“Partez d’abord à la conquête de l’Amérique, avant d’envisager l’Europe”
Il y a énormément de talent et de vision en Belgique et en Europe, mais si vous voulez vraiment connaître le succès, il faut tenter votre chance sur le marché américain. Voilà ce que déclare le consultant et ‘constructeur de ponts’ Tanguy Peers, qui fut dans une vie précédente directeur d’eBay en Belgique.
Il y a énormément de talent et de vision en Belgique et en Europe, mais si vous voulez vraiment connaître le succès, il faut tenter votre chance sur le marché américain. Voilà ce que déclare le consultant et ‘constructeur de ponts’ Tanguy Peers, qui fut dans une vie précédente directeur d’eBay en Belgique.
Peers a fait la pluie et le beau temps chez eBay Belgique jusqu’en 2007. Cette année là, il a déménagé à San Francisco, pour y développer la global advertising unit pour le géant internet. Depuis janvier 2012, il est consultant indépendant et il aide les entreprises belges et européennes qui veulent s’installer aux Etats-Unis.
Ses premiers clients sont Radionomy et Bloomdesk, deux startups belges qui sont en train d’écrire de belles pages d’histoire au pays de l’Oncle Sam. Radionomy propose une plate-forme web permettant de lancer une station-radio, alors que Bloomdesk est un outil de gestion de projets online pour l’industrie de la construction. Demain, nous approfondirons quelque peu le parcours américain de Radionomy, mais aujourd’hui, nous avons quand même pu poser quelques questions à Tanguy Peers en marge de la mission économique de Brussels Invest & Export et Software in Brussels.
Les entreprises belges doivent-elles venir aux Etats-Unis? Ne peut-on pas aussi écrire de belles histoires dans notre pays?
Tanguy Peers: “L’on peut créer de bonnes technologies partout, et il y a énormément de talent en Belgique. L’on peut donc à coup sûr y faire ses premiers pas, mais ce qu’on n’y trouve pas, c’est l’échelle pour pouvoir générer du chiffre d’affaires, ce qui fait qu’on est limité dans ses possibilités financières. Et l’Europe est encore et toujours très morcelée au niveau linguistique, ce qui est également un problème.”
“Il est préférable de s’attaquer immédiatement au marché américain au lieu de vouloir d’abord conquérir l’Allemagne, la France ou les Pays-Bas. Pour ce faire, il ne faut même pas déménager directement le siège central ou les développeurs de l’entreprise. Aux Etats-Unis, c’est un marché gigantesque qui s’offre aussitôt à vous et ici, les consommateurs sont très ouverts aux nouvelles technologies. L’on aime aussi faire des affaires avec des étrangers, cela ne pose absolument aucun problème.”
“Si vous avez un bon produit, vous disposerez ici souvent des moyens financiers qui vous permettront aussi de desservir l’Europe. C’est une question de tactique. Au départ de la Belgique, il semble peut-être plus logique de se tourner d’abord vers les pays voisins, mais pour les entreprises technologiques, ce n’est pas nécessaire. Voyez Radionomy. Cette petite entreprise a déjà atteint 20 pour cent de son trafic aux Etats-Unis, alors qu’elle n’y est présente que depuis peu.”
Vous investissez aussi dans les starters que vous accompagnez?
Peers: “C’est vrai. Il s’agit ici davantage de participations que de cash, C’est quelque chose de typiquement américain. L’on prend peut-être un risque, mais l’incitant pour rendre une entreprise fructueuse est d’autant plus grand.”
Quels sont les grands défis à relever par les starters belges qui veulent être actifs aux Etats-Unis?
Peers: “Et bien depuis ce terrible 9 septembre, il est devenu très difficile d’obtenir un visa et de s’enregistrer. Beaucoup l’oublient. Une deuxième chose, c’est la famille. Happy wife, happy life. Si la situation familiale laisse à désirer, il sera malaisé de pouvoir se concentrer sur le succès. C’est essentiel. La culture américaine, l’enseignement, tout est si différent que cela en devient un fardeau, si l’on n’a personne en soutien.”
“La distance est également un facteur. Si l’on a des parents d’un certain âge, la distance peut être un problème. Il faut compter au moins quinze heures pour parcourir la distance de San Francisco vers la Belgique. Avec Skype et consorts, il est toutefois possible d’adoucir quelque peu cette difficulté de distance, mais quand même.”
“En outre, s’il est facile de faire des affaires aux Etats-Unis, vous devez cependant être extraverti et ne pas avoir peur. Ce qui est très important, c’est payer à temps les fournisseurs. En Belgique, nous avons parfois tendance à lambiner, mais ici la ponctualité est essentielle. 30 jours, c’est 30 jours, sous peine de vous faire immédiatement une mauvaise réputation.”
N’est-il pas difficile de trouver du bon personnel? Il y a quand même au moins 1.000 entreprises qui sont encore plus attractives que la vôtre?
Peers: “Il y a un peu de cela. Il y a ici une intense war for talent, mais si vous surfez bien, vous trouverez rapidement des collaborateurs intéressants. Vous pouvez évidemment aussi attirer d’autres Belges, ce que font du reste de nombreuses entreprises. La qualité du talent belge est tellement grande qu’il est parfois plus sensé de payer un visa et une maison de location à un Belge qu’à un Américain coûteux.”
“Par ailleurs, vous aurez de toute façon besoin d’une main d’oeuvre locale. Les relations publiques doivent en outre être organisées par des entreprises américaines, alors que le ‘community management’ et la communication avec les utilisateurs doivent se faire localement. Ces gens adoptent en effet un ton typiquement américain auquel nous ne pouvons pas prétendre, il faut en être bien conscient.”
Est-ce facile de trouver de l’argent?
Peers: “Il est quasiment impossible de trouver de l’argent ici pour une entreprise belge, dont le siège est situé à Bruxelles. Avec Radionomy, nous avons déjà pris contact avec des capital-risqueurs. Ceux-ci sont intéressés par le produit, mais il faut quand même avoir son siège central aux Etats-Unis. Les droits IP doivent être enregistrés ici, et les décideurs doivent habiter sur le sol américain.”
“Le fermier veut pouvoir surveiller ses vaches, n’est-ce pas? C’est aussi le cas des capital-risqueurs. Et comme l’offre est tellement vaste, cela ne les intéresse pas d’investir dans une entreprise 100 pour cent belge.”
“Enfin, l’activité des capital-risqueurs est une activité très personnelle. Il faut développer des relations personnelles avec eux. Tout repose sur la confiance. Et l’on ne crée pas une relation de confiance, si l’on habite à l’étranger. C’est un peu une impasse évidemment. Faut-il d’abord trouver de l’argent en Belgique, avant de rejoindre les Etats-Unis? Dans la plupart des cas, tel semble être le cas, oui.”
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