Proxistore ne payait pas ses factures à temps, affirme Google devant le tribunal

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La start-up belge Proxistore, spécialisée dans la publicité en ligne, ne payait régulièrement pas à temps les factures qu’elle devait à Google Irlande, a soutenu mercredi le géant de l’internet devant le tribunal de l’entreprise de Nivelles. L’entreprise brabançonne, de son côté, affirme que la saisie conservatoire de 76 millions d’euros d’astreintes imposée à Google était absolument nécessaire pour que le groupe américain lui rétablisse l’accès à ses serveurs.

Il y a quelques semaines, le mastodonte du web avait été condamné à verser 76 millions d’euros à Proxistore en raison du blocage ‘unilatéral et sans raison’, durant 76 heures au total, de campagnes publicitaires de la société brabançonne, qui avait saisi la justice en urgence. Dans la foulée, une saisie conservatoire de cette somme a récemment été appliquée sur un compte bancaire de Google en Irlande.

C’est sur cette ordonnance, prise après une requête unilatérale de la start-up, que se penchait mercredi le tribunal de l’entreprise de Nivelles à la suite d’une tierce opposition de Google. À l’audience, le groupe américain a pu développer les éléments qui l’avaient poussé à suspendre son service.

Pour lui, le conflit tourne autour d’un ‘simple problème contractuel’, à savoir des factures qui n’ont pas été payées à temps ‘et ce, de manière systématique’. Google a dès lors suspendu son service après de nombreux avertissements et l’a relancé dès le paiement reçu des montants dus, agissant de bonne foi, ont souligné ses avocats. ‘Proxistore était au courant des conséquences.’

Depuis 2021 et la signature d’un contrat à durée indéterminée entre les deux parties, presque toutes les factures ont été payées en retard, ont-ils affirmé. Entre décembre de cette année-là et mars dernier, Google a recensé 25 notifications de premier avertissement, 14 de dernier avertissement et a dû suspendre le service à cinq reprises (avant la suspension de début février), ont énuméré les conseils du géant du web. Un plan d’apurement de dettes, étalé sur plusieurs mois, a même été mis en place en octobre dernier, ont-ils souligné.

Ces problèmes de paiement ont finalement mené Google à couper l’accès à ses serveurs le 1er février dernier.

Proxistore ne répondait en outre pas aux conditions pour introduire une requête unilatérale, n’ayant pas démontré l’extrême urgence de la situation, ni un quelconque dommage, ont encore expliqué les conseils du géant américain. De plus, le tribunal brabançon n’était pas compétent pour traiter le dossier, car c’est en Irlande que se trouvent les serveurs de Google et qu’il n’y a pas de lien de rattachement suffisant avec la Belgique.

Le géant de l’internet a donc demandé mercredi au tribunal de révoquer son ordonnance de début février. Si le juge la maintient, Google souhaite que ce dernier donne un délai de 48 heures pour son exécution et réduise le montant prononcé, actuellement d’un million d’euros par heure en cas de non reconnexion, eu égard au délai technique nécessaire pour une telle réactivation.

Du côté de Proxistore, on estime que la tierce-opposition de Google n’est pas fondée. L’avocat de la start-up a contesté l’absence d’absolue nécessité dans la requête unilatérale qui avait été déposée. ‘Vous avez sauvé l’entreprise (avec l’ordonnance imposant un million d’euros d’astreintes par heure, NDLR), il y avait extrême urgence’, s’est-il adressé au président, pointant le risque immédiat de faillite pour la société basée à Wavre et la position ‘ultra-dominante’ du mastodonte américain sur le marché de la publicité en ligne.

Lorsque la requête unilatérale a été déposée, début février, près de 48 heures étaient passées sans que Proxistore ait pu avoir accès aux serveurs de Google, alors que la start-up venait pourtant de payer toutes ses factures. Elle n’avait plus non plus de nouvelles de l’entreprise américaine. ‘On ne voyait pas le bout du tunnel’, a justifié l’avocat. À l’audience, Google a mentionné un problème technique dans la réactivation du compte de Proxistore pour expliquer ce délai et rappelé qu’il avait prévenu l’entreprise belge de la longueur possible du délai lié à une réactivation.

L’avocat de l’entreprise wavrienne a d’ailleurs déploré le flou qui régnait autour de ce souci informatique. ‘Ce problème technique est une preuve pré-constituée qui ne peut pas être auditée en toute transparence par un tiers’, a-t-il balayé. ‘Même en débat contradictoire, vous n’auriez pas pris une décision différente’, en a conclu le conseil de Proxistore.

Il existe par ailleurs un passif judiciaire entre le groupe américain et Proxistore, à propos d’un brevet qu’a développé la start-up sur la géolocalisation des annonces en ligne, a encore relevé l’avocat. ‘’Google a trouvé le moyen de nous mettre à terre. Si le service n’est pas rétabli rapidement, on tombe en faillite et je perds tous mes clients’, m’a dit son CEO lorsqu’il m’a demandé d’agir en justice début février’, a encore raconté l’avocat. Il a confié ne pas pouvoir s’empêcher de penser ‘qu’il y avait autre chose derrière cette coupure’, évoquant une nouvelle fois le passif entre les deux parties.

‘Votre ordonnance a été suivie d’effet, car le service a été rétabli quelques heures plus tard’, a-t-il dit au président du tribunal. Pour le conseil de Proxistore, le juge était bel et bien compétent pour prononcer cette ordonnance, étant donné que les services doivent être exécutés en Belgique, à Wavre, et qu’il y a donc un lien de rattachement suffisant.

L’avocat demande dès lors de ne pas accorder de réduction du montant des astreintes afin d’inciter Google, une entreprise dont le chiffre d’affaires se compte en milliards d’euros, à se dépêcher d’agir en cas de décision qui lui est défavorable, a-t-il soutenu.

Le tribunal a pris l’affaire en délibéré et rendra son jugement (sur la confirmation ou la révocation de l’ordonnance) le 21 mai.

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