Elke Wambacq
‘Gagner le combat contre la terreur? Pas avec un système tout rouillé, mais avec un comité disruptif’
La lutte contre la terreur ne pourra pas être remportée par nos services de sécurité classiques, selon Elke Wambacq de Liberales. Et de plaider pour la création d’un ‘comité disruptif’ formé de personnes qui se distinguent dans la résolution de problèmes inattendus.
Les services de sécurité ne peuvent plus suivre. Des chevaux de Troie se manifestent chaque jour qui passe, à savoir des personnes qui, à première vue, font partie de notre société, mais qui subitement deviennent des bêtes enragées qui veulent tuer le plus grand nombre de gens innocents en rue ou ailleurs.
Dans le secteur ICT, le phénomène de la terreur est bien connu également, comme on l’expérimente depuis assez longtemps déjà de manière virtuelle sous la forme de virus, de vers, d’hameçonnage (phishing) ou de pirates qui se montrent plus intelligents que la police.
Il en résulte que nous devons changer rapidement notre fusil d’épaule et rabibocher notre équipement de sécurité. La solution n’est pas de multiplier les militaires et les policiers, mais d’être plus malins que les terroristes qui parviennent avec des techniques toutes simples à faire trembler des pays. Cette prise de conscience a été douloureusement palpable lors du congrès Veilig 2020. Ce congrès organisé en Flandre a réuni quatre personnalités sur un même podium: la responsable de la police Catherine De Bolle, le ministre de la sécurité et de l’intérieur Jan Jambon (N-VA) et les experts technologiques Steven Van Belleghem et Peter Hinssen.
Steven et Peter se distinguent dans la découverte de nouvelles tendances technologiques et sont à ce titre libres d’examiner l’impact de celles-ci au niveau de la police et de la justice. Leur conclusion a réellement stupéfait la salle pleine de collaborateurs des services de sécurité. D’un côté, notre vie va, selon eux, s’améliorer grâce à l’intelligence artificielle et les robots capables de réaliser pour nous des tâches ardues. Mais – revers de la médaille -, ils voient combien les applications passent complètement au crible leurs utilisateurs et sont à même d’orienter leur comportement dans une direction spécifique. Le criminel de demain connaîtra internet comme sa poche et sera ainsi capable de mettre la main sur vos biens, votre travail et votre identité. Les terroristes exploitent à présent déjà les médias sociaux pour trouver de nouvelles recrues, ainsi que des techniques pour perpétrer des attaques.
Jambon avait préparé un discours, mais après la prise de parole de Steven et Peter, il dut bien admettre que ce qu’il allait dire, n’avait plus de sens. Nous n’allons pas trouver la solution avec les formules classiques, selon lui.
Le ‘nouveau terrorisme’ fonctionne en fait un peu comme Uber. Uber est une appli de taxi avec laquelle vous pouvez, via un réseau social, réserver un particulier pour vous conduire quelque part. Les taxis classiques montèrent sur leurs… grands chevaux, lorsqu’Uber se mit à prospérer. C’est qu’Uber proposait subitement une alternative à quelque chose d’existant, tout en se fichant éperdument des règles en vigueur. Cela s’appelle de la disruption. Or, la terreur, c’est aussi de la disruption, mais en pire encore.
Pour faire face à la disruption, il faut sacrément être de taille et ne pas disposer d’un système tout rouillé. Lors du congrès, une seule conclusion s’imposa: la police, la défense et la justice doivent mettre en place un comité disruptif. Et dans l’urgence. Jan Jambon promit solennellement de s’en occuper. J’espère qu’il tiendra parole.
Un comité disruptif est une équipe de personnes soudée et au fait de ce que la technologie peut représenter dans la lutte contre la criminalité, et qui soit capable d’identifier ultra-rapidement un modus operandi et d’y réagir vraiment. L’identification d’auteurs présumés par exemple ne se base plus sur des caractéristiques évidentes, mais bien sur le comportement et sur la compréhension de ce qui pousse les personnes en question à agir.
Ce type de délit ne peut être solutionné avec du personnel sortant de l’école de police. Il faut des gens qui se distinguent dans la résolution de problèmes inattendus. La connaissance technique est nécessaire certes, mais une attitude consistant à identifier rapidement un problème et à collecter les compétences requises pour le résoudre l’est encore davantage. Rien n’est ordinaire dans le cas de la disruption. Les faits surviennent à l’improviste, de manière inattendue et complètement en dehors du cadre de nos normes et valeurs existantes.
Et puis, il y a encore la puissance du réseau. Les réseaux l’emportent toujours, mais encore faut-il savoir de quel réseau il s’agit. Heureusement, il y a énormément de bonne volonté dans la grande majorité de la population. Pensons ici au Brussels Lockdown, par lequel la police avait demandé de mettre le moins de données possible sur les médias sociaux, afin que les suspects puissent être plus facilement arrêtés. La population réagit par un tsunami de photos de chat. Ce genre de nouvelle forme de contrôle social positif en vue d’empêcher un état policier inquiétant, donne de l’espoir. Créons donc un comité disruptif, afin de remporter le combat contre la terreur.
Elke Wambacq est directrice de Dinobusters, une entreprise qui fait disparaître les dinosaures au sein des organisations. Elle est en outre active au sein du gouvernement flamand. Conjointement avec Nancy De Vogelaere, elle a aussi écrit entre autres le livre ‘Tot uw Dienst’ abordant le fonctionnement des pouvoirs publics. C’est en tant que membre de Liberales qu’elle a rédigé cette opinion.
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