de leurs systèmes informatiques, ainsi que dans le versement des salaires et le financement de formations pour leur personnel. Mais la valeur produite l’est quasi exclusivement dans ces opérations.
Il convient avant tout de se souvenir que les demandes des consommateurs ont changé de manière drastique. Nous voulons tous des biens de qualité, mais nous voulons qu’ils soient peu onéreux, faciles d’utilisation et livrés en un temps record.
C’est en agissant sur ce plan que votre entreprise produit et garantit sa valeur. L’important n’est plus d’être efficace tout au long de la chaîne de valeur. Il faut plutôt se concentrer sur la valeur que vous offrez aux consommateurs.
Nous voulons tous des biens de qualité, mais nous voulons qu’ils soient peu onéreux, faciles d’utilisation et livrés en un temps record.
Si vous travaillez dans l’un de ces secteurs et que vous misez (encore) principalement sur les services administratifs, il est grand temps d’évoluer. Faites de même si vous rivalisez avec d’autres acteurs du secteur, mais que vous dépensez beaucoup en actifs de gestion des ressources (comme les bâtiments, l’infrastructure ou d’autres éléments).
En effet, certains acteurs visent la partie de la chaîne de valeur où la valeur ajoutée est disponible et tentent de tirer parti des investissements réalisés par d’autres avant eux. La valeur réside souvent dans la relation directe avec les clients : pensez à Uber, Airbnb ou Netflix.
Netflix parvient à fournir (et saisir) 80 % de la valeur avec 20 % des coûts des opérateurs historiques. Contrairement à certains de ses principaux concurrents, Netflix n’est pas ralenti par son infrastructure (comme Liberty Global) ou des espaces de commerce de détail (comme feu Blockbuster que l’entreprise a poussé à la faillite).
Pire encore, une fois que ces acteurs ont largement affaibli les acteurs historiques d’un secteur et se sont constitué une bonne base de clients fidèles, ils disposent des moyens et de la base d’utilisateurs nécessaires pour attaquer d’autres secteurs et répéter les mêmes étapes.
Exemple : WhatsApp, qui a commencé par proposer un service de messagerie, affaiblissant les opérateurs de télécommunication, avant d’ajouter les appels vocaux, affaiblissant encore davantage ces opérateurs. Il a ensuite intégré les paiements Facebook Messenger, s’attaquant désormais aux institutions financières. Enfin, il monétisera les données des utilisateurs via des publicitaires, menaçant le modèle commercial de Google.
En quoi ces informations sont-elles utiles à votre stratégie numérique ? Elles vous permettent de vous assurer que la relation que vous entretenez avec vos clients est solide et de la protéger à tout prix. Par exemple, en offrant une expérience client supérieure et valorisante via tous les canaux possibles, bien sûr. Vous devez rester concentré sur la manière dont vous pouvez créer plus de valeur pour les utilisateurs, en étant moins cher (valeur des coûts), en étant plus amusant à utiliser (valeur de l’expérience) ou en proposant un ordre de grandeur plus important, plus de choix ou d’utilité (valeur de la plateforme).
Mais être en mesure de répondre aux attentes des clients n’est pas suffisant. Pour rester à la page en ce qui concerne les préférences changeantes des consommateurs et pour répondre à de nouveaux besoins, de nouvelles modes ou de nouvelles tendances, votre entreprise doit pouvoir rapidement reconfigurer ses points de contact. Allez-vous concevoir une application qui les gère tous ou plusieurs applications verticales pour les différents cas d’utilisation ?
Les consommateurs préféreront peut-être une option à une autre, mais ils peuvent changer d’avis du jour au lendemain. La question est donc de savoir si vous pouvez reconfigurer vos applications aussi vite. Vous vous exposez à un grand risque en misant tout sur une stratégie basée sur une “application unique” ou une stratégie axée sur des “applications multiples”.
Télécommunications, services publics, industrie : rationaliser la chaîne de valeur
Les secteurs axés sur les dépenses en capital ont en général besoin d’un autre type de stratégie numérique. Il s’agit ici principalement des secteurs des télécommunications, de l’enseignement, des voyages, de la fabrication, des soins de santé et des services publics. Ces secteurs d’activité exigent des investissements massifs juste pour pouvoir faire tourner les affaires, sans parler du fait d’être compétitif. Ces investissements constituent une sorte de protection relative contre les prédateurs à la Uber, Netflix ou Facebook.
Si vous êtres dans l’un de ces secteurs, votre stratégie numérique peut encore valablement reposer sur la chaîne de valeur et le côté opérationnel. Le fait de mieux tirer parti de vos actifs restera une stratégie valide.
Cependant, vous auriez tout intérêt à revérifier et améliorer vos processus internes.
Il est en effet possible que ces processus ne soient pas aussi avancés et efficaces qu’escomptés, ce qui risque d’avoir des conséquences négatives sur votre organisation. Tout d’abord, vous êtes peut-être plus lent que la concurrence (p. ex., dans la conclusion de contrats, l’achat d’équipement ou la proposition de services à vos clients).
Commencez par améliorer ces processus
Ces processus sont peuvent être en outre entachés d’erreurs et ces erreurs empêchent vos équipes opérationnelles de réagir de manière adéquate en cas de problèmes. Enfin, vous êtes peut-être confronté à beaucoup de redondance et de tâches manuelles.
Commencez donc par améliorer ces processus : ceci aura un impact positif sur vos coûts. Ensuite, lorsque les processus sont optimaux, pensez à les automatiser le plus possible. Vous gagnerez encore enefficacité, en prévisibilité et, en fin de compte, en compétitivité.
En conclusion : les secteurs axés sur les dépenses en capital ont beaucoup à gagner en rationalisant et en automatisant leurs processus. Ceci ne signifie évidemment pas qu’il faut négliger la relation avec le client ; il s’agit simplement d’agir là où c’est le plus efficace. Une stratégie multi-caneaux sophistiquées ne sert pas à grand-chose si vos processus internes sont lents et inefficaces.
Les points communs
Il y a quelques principes qui valent pour les deux groupes décrits ci-dessus. Il s’agit principalement d’erreurs à ne pas commettre :
Faire des “tests”
Évitez de mettre en place un projet pilote numérique isolé ou un test qui n’est pas intégré sur le plan stratégique. Certains départements lancent trop souvent des projets qui sont isolés, sans feuille de route claire quant à la manière d’intégrer ce projet dans le reste des opérations et sans mettre préalablement en place une architecture numérique à l’épreuve du futur.
C’est le meilleur moyen de perdre du temps et de l’argent. Imaginez un opérateur de télécommunications investissant dans une application grand public sophistiquée, tandis que l’administration connaît des processus largement défectueux en matière de suivi des commandes ou de gestion des plaintes de millions de clients. Inversement, songez à une entreprise orientée client qui investit massivement dans des systèmes ERP pour son administration, tout en négligeant l’expérience client insatisfaisante de ses applications.
Lorsque les “tests” seront enfin évalués et qu’ils présenteront un bilan mitigé, ces entreprises auront 18 mois de retard sur la concurrence.
Choisir des “pure players”
Certaines organisations ont parfois l’impression de devoir choisir un “pure player” pour réaliser une tâche spécifique de ses opérations ou services, dans la mesure où ce dernier peut apporter des résultats rapidement et où il semble moins cher. Il s’agit aussi d’une erreur qui peut leur coûter cher. L’addition de plusieurs “pure players” bon marché peut rapidement s’avérer très onéreuse : apprentissage spécifique pour chaque application, évolutivité limitée, et surtout, coûts d’intégration très élevés avec l’existant
Revenons à l’exemple des applications : ne pas pouvoir reconfigurer vos points de contact avec les clients parce que vous êtes coincé dans une infrastructure informatique critique peut sérieusement nuire au bien-être de votre entreprise dans le monde des affaires d’aujourd’hui.
Conclusion pour les deux types d’entreprises : de nombreuses routes mènent à Rome, c’est-à-dire à une transformation numérique réussie. Malgré la rhétorique péjorative sur les acteurs historiques lents, nous voyons d’énormes entreprises se réinventer et devenir des géants agiles.
Chaque transformation numérique réussie commence toutefois par un réflexion stratégique globale sur votre nouvelle “identité numérique”. Comment toutes les parties seront-elles connectées et comment pouvez-vous vous assurer de pouvoir ajouter, supprimer, changer, faire pivoter ou améliorer toutes les parties en même temps, sans interrompre soudainement tout le système et sans pénaliser en quoi que ce soit l’expérience de vos clients?
Jean-Michel Ghyoot est Principal Solution Architect au sein de Software AG.
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