Erwin Verstraelen
La crise nous rapproche de la période numérique dorée
‘Nous accueillons à présent massivement la numérisation, parce qu’il le faut. D’ici le moment, où elle pourra être démantelée, elle sera entrée dans les moeurs et sera devenue la nouvelle normalité’, affirme Erwin Verstraelen. Selon lui, nous devons par conséquent saisir la crise actuelle pour faire du filet de sécurité numérique d’aujourd’hui un fondement pour l’avenir. Dans la présente opinion, il invite les responsables à guider la société vers l’ère numérique dorée.
Il y a des années, j’ai lu le livre ‘Technological revolutions and financial capital’ de l’économiste Carlota Perez. Elle y passe en revue les cinq grandes vagues technologiques qui se sont succédé depuis le début de la révolution industrielle, où l’actuelle et la plus récente est la vague numérique. Perez a observé que chaque vague se compose de trois phases, à savoir les phases d’installation et de maturité séparées par une phase de transition. Cette dernière s’annonce, lorsqu’une masse considérable de capital pour la nouvelle technologie trouve sa voie vers la bourse, y génère une bulle, qui se termine en fin de compte par un crash. Rappelez-vous la bulle dot.com! Résultat: grâce à cette masse d’argent à bon marché avant le crash, l’infrastructure de base pour la nouvelle technologie est installée. Et l’on peut y construire des solutions matures.
C’est durant la phase de transition qu’apparaît le terreau pour adapter le tissu socio-économique qui, jusque là, ciblait surtout le précédent paradigme technologique. Ces adaptations sont nécessaires pour faire s’épanouir tout le potentiel de la nouvelle technologie. Il n’y a qu’ainsi que la phase de maturité peut créer une valeur ajoutée pour davantage de personnes. Cette phase intermédiaire peut durer longtemps, parce que l’ancien et le nouveau paradigme continuent souvent de coexister en parallèle encore un certain temps et aident à tirer la dernière valeur restante de l’ancienne technologie. D’une perspective historique, les nations dirigeantes, les grandes crises ou guerres ont souvent été le levier du changement vers de nouveaux modèles socio-économiques, souvent par nécessité.
Je pense alors en moi-même: la crise du corona actuelle ne pourrait-elle pas être le levier d’un passage à la phase de maturité numérique? Cela mérite en effet réflexion: nous travaillons depuis plus d’un mois à la maison maintenant et ce, grâce aux outils et plates-formes numériques que nous avons développés et déployés au cours de la décennie écoulée. Notre mode de pensée est entièrement numérique dans la recherche de solutions en vue de faire redémarrer les entreprises et ce, dans le respect des conditions indispensables, telles la distanciation sociale, la détection et l’endiguement des infections, etc.
Cette crise ne pourrait-elle pas être le levier d’un passage vers la phase de maturité numérique?
Les écoles ont été catapultées dans le 21ème siècle et découvrent à présent grâce aux plates-formes d’apprentissage en ligne le potentiel du blended learning (apprentissage hybride) et de la flipped classroom (classe inversée). Conjointement, ces deux phénomènes rendent possible le rêve ultime de l’enseignant, à savoir un enseignement personnalisé à la mesure et au rythme de chaque enfant et ce, non pas par une légion supplémentaire de professeurs, mais par une symbiose de l’apprentissage en ligne et classique. Les médecins découvrent que le suivi de leurs patients par clavardage (chat) vidéo fonctionne également. Ajoutez-y un ‘wearable’ médical à ‘lab on a chip’ intégré, et le potentiel ‘digital health’ annoncé depuis longtemps déjà se rapproche encore un peu plus de la réalité. Abordons enfin la chaîne d’approvisionnement: résistance et efficience opérationnelle grâce à la transparence via les plates-formes de données se trouvent subitement plus que jamais au centre de l’intérêt. Voilà tous des exemples de choses pour lesquelles la technologie existait déjà et où le potentiel est à présent plus que jamais compris, chaque jour davantage.
Nous accueillons à présent massivement la numérisation, parce qu’il le faut. D’ici le moment, où elle pourra être démantelée, elle sera entrée dans les moeurs et sera devenue la nouvelle normalité. Qui d’ici un an passera encore volontairement des heures dans les embouteillages? Qui va encore accepter qu’un enfant malade ne puisse suivre les cours de chez lui? Qui se rendra encore dans un hôpital pour un contrôle en cas d’un petit problème de santé? Les dogmes ont eu massivement la vie dure ces derniers temps et les esprits ont sacrément mûri. De plus, on distingue les contours d’un plus vaste potentiel: une société plus durable grâce à un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, à des déplacements judicieux, à de véritables soins de santé plutôt qu’à des interventions réactives. La liste est infinie en fait. En outre, de nouvelles fonctions seront créées, telles l’enseignant en ligne, le créateur de contenu, le développeur d’algorithmes ‘smart health’ et l’expert IoT en appareils médicaux.
La décennie précédente était placée sous le signe de la numérisation. Nous nous sommes longtemps et profondément efforcés d’en cartographier le potentiel et d’en poser les fondements. Tout était prêt juste à temps pour devenir le filet de sécurité en vue de faciliter une adaptation sans précédent. A présent, il nous faut y capitaliser et penser plus avant, envisager et accueillir l’opportunité sous-jacente au défi à relever. Le filet de sécurité numérique d’aujourd’hui devient la base de la société de demain: plus inclusive et plus durable pour tous. Cette crise est trop précieuse sur le plan humain et économique pour laisser passer la chance qui se présente. Nous invitons par conséquent chaleureusement les collègues en charge de la numérisation et de l’innovation à se faire entendre. Soyez des évangélistes, aidez la société à franchir l’ultime seuil mental. L’ère numérique dorée est proche désormais!
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