Bruno Segers
Je réfléchis d’abord, je tweete ensuite
Pourquoi l’économie se met-elle toujours en veille en juillet et en août ? Vacances scolaires, congés parlementaires et même Roularta arrête son imprimerie, nous obligeant à partir en congé sans notre Data News sous le bras et à trouver autre chose pour allumer le barbecue.
Arrêtons de tweeter et commençons par ‘twinker’. Twinker étant la conjonction de ‘tweeting’ et de ‘thinking’. Bref, je réfléchis d’abord, je tweete ensuite.
Et cet été, la situation a été plus grave encore: Tour de France, championnat d’Europe de football et Jeux olympiques ont induit une baisse spectaculaire de la productivité dans notre pays. Ces derniers mois, tout le monde s’est retrouvé fraternellement et en tricolore devant le petit, le grand ou le très grand écran, provoquant une chute vertigineuse du produit intérieur brut. Avec comme conséquence logique que Caterpillar et Axa ont tiré la sonnette d’alarme début septembre. Sans parler des coûts salariaux élevés et des taux d’intérêts quasiment nuls sur les livrets d’épargne. Alors que tout le monde était collé à son écran et que les rares personnes qui travaillaient étaient constamment dérangées par les commentaires sur les médias sociaux. Comment augmenter la productivité en Belgique ? Simplement en fermant Facebook et Twitter.
La consommation mondiale d’énergie de l’Internet augmente de 7 % par an à cause de Facebook, Twitter et les autres médias sociaux. Je pense même qu’elle connaît un pic durant les mois d’été. Durant cette période, les gens ont en effet davantage de temps pour exprimer leurs opinions. Cet été, certains ont même qualifié Twitter d’égout, plaidant pour un boycott du réseau social. Les égouts ont pourtant un rôle, comme l’ont prouvé les Romains à l’époque. C’est pourquoi je plaiderais plutôt pour une utilisation judicieuse de Twitter. Arrêtons de tweeter et commençons par ‘twinker’. Twinker étant la conjonction de ‘tweeting’ et de ‘thinking’. Bref, je réfléchis d’abord, je tweete ensuite. Tourner ses pouces 7 fois avant de rédiger un tweet. Du coup, voici le nominé du mois de septembre pour le #TermeICTdelannee – après l’obésité numérique, la chinisation, les numéripolistes, le selfie et les Hinssenois.
Ainsi, le 30 août dernier, j’aurais préféré davantage de twinking et moins de tweeting suite au communiqué de presse de la Commission européenne sur les 13 milliards € d’avantages illégaux dont aurait profité Apple. Les premiers tweets, dont ceux de magazines économiques réputés, vilipendaient la Société à la Pomme, ce qui m’a profondément heurté. Depuis mon premier jour à l’école, je mange chaque jour une pomme ; et aujourd’hui, j’écris cet article sur mon MacBook Air, j’ai un iPhone SE en poche, je complète ma déclaration sur Tax-on-Web avec mon iPad et je dors depuis des années avec des bouchons dans les oreilles pour m’habituer aux AirPod sans fil. Bref, à mes yeux, Apple est innocente. Pourtant, de très nombreux tweets l’ont accusée de tous les maux.
Néanmoins, le twinking aurait dû concerner l’Irlande. Car Bruxelles n’a pas seulement pointé du doigt Apple, mais surtout l’Irlande. Même s’il fallait lire entre les lignes. Car la question n’est pas tant de savoir qui a franchi la porte, mais plutôt qui a ouvert la porte. L’herbe est toujours plus verte ailleurs et ce ne sont pas les buveurs de Guinness qui nous contrediront en matière de fiscalité. C’est d’ailleurs ce même raisonnement qui a mené nos (grands-)parents à emprunter les ‘trains de détacheurs de coupons’ à destination du Luxembourg, lequel grand-duché a utilisé des années plus tard une astuce similaire pour appliquer un taux de TVA plancher sur les autoroutes de l’information. Du coup, Amazon et Microsoft ont déplacé leurs activités en ligne vers le Luxembourg. L’harmonisation des régimes fiscaux dans la zone des 28 pays de l’UE n’est pas pour demain, ce dont profitent allègrement nos amis digipolistes. Les hors-la-loi européens que sont l’Irlande et le Luxembourg continuent à accueillir à bras ouverts les hors-la-loi globaux du style Apple et Amazon. Il est temps donc que Bruxelles prenne ses responsabilités, tandis que l’heure est au twinking plutôt qu’au tweeting pour les citoyens européens.
Encore cette réflexion : Microsoft Belgium est une SA alors qu’IBM Belgium et Facebook Belgium sont des SPRL. Google Belgium est une SA, mais Crystal Computing, le datacenter de Google à Mons, est une SPRL. Les SPRL sont à ‘responsabilité limitée’ et sont – contrairement aux SA – bien moins transparentes. Avons-nous vraiment besoin d’un communiqué de presse de Bruxelles pour changer les choses ? Ou la Belgique joue-t-elle le même jeu que l’Irlande et le Luxembourg ? N’hésitez pas à twinker. Voire à tweeter…
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