La technologie quantique en Belgique: de l’intérêt certes, mais un manque de clarté

Pieterjan Van Leemputten

Les entreprises belges sont intéressées à travailler avec la technologie quantique. Mais la complexité et le fait que la technologie ne soit pas encore mature incitent à l’attentisme. Même si les experts encouragent à l’expérimenter.

Le Quantum Circle Summit, une initiative de diverses entreprises menée entre autres par Proximus, vise à rassembler la communauté belge autour de la technologie quantique. C’est en partie pourquoi il a sondé les avis. Parmi un public composé d’universitaires, de chercheurs, de grandes entreprises, de gouvernements et d’acteurs technologiques, quelque soixante pour cent se déclarent intéressés par de telles applications. Cet intérêt est particulièrement grand dans le domaine de l’informatique quantique.

Malgré l’intérêt porté à la technologie, sa mise en œuvre concrète a des ratés. La plupart des personnes interrogées indiquent que le manque d’expertise constitue le principal obstacle, suivi par le fait que la technologie n’est pas (encore) suffisamment mature. Troisièmement et quatrièmement, les personnes interrogées indiquent que le retour sur investissement et les coûts élevés de démarrage constituent des obstacles importants. Plus tard cette année, le Quantum Circle publiera son enquête dans une version plus détaillée.

Cette attitude se reflète également dans les tables rondes organisées lors de l’événement: ‘La collaboration est cruciale, également avec le gouvernement et le secteur public’, déclare Maarit Palo, responsable des partenariats stratégiques quantiques chez IBM. ‘Personne ne peut y parvenir seul, et nous nous trouvons désormais dans une ère pré-compétitive. Tout le monde veut arriver quelque part. Palo qualifie également le gouvernement de prêteur, car la recherche sur la technologie quantique coûte de l’argent, et on est encore loin des applications pratiques. L’Allemagne, le Danemark et la Finlande, pays d’origine de Palo, y travaillent déjà.

Cryptage

Il n’y a pas de direction ou d’approche claire, mais cela ne devrait pas arrêter les entreprises ou les chercheurs, selon Stefan Walter, PHD et senior quantum researcher chez Fujitsu. ‘Commencez maintenant. Découvrez où la technologie est applicable ou dans quels processus elle s’intègre et parlez-en avec d’autres entreprises ou avec nous. Surtout pour ce qui est du cryptage post-quantique, le message est: ne perdez pas de temps, quelque chose va se produire, la question est surtout de savoir quand ce moment arrivera.’

‘Si l’on transpose cela au paysage économique belge, c’est ce dernier surtout qui représente un casse-tête et donc un domaine d’intérêt’, indique Daniëlle Jacobs de Beltug. ‘Les entreprises ont peur de leur cryptage. Elles se demandent ce qui se passerait, si toutes leurs données cryptées pouvaient soudainement être déchiffrées.’

Et d’ajouter que cette technologie n’est pas sur le radar de nombreuses entreprises. Ce constat a récemment été aussi partagé par le cabinet d’analystes Gartner, qui affirme que l’investissement dans la technologie quantique figure en bas de la liste des priorités des CIO du monde entier.

Jacobs prétend en effet que les entreprises s’interrogent sur ce que cela signifie pour la concurrence, ainsi que sur la préoccupation de savoir dans quelle mesure nous serons dépendants d’acteurs logiciels non européens, une fois que la technologie quantique arrivera sur le marché.

Vouloir mais ne pas pouvoir

Une autre préoccupation concerne les compétences nécessaires à l’ère quantique. ‘Si les gens sont déjà perturbés par l’essor de l’IA et les qualifications requises pour celle-ci, ils ne vont certainement pas y ajouter le quantique’, explique Jacobs.

‘Il s’agit d’une nouvelle technologie pour laquelle nous aurons besoin de nouvelles compétences. Certains estiment que la moitié de ces emplois ne seront pas pourvus en raison d’un manque de capacités’, selon Palo, qui s’attend à ce que d’ici cinq ans, nous débattions encore et toujours du manque de compétences requises.

Parallèlement, d’autres soulignent qu’il reste encore un très long chemin à parcourir. Kristiaan De Greve, program director à l’imec, insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un projet à court terme: «C’est une recherche à très long terme. Nous examinons ce qui peut être abordé un jour, mais nous recourons aux lois de la physique pour résoudre les difficultés. C’est un problème à long terme et donc une science à long terme aussi.’

Cela semble être compris par la plupart des personnes impliquées. L’enquête de Quantum Circle à l’occasion de l’événement révèle également que 75 pour cent des personnes interrogées prétendent que cela prendra encore dix ans avant de constater les avantages pratiques de la technologie.

Le message est donc d’expérimenter et de suivre le sujet, mais de ne pas s’attendre à des résultats rapides et certainement pas à une solution universelle. ‘L’informatique quantique n’est pas une informatique générale. Elle convient très bien pour résoudre des problèmes très spécifiques. Elle sera intégrée à d’autres formes d’informatique, tout comme l’informatique photonique deviendra un jour possible’, affirme Walter.

Mais il trouve toujours utile d’expérimenter: ‘Vous en apprendrez beaucoup sur votre problème en cours de route. Peut-être que ce dernier pourra même être résolu par l’informatique classique, simplement parce qu’on se met à voir les choses différemment. Quoi que vous fassiez, vous en tirerez des leçons.’

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire