La loi sur la rétention des données à nouveau devant la Cour Constitutionnelle
La Liga voor Mensenrechten flamande et sa pendante francophone la Ligue des Droits de l’Homme se tournent à nouveau vers la Cour Constitutionnelle pour s’opposer à la loi sur la rétention des données. Selon elles, cette dernière constitue, même après trois versions, encore et toujours une atteinte au respect de la vie privée des citoyens.
La loi actuelle sur la rétention des données existe depuis le 20 juillet 2022 et stipule que les opérateurs télécoms doivent conserver 12 mois durant les métadonnées des citoyens dans le cadre de la lutte contre la criminalité lourde. Les deux ligues reconnaissent que les métadonnées peuvent s’avérer utiles à cette fin, mais elles estiment qu’il n’y a pas d’équilibre entre la liberté et la sécurité et exigent par conséquent l’abolition de cette loi, comme cela s’est produit deux fois déjà précédemment.
La loi sur la rétention des données est une saga juridique qui traîne en longueur depuis plus de dix ans déjà. En résumé, le gouvernement souhaite que les opérateurs télécoms conservent les métadonnées, à savoir les données relatives aux courriels, aux entretiens téléphoniques et aux messages. Non pas au contenu même, mais à qui envoie à qui, d’où, quand, etc. Or il ne s’agit pas uniquement des données de personnes suspectes, mais de quasiment chaque citoyen. Même dans la version la plus récente de la loi, il vous suffit d’appeler une gare par exemple pour que vos données soient conservées.
3ème tentative en l’espace de 10 ans
Une première version de cette loi date de 2013, avant son abolition par la Cour Constitutionnelle en 2015, parce qu’elle violait les principes d’égalité, de non-discrimination, ainsi que le droit au respect de la vie privée. Cette même année déjà, le gouvernement de l’époque avait élaboré une nouvelle proposition: même concept mais avec des conditions plus strictes.
En 2021, cette deuxième version de la loi fut elle aussi abolie par la Cour Constitutionnelle et par la Cour européenne de Justice, parce qu’elle prévoyait la encore conservation massive de métadonnées et enfreignait le droit à la confidentialité. A l’époque également, la Liga voor de Mensenrechten et la Ligue des Droits de l’Homme, conjointement avec l’Ordre des barreaux francophone et germanophone, l’Académie fiscale et quelques particuliers s’étaient tournés vers la Justice.
(Presque) tout le monde suspect
L’été dernier s’ensuivit une troisième version de la loi, prévoyant cette fois une rétention différenciée. Cela signifie que des métadonnées ne sont conservées que dans certains domaines sensibles, mais cette sélection est à tout le moins large, c’est peu de le dire.
Il est question d’endroits caractérisés par des taux de criminalité élevés, englobant des institutions cruciales comme des hôpitaux, gares, écoles, communes frontalières, autoroutes, communes avec caserne militaire, à proximité d’hôtels de ville et d’universités.
Bref, il faut vraiment habiter au fin fond des champs agricoles flamands ou des Ardennes wallonnes et ne pas communiquer avec des personnes extérieures à ces zones pour ne pas être pris considération. ‘Cette interminable énumération de critères géographiques fait en sorte que des données sont encore et toujours conservées à grande échelle’, déclare la présidente de la Liga flamande, Kati Verstrepen.
La Liga voor Mensenrechten et la Ligue des Droits de l’Homme espèrent donc à nouveau que la loi sera abolie. Elles ajoutent qu’elles comprennent que des données puissent être utiles dans la lutte contre la criminalité lourde, mais la loi actuelle n’offre à nouveau aucune réponse aux objections antérieures de la Cour européenne ou de la Cour Constitutionnelle. “Nous espérons que le gouvernement réfléchira sérieusement à l’avenir à la nécessité de la loi sur la rétention des données et à la manière de trouver le juste équilibre entre la vie privée et le bon fonctionnement du système judiciaire”, conclut Verstrepen.
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