Plan belge pour l’UE: ‘Quiconque ne fera plus contrôler ses messages, ne pourra plus télécharger d’images’

Ministre de l'intérieur Annelies Verlinden © Thierry Monasse/Getty Images
Pieterjan Van Leemputten

Le plan européen de détection de la maltraitance d’enfants en ligne a une nouvelle version. En tant qu’assurant le présidence européenne, notre pays propose en effet de continuer à surveiller les applications de chat, avec le consentement de l’utilisateur. Mais si vous n’êtes pas d’accord, vous ne pourrez plus envoyer d’images.

La proposition remonte à l’année dernière déjà et équivaut à une surveillance de masse. Ses partisans préconisent l’abolition ou le contournement du cryptage. Cela avait été rejeté à l’époque, mais revient de plus belle depuis la fin de l’année dernière dans une nouvelle version.

Dans cette dernière, cela ne se ferait pas explicitement, mais chaque application de chat aurait une porte dérobée qui permettrait à des autorités de scanner automatiquement tous les messages. Voilà qui rendrait de facto le cryptage inutile. Au début de ce mois encore, des centaines de scientifiques ont cosigné une lettre ouverte dans le but de souligner les dangers et l’infaisabilité d’un tel plan.

Le site allemand Netzpolitik a pu consulter les notes d’une récente réunion européenne sur la proposition. La Belgique, en tant qu’assurant la présidence européenne, y présente un nouveau compromis, qui reviendrait encore et toujours à contrôler les citoyens.

Autoriser ou restreindre la communication

Le procès-verbal publié par le site révèle que les utilisateurs auraient le choix d’accepter le contrôle du chat, lorsqu’ils recourraient à une appli telle que Whatsapp, Signal ou d’autres canaux. Cela devrait figurer dans les conditions générales. L’utilisateur pourrait refuser, mais ne serait alors plus autorisé à transférer des photos ou des vidéos. Les fichiers texte et audio seraient exclus.

Quiconque marquerait son accord, serait encore et toujours pointé du doigt en cas d’envoi d’images connues d’abus sexuels d’enfants (pédopornographie). Cette vérification se ferait par ‘hashing’: si une photo envoyée correspondait à une image connue d’une base de données, elle serait signalée à la police. Pour les images inconnues, cela ne se produirait qu’à partir d’une deuxième constatation automatique.

Même plan sous une nouvelle forme

Pour être clair, il s’agit d’une note conceptuelle, pas encore d’une proposition formelle. Mais il semble que la Belgique ne veuille pas s’écarter de manière significative de la proposition initiale.

Cependant, les scientifiques avertissent depuis des semaines déjà que cela ouvre la porte à l’espionnage, à de graves erreurs et par conséquent à des citoyens injustement visés. Il suffit de penser aux parents qui envoient des photos de leurs enfants en maillot de bain dans un groupe familial. Si cela se produit plus d’une fois, ils risquent de faire l’objet d’une enquête.

Pas encore d’unanimité

Pour l’instant, il n’y a pas d’unanimité entre les différents pays. Des pays comme la Roumanie, la Bulgarie ou le Danemark y sont nettement favorables, selon les documents obtenus par Netzpolitik. Les Pays-Bas s’opposent de leur côté au scannage/à l’évaluation d’images inconnues, ainsi qu’au scannage de texte à la recherche d’actes de ‘grooming’ (sollicitation d’enfants à des fins sexuelles), car le taux d’erreur est trop élevé. Pour sa part, l’Allemagne demande une révision en profondeur, alors que le Portugal ne semble pas convaincu non plus. L’Espagne, elle, se pose des questions pratiques: qu’en est-il des documents Word ou PowerPoint contenant des images par exemple: seront-ils également vérifiés?

La proposition est sur la table depuis très longtemps déjà, et il semble que de nombreux états membres veuillent contrôler leurs citoyens à tout prix en obligeant les entreprises technologiques à scanner leurs communications à partir de l’appareil. Ces entreprises n’apprécient en général pas. Will Cathcart, directeur de Whatsapp, a une fois de plus déclaré que cela équivalait à de la surveillance, à la fin du cryptage et à un internet insécurisé.

Le professeur de cryptographie Bart Preneel (KU Leuven) se montre également très critique à l’égard de la nouvelle version. Il ne cesse de répéter que tous les problèmes mentionnés par les scientifiques dans leur lettre de protestation plus tôt ce mois-ci, subsistent. ‘Cette proposition reste totalement inacceptable’, prétend-il sur X.

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