Kristof Van der Stadt
Il y a “intelligent” et “intelligent”
Les robots arrivent, inutile de s’y opposer. Une réalité sur laquelle s’accordent non seulement les technologues, mais aussi les têtes pensantes de notre planète. Reste qu’il ne faudrait en déduire forcément que nous devrons tous faire allégeance à notre maître-robot.
Il y a “intelligent” et “intelligent
Ni que les robots sont subitement devenus plus intelligents que les humains. Et encore moins que ces robots vont décider de réduire la race humaine au rang d’acteurs hollywoodiens.
Ray Kurzweil, l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’intelligence artificielle et le transhumanisme, et fervent défenseur de la singularité technologique, évoque l’année 2029 comme le moment-charnière où les ordinateurs réussiront massivement le test de Turing. Ce n’est qu’alors, toujours selon Kurzweil, que l’homme pourra engager des conversations vraiment intéressantes et pertinentes avec des chatbots dotés d’une ‘sensibilité’ humaine. Rappelons que Kurzweil travaille depuis un certain temps déjà chez Google où il s’intéresse – ce n’est pas par hasard – aux chatbots. Et espère d’ailleurs que d’ici là, il pourra transférer l’ensemble de son savoir sur l’Internet et dialoguer avec des formes supra-intelligentes d’IA.
Entre-temps, tout le monde s’accorde à dire que 2017 sera ‘l’année de l’IA’ et ma boîte mail semble définitivement le confirmer. L’IA est la nouvelle plate-forme. La nouvelle vague majeure de l’IT. Le nouveau champ de bataille des géants de l’IT. L’IA est qualifiée de nouvelle révolution majeure. Autant d’affirmations qui me posent un problème. En effet, l’intelligence artificielle n’est pas une révolution, mais une évolution. Une tendance qui se dégage depuis un certain temps déjà – pour preuve, en 2005 déjà, Bill Gates considérait Ray Kurzweil comme “le meilleur prévisionniste dans le domaine de l’intelligence artificielle” -, mais une tendance qui s’accélère certes sensiblement. Le fait que la puissance de calcul et la capacité de stockage disponibles augmentent constamment alors que les coûts baissent sans cesse n’est certainement pas étranger à cette situation qui fait office de locomotive attendue par l’IA. En ce sens, 2017 sera sans doute l’année de l’IA. Et les grands fournisseurs ne devraient pas être avares d’annonces dans ce domaine.
Dans le ‘hype cycle for emerging technologies’, l’apprentissage machine se situe désormais au sommet de la courbe, au niveau des technologies qui ont atteint un pic d’attentes démesurées et dont Gartner prévoit qu’elles se banalisent d’ici 2 à 5 ans. Pour leur part, les interfaces utilisateur conversationnelles et les robots intelligents n’ont pas encore atteint ce pic et ne devraient véritablement percer que d’ici 5 à 10 ans, toujours selon Gartner.
Quant aux technologies de réponse aux questions en langage naturel, elles ont dépassé ce pic et sont joliment qualifiées par les analystes comme étant dans le ‘creux de la désillusion’, la phase de questionnement, de désillusion et de déception, où les carences de la technologie apparaissent au grand jour. “Comment, ce n’est toujours pas possible?” “Dommage, il ne comprend pas ma question.” Ou “Oups, le chatbot s’est planté. Voulez-vous redémarrer?”
Entre-temps, l’étiquette ‘IA’, ou plutôt le terme ‘intelligent’ fleurit partout. Une analyse de données? Parlons désormais d’IA. Un frigo, une brosse à dents, un thermostat ou n’importe quel autre appareil doté d’une connexion Internet? Qualifions-les d’intelligents. Reste que ce n’est pas parce qu’un système est qualifié de smart qu’il est vraiment intelligent, et encore moins auto-apprenant. Car ces appareils ne sont pas en majorité plus intelligents que les ingénieurs qui les ont programmés.
Du coup, soyons clairs: certes, l’IA occupe une place sans cesse plus importante. Mais non, il ne s’agira pas du big bang attendu par d’aucuns. Mais plutôt d’une évolution. A cet égard, l’IA ressemble à n’importe quelle autre technologie: elle aura ses hauts et ses bas. En attendant, nous avons intérêt à continuer à utiliser notre cerveau. Ne serait-ce que pour distinguer l’effet de mode d’une amélioration réelle.
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