Gerrie Smits

Recherche d’urgence: comportement technologique durable

Gerrie Smits Digital Transformation Consultant

On n’y parviendra pas uniquement grâce à l’optimisme technologique.

Mea culpa, mea maxima culpa. 

Après plus de 20 ans dans le numérique, je me rends compte que mon optimisme technologique n’était pas toujours justifié. Sans parler du durable. Médias sociaux, transformation numérique, blockchain ou – à Dieu ne plaise – métaverse –, moi-même et bien d’autres avec moi avons toujours regardé la technologie sous l’angle du business. Je le regrette aujourd’hui. 

Car en plus de ses avantages commerciaux, la technologie a également un impact plus large. Cela a des conséquences imprévues, non anodines. Le foutoir quoi? Des idées qui ne viendront que plus tard. Prendre du ‘recul’ est certes utile, mais le génie technologique est sorti de sa bouteille depuis longtemps déjà. 

C’est pourquoi je souhaite présenter le comportement technologique durable (‘sustainable tech behaviour’). Un cadre pour justifier les décisions technologiques des organisations. Parce que sinon, on risque de se retrouver dans 10 ou 20 ans avec le même sentiment de confusion: ‘Aïe!? Si seulement on avait réfléchi un instant…’

Le revers de la technologie

Ne me comprenez pas mal: la technologie est fantastique. Il y a dix ans, j’ai révisé la stratégie de communication d’une administration locale: des imprimés coûteux aux publicités Facebook ciblées. Innovant à l’époque. Et surtout rentable. 

Je ne le referais cependant pas. Je ne pense pas que j’utiliserais encore l’argent des contribuables pour soutenir une entreprise qui n’a pas les meilleurs antécédents en matière de paiement d’impôts. Je ne pense pas que les valeurs d’un gouvernement correspondent à celles d’une entreprise qui veut ‘connecter les gens’, mais qui fonctionne en même temps sur une Dopamine Machine. 

Je ne pointe pas ici un doigt moral. Je dis simplement qu’avec le recul, j’envisagerais désormais cela d’une manière plus durable. 

Les inconvénients de la technologie sont aussi omniprésents que la technologie elle-même. Deepfakes (hypertrucages), doom scrolling, Elon Musk se muant en fonctionnaire, Microsoft achetant une centrale nucléaire pour ses centres de données. Cela devient complexe! Et puis l’IA qui tire sur tout ce qui bouge.

Maintenant qu’on aborde le sujet, les LLM sont-ils cool? Besoin d’un nom amusant pour votre équipe cycliste? Il y a GPT pour ça! Découvrir de nouveaux matériaux? Des outils d’IA FTW. 

Mais avec mes lunettes STB, je scrute le revers de la médaille et je me demande: que se passera-t-il si nous externalisons notre réflexion et notre création linguistique? 

Des collègues disent: ‘ChatGPT est vraiment utile’. Mais tous ces gens ont été formés à une époque sans IA. Ils ont appris à raisonner et à traiter l’information. Que se passera-t-il en 2040, lorsque nous aurons formé la génération Alpha dans un monde d’agents IA? L’IA va-t-elle encore et toujours ‘démocratiser la connaissance’? Ou aurons-nous créé une élite de l’IA?

Encore une fois, loin de moi de juger. Je pose simplement la question. Mais cela me fait reculer et tirer sur les rênes de l’incontrôlable étalon Tech Optimism. 

Cela me trotte dans la tête depuis un moment. Au début avec un peu d’appréhension. Mais j’ai vite remarqué que je n’étais pas le seul. Apparemment, cette relation paradoxale avec la technologie est comme une démangeaison à un endroit agaçant. Beaucoup de gens en souffrent, mais personne n’en parle.

Pourquoi?!

Pourquoi sommes-nous si aveuglés par l’optimisme technologique?

J’en vois plusieurs raisons:

  • La technologie est très, très bonne. Surtout dans des choses mesurables comme l’automatisation, l’efficience, l’évolutivité! Et nous, les humains, aimons atteindre des objectifs.
  • La culture de travail des entreprises technologiques est devenue la norme. On s’attend à ce que nous adoptions les mantras des start-ups: ‘être agile’ ou ‘foncer et faire de la casse’. Mais la rapidité rend difficile une vision plus systémique.
  • ‘Tech Creep’. La technologie est souvent mise en œuvre pour de petits problèmes à court terme. Et parce qu’ils sont petits, nous ne ressentons jamais le besoin de poser de plus amples questions. Or la technologie fonctionne! Nous utilisons donc une autre technologie pour résoudre un autre petit problème, etc.
  • La technologie est considérée comme à faible risque. Une amie possède une start-up médicale. Elle a franchi toutes sortes d’obstacles réglementaires pendant 2 ans pour lancer un produit à faible risque. Voilà qui contraste complètement avec quelque chose comme la Character IA des personnages. Durée de lancement: quelques semaines. Et en 2 ans la licorne!

Le fil rouge: on parle technologie en termes d’efficience, de facilité d’utilisation, d’automatisation, de valeur business,… et non en termes d’impact plus large.

Une structure! Mon royaume pour une structure!

L’intuition est bonne, mais les gens veulent des solutions. Comment le conseil d’administration peut-il adopter une perspective différente? Comment les équipes produits peuvent-elles poser les bonnes questions?

Un comportement technologique durable nécessite un état d’esprit moins axé sur l’efficience et les objectifs à court terme. Les gens peuvent y arriver, mais avec des outils. Et c’est là que les structures et les gabarits s’avèrent utiles.

La structure STB v0.1 est simple: rechercher l’impact et les conséquences imprévues à 4 niveaux non commerciaux: social, individuel, écologique et économique.

  • Si vous le faites pour les appels vidéo, vous pouvez insérer un post-it dans un article d’Economical posant la question suivante: ‘Sommes-nous d’accord avec l’idée d’acheter auprès d’une entreprise comme Zoom qui a transféré ‘par mégarde’ des données via la Chine?
  • En tant que marque de vélos électriques, vous pouvez en arriver à la réflexion écologique suivante: ‘Si des gens achètent notre produit pour remplacer leur vélo traditionnel, quelle consommation d’énergie supplémentaire cela représente-t-il?’
  • Avec une appli de chat avatar, la partie Individual peut soulever des questions telles que: ‘Quel est notre impact sur le développement des compétences linguistiques non verbales?

En tant qu’outil de brainstorming, cette structure approximative fonctionne étonnamment bien. Les étudiants en innovation à l’école supérieure Erasmus tentent actuellement de savoir comment cela peut être étendu. Ces jeunes ont été motivés par le STB mindset et souhaitent l’intégrer dans leur réflexion en matière d’innovation. Chapeau!

Mais qu’est-ce que j’y gagne ? 

… entends-je déjà réagir le CTO, le Product Owner ou le CEO. Et à juste titre.

Encore une fois, l’intention n’est pas de compliquer les choses. Il convient de rendre visible l’impact de la technologie, justifier les décisions et identifier les avantages potentiels.

  • C’est peut-être l’occasion pour les organisations de démontrer leur impact social.
  • Le Sustainable Tech Behaviour peut-il devenir un USP pour attirer des clients (B2B), un nutri-score pour la technologie?
  • Est-ce un avantage dans la guerre des talents des générations GenZ/Alpha? Certains de ces jeunes sont certainement davantage orientés sur des valeurs et réalisent que leur rapport à la technologie est compliqué.

Et à part ça!

Outre la recherche, la structure et les avantages, je crois qu’il est grand temps d’adopter un comportement technologique durable, de quelque manière que ce soit.

Que pensez-vous par exemple de cette citation de Marc Benioff, CEO de Salesforce: ‘La version actuelle de l’IA va nous aider à gérer nos entreprises et à être plus productifs, à augmenter nos employés, à améliorer nos marges, à accroître nos revenus et à optimiser nos relations avec les clients et nos indicateurs-clés de performances commerciales.’

C’est là une réflexion commerciale à l’ancienne (et très réussie). Mais si nous voulons que la technologie contribue de manière durable, nous avons également besoin d’un STB mindset.

Il faut oser penser au-delà de ‘Yes, we can!’. Il faut aussi oser dire: ‘Holy shit, can we? Puis y réfléchir attentivement.


Un STB mindset peut aider à identifier ces problèmes. Un peu comme le red teaming – pas pour la sécurité, mais pour la société.

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