« Les règles européennes en matière d’IA pourraient nuire à la concurrence »

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Pieterjan Van Leemputten

Un courrier signé par plusieurs grands dirigeants d’entreprise met en garde contre une réglementation trop stricte de l’IA, qui pourrait nuire à l’Europe. Reste à savoir s’il s’agit d’une préoccupation légitime ou d’une tentative d’échapper à une réglementation vue comme trop contraignante.

La « lettre ouverte », rapportée uniquement par Reuters et actuellement introuvable en ligne, aurait été signée par 160 dirigeants d’entreprises comme Renault, Meta, la société espagnole de télécommunications Cellnex, le constructeur de logiciels français Miraki et la banque d’investissement allemande Berenberg. La liste complète des signataires n’est pas disponible.

Dans cette lettre, les auteurs s’opposent au paquet de règles prévues pour l’intelligence artificielle. Ces règles imposeront notamment aux entreprises de l’indiquer clairement quand elles utilisent des images artificielles.

Les auteurs adressent également une mise en garde pour la compétitivité de l’Europe. Ils craignent qu’une réglementation trop stricte représente des coûts trop élevés pour respecter les règles, mais aussi que la responsabilité des entreprises face à ce que leur IA produit soit excessive. Cela pourrait mener à un transfert hors d’Europe d’une grande partie des activités liées à l’IA, et donc une baisse des investissements.

Ce courrier mérite cependant quelques nuances et un regard plus objectif. Ainsi, il est intéressant de noter que seule l’agence Reuters a pu en prendre connaissance de la lettre. Reuters a ensuite contacté certains signataires européens, mais n’a encore obtenu aucun commentaire de leur part.

Quid du fond ?

Par ailleurs, il convient de garder la tête froide. Sam Altman, CEO d’OpenAI (ChatGPT), a récemment déclaré que son service allait quitter l’Europe à la suite de l’interdiction temporaire de ChatGPT en Italie, justifiée par le manque de transparence de l’entreprise en ce qui concerne ses algorithmes. Il est ensuite revenu sur ses déclarations.

Cela rappelle Meta, qui menace une à deux fois par an de cesser de proposer Facebook, Whatsapp, Instagram ou d’autres services en Europe (ou dans la région où elle conteste la réglementation). Il s’agit souvent de tentatives visant à effrayer le grand public dans l’espoir d’obtenir une législation plus laxiste. Mais Meta n’a jamais mis ces menaces à exécution.

Limiter leur responsabilité est un grand dada des entreprises technologiques, en particulier américaines. Ces quinze dernières années, de nombreux abus ont été constatés sur les plateformes des Meta, Google et autres Microsoft, allant de menaces de mort à la publication de fake news en passant par du spam et des tentatives escroqueries.

Ces entreprises ont tout intérêt à éviter les amendes si elles échouent pour la énième fois à identifier et à éliminer rapidement ces publications. Et c’est manifestement un domaine où l’intelligence artificielle utilisée par ces entreprises est actuellement prise en défaut. S’attaquer à ce problème en profondeur nécessite donc plus de moyens humains (lisez : plus de personnel), ce qui pourrait peser sur les plantureux bénéfices qu’elles réalisent.

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