Luc Blyaert
La nouvelle annonce du ‘Giganetwerk’ de Telenet est plus qu’un joli slogan de marketing
Telenet a renié l’idée d’un réseau mobile et investit massivement dans le sol, dans le sol flamand. L’opérateur en revient ainsi à ses racines et redevient plus que jamais Telenet Vlaanderen.
Au tout début du printemps de 1995, l’ex-directeur de Belgacom, John Goossens, appela à une collaboration poussée entre Belgacom et les entreprises du câble en vue de développer un réseau commun en Belgique. Goossens était à l’époque soutenu par le ministre des télécommunications Elio Di Rupo, le président de parti Busquin et le président de la Région Wallonne Collignon, pas par hasard tous trois des socialistes.
Le directeur de Belgacom craignait l’arrivée de ce qui était à l’époque encore ‘Telenet Vlaanderen’ et plaidait pour une infrastructure à haut débit puissante et performante sur laquelle les fournisseurs alors en concurrence proposeraient leurs services et produits. ‘Tout comme sur le rail’, ajouta-t-il. John Goossens comptait évidemment au départ d’une perspective historique que Belgacom pourrait créer ce réseau. Il n’était pas question d’une société séparée dans laquelle l’infrastructure serait intégrée. Et bien par la suite, il s’est avéré qu’à la SNCB et chez Infrabel par exemple, les choses ne se sont pas passées de la meilleure manière, et nombre de fournisseurs de services ne se trouvent encore et toujours pas sur les bons rails.
Le ministre-président flamand de l’époque Luc Van den Brande (CD&V), le genre petit roquet teigneux, imposa cependant sa volonté, et Telenet Vlaanderen développa son premier réseau. Voilà qui stimula la Flandre et par extension la Belgique. La surenchère du haut débit entre Belgacom et Telenet généra des vitesses internet particulièrement élevées. Mais malheureusement aussi des tarifs qui l’étaient tout autant. Ici encore, les deux entreprises se firent concurrence d’égal à égal.
Initialement, Telenet Vlaanderen fit fausse route: commandes erronées, facturation incorrecte, systèmes IT non compatibles, c’était à en pleurer. Mais chemin faisant, le câblo-opérateur gagna en performances et en professionnalisme. Duco Sickinghe, jusqu’à l’an dernier l’homme fort de Telenet, n’aimait pas le terme ‘câblo-opérateur’ et m’appela même un jour pour me demander de changer ‘câblo’ en ‘télécom’. Telenet n’était pas seulement devenu un opérateur télécom à part entière, mais grâce à du marketing astucieux et à une offre simple, quasiment binaire (pensez à King & Kong), l’entreprise parvint à conquérir la moitié du marché flamand.
La nouvelle annonce du ‘Giganetwerk’ est plus qu’un joli slogan de marketing. Un investissement réseautique de 100 millions d’euros par an, cela ne représente pourtant pas grand-chose pour un opérateur télécom. Belgacom investit par exemple 1 milliard d’euros par an. Mais Telenet met ainsi Belgacom davantage sous pression au niveau d’un déploiement plus rapide de son réseau à fibre optique. Ce que l’annonce illustre bien, c’est que Telenet se focalise pleinement sur la Flandre. Son ambition nationale semble être enterrée. Il n’est plus question depuis des années déjà d’une extension vers Bruxelles ou la Wallonie. La collaboration avec l’opérateur wallon Voo est au plus bas. Leur licence ‘nationale’ mobile commune, le duo l’a rentrée juste avant l’été. Cela leur a coûté 71,5 millions d’euros, dont plus de 50 millions ont été déboursés par Telenet.
Telenet a renié l’idée d’un réseau mobile et investit massivement dans le sol, dans le sol flamand. L’opérateur en revient ainsi à ses racines et redevient plus que jamais Telenet Vlaanderen. Rien d’étonnant donc que le nouveau ministre-président flamand Geert Bourgeois, 20 ans après en avoir posé la première pierre, était de retour pour l’annonce du ‘Giganetwerk’. Plus ça change, plus c’est la même chose.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici