‘La plupart des directeurs RH sous-estiment la révolution technologique’

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Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Les temps sont mouvementés dans les RH Tech, ces technologies destinées à faciliter, supporter et optimiser les processus RH. ” Mais la plupart des directeurs RH n’ont pas encore pris conscience des possibilités offertes “, estime Jochen Bessemans de HR Tech Valley au Corda Campus de Hasselt.

Voici un peu plus d’un an que Jochen Bessemans dirige la communauté HR Tech Valley sur le site Corda Campus de Hasselt, en collaboration avec les autres initiateurs que sont Joris Peumans et Ben Greeven. Leur ambition est de mettre en relation des entreprises innovantes en HR Tech avec le monde des ressources humaines pour stimuler la fertilisation croisée et la co-création.

Start-up et géants

” Il s’agit d’un secteur passionnant où de très nombreuses start-up se concurrencent partiellement, mais auquel commencent également à s’intéresser les grands acteurs IT “, analyse Jochen Bessemans qui a d’ailleurs fait récemment une présentation sur ce thème au HR Congres de Kluwer.

Mais la technologie concernant la sélection, le recrutement, la motivation, la formation et la fidélisation de collaborateurs a beau être innovante et sophistiquée, son taux d’adoption reste toujours très faible dans notre pays. ” Parce que la plupart des directeurs RH n’ont pas suffisamment conscience des possibilités offertes. C’est d’ailleurs pourquoi il est à ce point important d’y investir, insiste-t-il. Permettez-moi de citer un exemple. Dans de très nombreuses procédures de recrutement, ce sont des personnes qui évaluent d’autres personnes. Sur quoi se basent-elles ? Est-on vraiment sûr qu’elles sont neutres et recrutent ainsi le candidat idéal ? Si l’on utilise la technologie pour juger les candidats sur base de critères identiques, la situation peut être totalement différente. Par ailleurs, l’ensemble de la procédure n’est souvent pas aussi rapide que ce à quoi les gens sont habitués dans leur vie courante. Celui qui n’a pas obtenu de réponse dans les 2 semaines ne sait en général même plus de quoi il s’agissait. ”

Le problème ne se situe pas au niveau du career owner, mais dans l’attitude du recruteur classique.

Réagir plus rapidement

Et Bessemans de poursuivre : ” Ou pire encore : 90 % ne reçoivent même pas la moindre réponse à leur candidature. Et s’ils obtiennent une réponse, il s’agit en général d’une formule standard. Pourquoi les RH ne font-elles pas appel à des bots ? Sur base d’un certain nombre de questions, ceux-ci pourraient déjà savoir si un candidat entre ou non en ligne de compte pour une interview, ce que le candidat désire d’abord savoir. Dans ce cas, le candidat ne devra pas se donner la peine de rédiger une lettre de motivation qui, dans la plupart des cas, n’est d’ailleurs même pas lue faute de temps. Une enquête récente a ainsi montré qu’il s’écoule en moyenne 90 jours entre le premier contact et la signature finale du contrat de travail. Est-ce encore tolérable de nos jours ? “, s’interroge Bessemans.

Ben Greeven (Thalento) acquisce : ” Récemment, j’ai entendu qu’un candidat avait attendu 19 semaines avant que son engagement devienne réalité. Il faut en finir. Nous devons pouvoir réagir plus rapidement. ”

” Le problème ne se situe pas au niveau du career owner, mais dans l’attitude du recruteur classique. Les gens savent que la technologie existe et l’utilisent d’ailleurs. Mais les RH sont perdues et ne savent pas comment se positionner. Il est temps que le directeur RH accepte enfin la consumérisation de l’IT dont il est tant question, et notamment dans son secteur. Que le grand public, et donc aussi le futur collaborateur, s’attend à voir de tels outils utilisés également dans les processus de recrutement et d’accompagnement “, considère encore Jochen Bessemans.

Hipster HR

Mais lorsque le département RH aura admis la numérisation et la modernisation des outils utilisés, un autre défi se posera : quelle solution HR Tech adopter ? ” C’est à ce moment que des erreurs sont souvent commises. En général en effet, les RH songent par priorité à l’employer branding et cherchent d’abord à changer l’image que donne l’entreprise vers l’extérieur. J’appelle cela la hipster HR. Mais si vous ne changez rien dans les processus sous-jacents, vous serez obnubilé par cette hipster HR pour constater ensuite que la solution ne fonctionne pas “, avertit encore Bessemans.

Quoi qu’il en soit, le secteur des RH traditionnels se retrouve sous pression depuis 3 ans environ. ” La mission de coach et de facilitateur devient toujours plus importante. Alors que de nombreux départements RH parlent aujourd’hui surtout de personnes, nous devons évoluer vers une situation où les RH parlent de nouveau avec des personnes. La technologie devrait le permettre dans le cadre de la transformation numérique. De nombreux pays ont déjà entamé cette démarche, alors que dans notre pays, 10 à peine s’y intéressent, ce que l’on pourrait appeler des early adopters, remarque toujours Bessemans. Les RH doivent arrêter d’être attentistes pour dialoguer avec le marketing et l’IT. Certes, il y aura des réticences dans la mesure où l’IT par exemple n’apprécie pas les solutions cloud ou les micro-services et préfère ses systèmes internes. Mais la réalité est que le consommateur d’aujourd’hui, et certainement celui de demain, n’en a cure. La collaboration doit être le mot d’ordre dans la mesure où il s’agit finalement de trouver les bonnes personnes pour travailler dans l’entreprise, insiste Ben Greeven. Il faut que les RH et l’IT aient conscience de ce genre de problèmes. Tous deux sont sous pression et risquent d’être dépassés par les innovations technologiques. S’ils parviennent ensemble à relever ces défis, leurs chances de succès augmenteront. ”

Pourquoi (pas) un Chief Happiness Officer ?

Ces dernières années, on a vu apparaître une nouvelle fonction, celle de Chief Happiness Officer, une tendance qui nous vient des Etats-Unis. Ce chief happiness officer est chargé de mettre en place des activités de détente pour le personnel, d’organiser des team buildings ou des after-workdrinks afin de promouvoir le bien-être des employés et de s’assurer que chacun travaille avec plaisir pour l’employeur. Un défi de taille ?

” L’idée est évidemment séduisante, mais à mon avis, une entreprise ne devrait pas avoir besoin d’un tel chief happiness officer. Si une entreprise doit recruter un tel profil, cela prouve à mes yeux qu’elle est confrontée à un problème qu’elle ne parvient pas à résoudre.

En effet, tout le monde devrait être heureux au travail, ce qui rend superflue une telle personne. Pour un département RH, le bien-être de son personnel devrait être de toute façon une priorité “, conclut Ben Greeven.

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