“Les entrepreneurs doivent aussi pouvoir séduire”
Si vous voulez attirer l’attention d’un entrepreneur, il suffit de prononcer les mots ‘investisseur’, ‘appréciation’ ou ‘hockeystick’. Il est peut-être intéressant ici de partager à ce propos quelques connaissances pratiques.
Si vous voulez attirer l’attention d’un entrepreneur, il suffit de prononcer les mots ‘investisseur’, ‘appréciation’ ou ‘hockeystick’. Il est peut-être intéressant ici de partager à ce propos quelques connaissances pratiques.
Ne consacrez pas trop de temps aux lectures relatives aux investisseurs et aux investissements sur VentureBeat Le monde des startups tire une grande partie de ses informations de sites tels The Next Web, Venture Beat et TechCrunch. Du point de vue de l’investisseur, les starters se tournent vers des blogs comme AVC of Both sides of the Table.
Ne prenez pas tout ce que vous y lisez pour argent comptant, loin de là même. Ce que vous lisez sur VentureBeat, est d’application aux Etats-Unis, pas en Belgique. Si vous créez une entreprise en Belgique, d’autres règles s’appliquent. Les investisseurs sont différents. Le marché est différent. Tout est différent.
Pour illustrer combien les différences peuvent être extrêmes: Memolane, entre-temps disparue, avait en quelques semaines après sa création en 2010, récolté 2 millions de dollars de capital de départ. Par contre, l’entreprise de l’un de mes bons amis en Belgique a dû se satisfaire d’un seul investisseur qui y a injecté 5.000 euros.
Un autre exemple est fourni par Brad Burnham, managing partner d’Union Square Ventures. Son entreprise a investi dans des réseaux sociaux, dont vous avez à coup sûr déjà entendu parler: Facebook, Twitter et quelques autres encore. Ce capital-risqueur investit avant même qu’une entreprise dispose d’un modèle commercial qui a fait ses preuves. La chance que cela se produise en Belgique, est très, très faible – nos investisseurs préfèrent attendre de voir si le starter va vraiment bien démarrer, avant d’y injecter de l’argent.
Continuez de surveiller ce qui se passe dans la Silicon Valley, mais consultez aussi de temps à autre Data News (et non, je ne suis pas payé pour faire de la publicité!). Vérifiez quelles entreprises font l’objet d’investissements en Belgique et de quels montants il s’agit (Take Eat Easy a obtenu récemment encore un capital de démarrage, et WeePee en était à une deuxième phase).
Les investisseurs ne sont pas des bienfaiteurs: ils veulent surtout recevoir de l’argent en retour
Cela devrait être une évidence, mais à en juger par tout ce que j’entends de la part des starters, ce n’est pas toujours aussi clair.
Nombre de startups prétendent que leur technologie est ‘cool’ et évoquent ce qu’elles peuvent en faire. Ou elles affirment que leur projet provoquera une véritable révolution dans la façon dont les gens partagent des images, sortent ou font leur shopping. Elles parlent rarement du montant que leur projet va rapporter.
Pour clarifier encore plus le message, voici une citation tirée d’un entretien récent que j’ai eu avec un investisseur: “Bien sûr que je vois le potentiel. Mais je ne vais quand même pas me rendre chez le boulanger pour acheter deux pains en échange de potentiel quand même.”
Les investisseurs ne paient pas pour que vous construisiez votre premier prototype Les investisseurs veulent voir fructifier leur argent. Ils seront donc extrêmement réservés quant à injecter leur argent dans un prototype. Si vous voulez éveiller leur intérêt, vous devez leur dire des choses dans le style “nous devons engager davantage de vendeurs car nous ne pouvons plus faire face à la demande.”
Il y a évidemment des exceptions. Durant les quatre années que je suis de près la scène des startups en Belgique, il y a eu un seul cas où une idée datant de deux jours s’est vue octroyer une somme de quasiment 20.000 euros pour la construction d’un prototype. Peut-être y en aura-t-il deux autres cette année, mais je ne voudrais pas mettre ma main au feu à ce propos.
L’important est de réduire l’incertitude. Si vous avez un prototype, c’est que vous avez prouvé que vous pouvez encoder et que vous avez ainsi diminué un peu l’incertitude. Si vous avez des utilisateurs, c’est que vous avez démontré que vous pouvez faire du marketing, ce qui à son tour supprime encore une partie de l’incertitude. Et si vos utilisateurs vous paient, c’est que vous avez prouvé que votre modèle commercial fonctionne. Chaque étape démontre que vous progressez et vous rapproche d’un investissement.
Il en résulte que pour pouvoir mener un entretien sensé avec un investisseur, il faut d’abord construire quelque chose, puis tenter de le vendre.
Et pourtant… les investissements ne portent pas uniquement sur des faits et des chiffres purs et durs
La citation parfaite à cet égard émane d’une dame présente lors d’un des événements BetaInvest que j’ai organisés l’année dernière. Elle est sortie de la salle, après avoir assisté aux présentations de 15 startups, et lorsque je lui ai demandé ce qu’elle en pensait, elle me répondit: “Des entreprises intéressantes, de bonnes présentations, mais je n’ai pas eu de coup de coeur.”
Autre révélation étonnante: les investisseurs sont aussi des hommes. Ils prennent souvent leurs décisions avec le coeur, pour les justifier ultérieurement avec la tête.
C’est important à savoir: l’entrepreneur que vous êtes ne doit pas seulement pouvoir convaincre, mais aussi pouvoir séduire.
Evaluations des startups: ne sucez rien de votre pouce et n’oubliez pas de négocier! Partons du fait que vous trouviez un investisseur pour votre projet. Avant que l’argent passe de main en main, vous devez convenir avec lui de la valeur de votre affaire, ce qu’on appelle communément l”évaluation’.
Les évaluations sont toujours malaisées, surtout pour les starters.
Lors d’un atelier auquel je participais, il y a des années, un bureau-conseil connu expliquait les trois façons dont une startup peut être évaluée. Et d’en nommer au moins cinq autres encore. L’on entendait continuellement des expressions comme ‘valeur au comptant nette’ et ‘cash-flow disponible’. Assis sur ma chaise tout au fond du local, je fixais les participants – la plupart des entrepreneurs en herbe – en train de prendre religieusement des notes.
Une petite remarque en passant quand même: ces méthodes et modèles ont été développés pour des entreprises ayant un certain historique. Ces dernières se basent sur leur passé et peuvent ainsi se lancer dans des projections d’avenir. Mais les (jeunes) startups n’ont, elles, pas de données historiques sur lesquelles capitaliser, ou alors ces données sont totalement non pertinentes pour l’avenir.
Les entrepreneurs débutants ont la tendance de faire miroiter de belles prévisions de vente et de rentabilité (recherchez donc ‘hockeystick curve’), mais les investisseurs ne sont pas fous (bien au contraire). Ils reconnaissent généralement aussitôt les balivernes.
Une approche plus correcte consiste à utiliser des comparaisons: ce genre d’entreprise a-t-elle gagné de l’argent ou a-t-elle été rachetée? Cette méthode peut peut-être bien déterminer l’ordre de grandeur de l’évaluation, pourtant, elle est encore et toujours très imprécise. Les performances d’une entreprise sont en effet déterminées par un tas de facteurs, dont le personnel est le plus important.
En fin de compte, l’évaluation sort généralement d’un entretien portant sur la fiabilité des hypothèses qui se trouvent dans la ‘hockeystick curve’, et des négociations entre l’investisseur et l’entrepreneur. Il arrive souvent que le charisme et les compétences en négociations de l’entrepreneur soient d’une importance capitale. Si ces éléments vous manquent, apprenez-les rapidement.
Une remarque: les six articles que j’ai déjà commis pour Data News à propos des startups, ne donnent pas une image très agréable, j’en conviens. Chacun d’eux contient son lot de pièges, de problèmes et d’erreurs.
Croyez-le ou non, mais mon but est pourtant de motiver les lecteurs. Pour qu’ils entreprennent. Mais en toute honnêteté, ce n’est pas un choix facile. L’entreprenariat est une arme à double tranchant. Il offre d’énormes avantages (comme ne pas avoir de patron au-dessus de soi, choisir ce que l’on veut faire, profiter d’horaires flexibles et, évidemment, empocher de l’argent en cas de succès), mais il y aussi un revers à cette médaille: chaque décision, si minime soit-elle, repose sur vos épaules, ainsi que toutes les conséquences.
Vous n’aurez que peu de plaisir, voire aucun plaisir du tout à faire certaines choses pourtant obligatoires, comme le travail administratif par exemple. Et les horaires flexibles se transformeront bien vite en des semaines interminables de 90 heures. Et il n’y a aucune garantie que vous rentrerez de l’argent chaque mois et que vous gagnerez plus que votre salaire actuel.
Il n’empêche que c’est un choix de carrière fantastique, et j’espère de tout coeur que cette série d’articles vous aura donné envie de vous lancer dans cette belle aventure.
Leo Exter est le créateur de Westartup, un réseau de plus de 2.000 entrepreneurs, mentors et investisseurs. Il est aussi partner chez HealthStartup, une communauté européenne de petites entreprises technologiques actives dans le secteur de la santé, mais aussi coach chez l’accélérateur Boostcamp du MIC Brussels. Durant ses loisirs, il s’occupe d’organiser le Startup Weekend dans notre pays, Bizcamp Belgium et BetaInvest.
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