Une entreprise d’IA londonienne faisait appel à des ingénieurs plutôt qu’à l’IA pour écrire du code

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Pieterjan Van Leemputten

L’entreprise d’IA Builder.ai a déposé son bilan. Elle avait été louée par Microsoft il y a quelques années encore, mais son IA consistait en fait surtout en une équipe d’ingénieurs indiens se faisant passer pour de l’intelligence artificielle.

Builder.ai, également connue sous l’appellation Engineer.ai, valait 1,5 milliard de dollars à son apogée. Au nombre de ses produits figurait ‘Natasha’, un outil d’IA permettant de concevoir et de programmer des applis relativement simples. L’entreprise était très médiatisée, et son fondateur et CEO de l’époque, Sachin Dev Duggal, se surnommait lui-même ‘Chief Wizard Officer’.

Or l’agence de presse Bloomberg a découvert que l’essentiel du labeur était réalisé par une armée de sept cents ingénieurs indiens. Il était certes question d’IA, mais les tâches les plus importantes du processus de développement étaient effectuées par des humains.

Un chiffre d’affaires trois fois plus élevé

L’entreprise aurait également menti sur son volet financier. Lorsque l’institution de crédit Viola Credit lui réclama 37 millions de dollars au milieu du mois dernier, Bloomberg révéla que le chiffre d’affaires de l’entreprise était trois fois supérieur à ce qu’il était en réalité.

Builder.ai aurait à cette fin échangé de fausses factures avec VerSe, une startup indienne de médias sociaux, pour gonfler ses chiffres de vente.

Investissements de Softbank et Microsoft

Ce qui rend le dossier encore plus singulier, c’est que Builder.ai peut compter sur de grands noms. Softbank et Microsoft, entre autres, ont en effet investi dans l’entreprise, qui existe entre-temps depuis huit ans déjà.

Dans le cas de Microsoft, il s’agissait d’un investissement stratégique ‘significatif’, sans être précisé. Le géant technologique avait à l’époque indiqué qu’il intégrerait également la technologie de Builder.ai à Teams et Azure. Selon un article paru dans Medium, analysant en détail l’effondrement de l’entreprise, celle-ci aurait levé 455 millions de dollars en tout.

En outre, Builder.ai aurait trente millions de dollars de factures impayées auprès de Microsoft et jusqu’à 85 millions de dollars de dettes envers AWS, en plus des 50 millions de dollars empruntés à Viola Credit.

Des doutes en 2019 déjà

L’histoire devient encore plus rocambolesque, lorsqu’on sait que l’entreprise valait plus d’un milliard de dollars en 2023, mais que le Wall Street Journal avait fait état de pratiques frauduleuses dès 2019.

A l’époque, le journal d’affaires avait pu examiner divers documents et s’entretenir avec des employés pour en arriver à la conclusion suivante: ‘Cela suggère qu’Engineer.ai (comme l’entreprise s’appelait aussi, ndlr) n’utilise pas l’IA pour générer du code pour des applis, contrairement à ce qu’elle prétend. Elle s’appuie en fait sur des ingénieurs humains originaires d’Inde et d’ailleurs pour effectuer la majeure partie du travail, et ses revendications en matière d’IA sont donc abusives.’

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