Kristof Van der Stadt
Et si la réalité virtuelle devenait réalité?
C’était un peu irréaliste : des hommes en costume qui fixent fébrilement des oeillères devant les yeux et se retrouvent en un instant avec la tête qui bouge de manière incontrôlée d’avant en arrière, de gauche à droite et de bas en haut. Réalité virtuelle : le phénomène était omniprésent dans le cadre du récent Mobile World Congress de Barcelone.
Et si la réalité virtuelle devenait réalité?
Pratiquement tous les stands qui se respectent présentaient au moins une application autour de cette technologie. C’est ainsi que l’on a vu des visiteurs se glisser par exemple dans un sous-marin. Ou entrer dans un cockpit. Ou chausser des skis. Ou encore prendre place dans des montagnes russes. Voire qui – excusez mon vocabulaire – se faisaient une femme. Eh oui, telle est également la réalité virtuelle et peut-être s’agit-il là d’une application susceptible de faire décoller la technologie. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que l’industrie du porno aurait fait pencher la balance. Ainsi, le fait que dans les années 70, les films X aient été proposés sur une bande VHS plutôt que Betamax – en raison du refus de principe de Sony – a été l’une des raisons majeures du succès massif de la cassette vidéo VHS auprès du grand public. Et une décennie plus tard, l’histoire repassait les mêmes plats : le DVD HD perdait la guerre face au Blu-Ray après que l’industrie du porno a misé massivement sur ce dernier format.
Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que l’industrie du porno aurait fait pencher la balance. – L’histoire se répétera-t-elle demain avec la réalité virtuelle ?
L’histoire se répétera-t-elle demain avec la réalité virtuelle ? Le fait que l’on ait vu à Barcelone plusieurs caméras à 360° – des caméras qui permettent d’enregistrer en vidéo sa propre réalité virtuelle – ouvre incontestablement de nouvelles perspectives pour ceux qui recherchent de nouveaux plaisirs érotiques. L’argument de vente qu’attendait peut-être le marché ? Car si la technologie a beau être impressionnante et quand bien même on se retrouve totalement bluffé par certaines démos, le prix d’achat d’un tel casque se révèle relativement élevé. Bien sûr, les fabricants nous diront que la technologie va se démocratiser, mais il s’agit là surtout de s’auto-convaincre. Et certains fabricants vont parfois très loin pour convaincre de l’intérêt de cette technologie. A tel point d’ailleurs qu’ils perdent tout sens de la réalité. Certes, on peut comprendre qu’un précurseur comme Samsung ait invité le public du Mobile Congress de monter à bord de montages russes virtuelles : la démo permettait de présenter tout le potentiel de la réalité virtuelle. Mais pourquoi cette même Samsung va-t-elle équiper de casques de RV Gear les vraies montagnes russes de 6 parcs d’attractions Six Flags américains ? Tout d’abord, on trouve déjà pas mal d’attractions “en immersion”, tandis qu’il est absurde de vouloir introduire la réalité virtuelle dans un environnement qui se présente en soi déjà comme un monde virtuel. Pourquoi chercherait-on en tant qu’individu à se retirer dans un cocon alors que l’on recherche précisément à se retrouver entre amis ou en famille pour partager ses sensations dans un parc de loisirs ou un parc à thème ?
D’après ce que j’ai pu comprendre, ces casques seraient optionnels et chaque visiteur sera libre de choisir la réalité qui lui convient, qu’il s’agisse de montagnes russes réelles ou virtuelles. Peut-être faut-il y voir un agenda caché de Samsung et s’agit-il là d’une volonté de vérifier le choix des visiteurs : le virtuel s’impose-t-il ou est-il rapidement oublié une fois passé l’effet de surprise de la réalité virtuelle ?
Voilà qui me rappelle l’affiche que j’ai vue le mois dernier dans un petit local de PC à Cape Town lors de ma visite à un projet de Close The Gap : “The future’s bright, better wear sunglasses.” Mieux vaut porter des lunettes de soleil et regarder l’avenir bien en face plutôt qu’avec des oeillères.
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