Index ICT: à nuancer !
Presque toute la presse belge a récemment consacré une attention particulière à l’index de développement TIC de l’UIT, dans lequel la Belgique a dégringolé de la 15e à la 24e place, et fait des commentaires inquiétants à ce sujet. Ainsi, Luc Blyaert a vivement critiqué – “La Belgique s’enfonce dans l’index ICT mondial” – dans Data News l’absence d’une politique centrée sur davantage d’opérateurs télécoms et une baisse des tarifs. Une analyse plus approfondie de l’index de l’UIT révèle cependant qu’il faut nuancer les résultats.
Presque toute la presse belge a récemment consacré une attention particulière à l’index de développement TIC de l’UIT, dans lequel la Belgique a dégringolé de la 15e à la 24e place, et fait des commentaires inquiétants à ce sujet. Ainsi, Luc Blyaert a vivement critiqué – “La Belgique s’enfonce dans l’index ICT mondial” – dans Data News l’absence d’une politique centrée sur davantage d’opérateurs télécoms et une baisse des tarifs. Une analyse plus approfondie de l’index de l’UIT révèle cependant qu’il faut nuancer les résultats.
Une première constatation est que la Belgique a effectivement vu son index augmenter durant la période considérée (2002-2007). En 2002, l’index UIT pour la Belgique s’élevait encore à 4,91 contre 6,14 cinq ans plus tard. C’est certes un progrès, mais il est plus lent que la croissance enregistrée dans un certain nombre d’autres pays d’Europe occidentale tels que l’Italie, la France et l’Irlande entre autres, qui ont commencé à creuser l’écart avec la Belgique en 2007.
Les commentaires mettent en avant deux causes principales pour expliquer le recul relatif de la Belgique: le nombre total d’utilisateurs de la communication mobile et le pourcentage d’entre eux qui utilisent l’Internet mobile (via HSDPA, UMTS, et les réseaux EDGE).
L’augmentation du nombre de Belges qui ont un abonnement GSM et/ou une carte prépayée a en effet été moins importante durant ces 5 années en comparaison avec différents pays. Notre marché de la communication mobile était déjà assez saturé en 2002 et a pour cette raison laissé moins de place pour des opportunités de croissance dans les années qui ont suivi, tandis que dans des pays comme l’Irlande et la France, le nombre de personnes qui, à cette période, n’utilisaient toujours pas de GSM était encore relativement élevé. De l’autre côté, nous constatons que dans des pays comme les Pays-Bas et l’Italie, le nombre de contrats dépasse facilement les 100%, tandis qu’en Belgique ce chiffre stagne aux alentours de 100%. Le fait de posséder plusieurs cartes prépayées ou plusieurs abonnements par personne n’est donc ici pas (encore) vraiment répandu, ce qui pousse l’index vers le bas. Cela pourrait aussi être simplement dû à la fidélité à une marque qui est un phénomène typiquement belge, et n’est pas une source d’inquiétude en soi.
La stagnation dans l’utilisation de l’internet mobile est plus préoccupante. Alors que le nombre d’utilisateurs de GSM qui utilisent aussi l’Internet a sans cesse augmenté ces 5 dernières années dans les autres pays d’Europe occidentale, en Belgique cette augmentation a continué à stagner autour des 2,7% selon l’UIT. L’explication la plus plausible est le coût plus élevé des services d’Internet mobile en Belgique. C’est pourquoi les commentaires dans la presse se sont surtout focalisés sur une libéralisation défaillante du marché mobile en Belgique. Au vu des récentes offres faites par Mobistar, Proximus et Base/Mobile Vikings en la matière, on peut supposer que l’écart par rapport aux tarifs étrangers a été réduit. De plus, on peut sérieusement se demander si l’augmentation du nombre d’opérateurs de téléphonie mobile sera la solution à cette problématique, comme l’avance Luc Blyaert. Mais c’est plutôt le manque d’une véritable concurrence au niveau des infrastructures de l’internet mobile (en raison du long attentisme des concurrents de Proximus en matière d’investissements 3G) qui est néfaste pour le développement de celui-ci. Paradoxalement, il se pourrait qu’une politique de libéralisation axée sur la survie de petits acteurs tels que Base dans notre pays, à défaut d’une politique qui stimule une forte concurrence au niveau des infrastructures, ait contribué au maintien de tarifs élevés pour l’internet mobile.
Enfin, la plupart des commentaires négligent un troisième facteur qui, il est vrai, pèse moins dans la pondération de l’index composite, mais l’influence néanmoins. Il s’agit du ratio de gross enrolment, qui, en Belgique, a globalement fortement diminué dans la période 2002-2007. Cet index mesure en l’occurrence la démocratisation de l’enseignement dans un pays donné et sert d’indicateur pour évaluer le pourcentage de la population qui acquiert les compétences nécessaires pour appréhender les TIC. La Commission européenne a annoncé récemment qu’elle allait considérablement renforcer ses efforts en faveur des TIC et de l’innovation, afin de contrer un affaiblissement de sa position concurrentielle au niveau mondial. Si la Belgique veut sérieusement défendre sa position par rapport à de tels index, elle doit s’intéresser de près à de tels facteurs structurels.
– Lode De Waele, Chercheur à l’IBBT-SMIT, VUB et collaborateur à l’index UIT-TIC. – Pieter Ballon, Chef de recherche IBBT-SMIT, VUB.
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