En marge: bientôt, vous choisirez vous-même votre modem, mais est-ce bien utile?
Bientôt, on sera libre en Belgique de choisir son propre modem plutôt que d’accepter le mini-boîtier proposé d’origine par Proximus ou Telenet. Selon un fournisseur de modems alternatifs, cela s’avérait nécessaire, mais selon les opérateurs, c’est une mesure qui coûtera surtout de l’argent et qui ne fait trépigner personne d’impatience.
Les Pays-Bas s’étaient lancés il y a un an dans le libre choix du modem, mais c’est la Finlande qui avait essuyé les plâtres en 2014 déjà, suivie de l’Allemagne en 2016 et par l’Italie en 2018. L’adaptation chez nos voisins du Nord ne s’effectua pas sans anicroches. Les fournisseurs mettent en effet à disposition un appareil standard que les clients peuvent eux-mêmes gérer et actualiser. Moins de pagaille pour ceux-ci et plus de contrôle sur le réseau pour l’opérateur et donc un risque moindre de perturbation ou d’abus. Mais les objections des opérateurs furent en fin de compte laissées pour compte.
‘Ce fut un long trajet faisant la part belle à beaucoup de travail politique, mais allant de pair aussi avec l’opposition de personnes qui disaient que cela ne pouvait se faire’, déclare Eric Van Uden, le country manager néerlandais du fabricant allemand de modems AVM, principal intéressé à l’ouverture du marché des modems. Et d’insister sur le fait qu’aux Pays-Bas, toutes les objections techniques ont été réfutées par une étude indépendante réalisée par l’agence de consultance StrateX, et que les opérateurs eux-mêmes ne pouvaient plus prétendre que c’était impossible.
AVM espère une évolution similaire en Belgique. L’entreprise renvoie aux questions posées sur ce sujet à la Chambre, tout en ajoutant qu’il y a des clients belges qui se plaignent qu’ils n’ont aujourd’hui pas de liberté de choix. Cela va donc bientôt changer. Le régulateur télécom IBPT avait lancé en octobre de l’année dernière un projet de décision en vue de faire pareil. Dans les grandes lignes, le plan consiste à suivre le modèle néerlandais et à élaborer ainsi assez rapidement les cadres légal et technique. Il n’y a pas encore de date concrète, mais il est quasiment certain que les choses vont se concrétiser.
Pourquoi?
Cela doit-il faire déborder d’enthousiasme le consommateur que vous êtes? Peut-être que oui, probablement que non! L’entreprise AVM révèle elle-même qu’elle ne s’attend pas à ce que les consommateurs lambda utilisent massivement un modem alternatif. Une enquête effectuée aux Pays-Bas nous apprend qu’au bout d’une année, seuls 33 pour cent des citoyens sont au courant de la liberté de choix du modem. Mais le nombre de personnes qui le font, est en augmentation.
Les chiffres exacts en part de marché ne sont pas mentionnés, mais AVM signale que cela prend du temps. ‘En Allemagne, c’est possible depuis quelques années maintenant, et on observe que vingt à trente pour cent des clients optent pour un appareil de l’offre de la vente au détail. Nous nous attendons à la même tendance aux Pays-Bas, mais cela prendra encore un peu de temps’, déclare Van Uden à ce propos.
Cela n’ira pas de soi, comme l’entreprise l’a appris d’expériences précédentes. ‘Lorsque ce fut possible en Allemagne, les gens durent transmettre leur adresse MAC au fournisseur, afin que leur ligne soit activée. Il y eut malheureusement des erreurs de frappe ou l’activation prit parfois une semaine. Alors que cela pouvait se faire en dix minutes maximum. Aux Pays-Bas, il y eut aussi des fournisseurs qui rendirent publics les détails techniques un jour seulement avec l’entrée en vigueur de la loi. Mais entre-temps, tout se passe beauoup plus aisément.’
AVM dévoile plusieurs arguments: un modem auto-choisi ne doit pas être remplacé, lorsqu’on change de fournisseur (si le client reste sur le même type de réseau, coax, fibre optique ou DSL). Le changement de fournisseur ne va donc pas de pair avec un nouveau modem, mais simplement avec une activation de ligne chez le nouveau. ‘Lorsque je change d’opérateur GSM, je ne dois pas non plus remplacer mon téléphone’, précise Van Uden en guise de comparaison.
‘Dans le même temps, nous prévoyons aussi des éléments dans le modem, comme des solution de ‘mesh networking’ (réseau maillé). Aujourd’hui, vous devez acheter 2-3 appareils et les installer à l’arrière de votre modem par défaut. Chez nous, cela figure d’origine dans le modem, et vous pouvez compléter votre réseau avec des répéteurs ou des adaptateurs à connecter et qui donnent le même réseau.’ En principe, vous pouvez aussi demander à votre opérateur un modem qui ne fonctionne que comme un pont (‘bridge’), lequel transfert donc simplement le signal vers le modem suivant. Mais dans ce cas, vous avez également besoin d’un appareil supplémentaire qui consomme du courant sans plus-value pour le consommateur.
Van Uden est conscient que cela ne représente pas les clients ordinaires. Le Néerlandais lambda qui ne s’intéresse qu’à internet et pas du tout à ce qu’on appelle la maison connectée (‘smart home’) par exemple n’en a évidemment pas besoin et peut très bien se satisfaire du modem du fournisseur. Mais d’autres client en veulent plus et souhaitent intégrer directement des appareils à ce modem et de préférence via une seule et même interface. Or c’est ce que nous proposons.’
AVM
Fondée en 1986
880 employés, principalement en Allemagne
Chiffre d’affaires: 620 millions d’euros
Connue pour ses modems Fritz!Box et solutions ‘smart home’
Selon AVM, certains fournisseurs bloquaient aussi parfois certains ports et, surtout, laissaient paraître que ce n’était pas nécessaire ou difficile. ‘Il existe un duopole en Belgique. D’un côté, les fournisseurs propagent l’idée que connecter son propre modem s’avère très malaisé et que ce n’est possible que si l’appareil figure sur une liste blanche. Il en résulte que les consommateurs n’achètent pas facilement leur propre routeur.’
D’un autre côté, ces mêmes fournisseurs envisagent de respecter les futures règles en matière de libre choix du modem, tout en apportant la nuance que la demande est limitée, et qu’ils peuvent dès à présent faire face aux possibilités permettant le libre choix du modem.
Fournisseurs néerlandais: ‘Aucun intérêt’
Data News a demandé l’avis des principaux fournisseurs néerlandais, à savoir KPN et VodafoneZiggo. Ce dernier déclare qu’il est question de ‘quelques dizaines de clients par mois’ qui veulent leur propre modem. Quant à KPN, il ne mentionne aucun chiffre, mais affirme que la demande est limitée. Le régulateur du marché ACM ne donne pas non plus de chiffre. Le seul fournisseur qui accepte de révéler une quantité, c’est Delta, qui indiqua en janvier au journal De Telegraaf qu’il s’agissait de 0,5 pour cent des clients.
AVM même préfère se référer à l’Allemagne. Et c’est logique dans la mesure où le libre choix du modem y est depuis assez longtemps autorisé et que beaucoup de gens ne le font que quand ils changent d’opérateur ou qu’ils réagencent leur réseau domestique. Or cela se fait rarement en cours d’une année. Ici encore, il manque de chiffres concrets, mais AVM parle de 20 à 30 pour cent des nouveaux clients internet (migrants) qui optent pour un appareil propre. ‘Nous nous attendons à ce que les Pays-Bas connaissent la même tendance’, ajoute Van Uden.
Proximus
Les fournisseurs belges adoptent une réaction similaire. Tous deux insistent sur le fait qu’il n’y a guère de demande. ‘Nous n’enregistrons aujourd’hui quasiment aucune demande pour un libre choix du modem ou ONT (Optical Network Terminal)’, selon Proximus. Sur DSL, modem et router/wifi gateway sont combinés aujourd’hui. Sur la fibre optique, c’est séparé avec un modem et ONT à part.
En même temps, l’entreprise insiste sur le fait que son équipement terminal évolue bien. C’est ainsi qu’elle propose à présent wifi 6 et 6E sur ses plus récents appareils. ‘Pour la grande majorité des clients, l’argument décisif est la facilité d’emploi d’un appareil de qualité et fiable, qui est optimisé tant en hardware qu’en software en fonction de notre réseau.’ Mais ceux qui le veulent, peuvent aussi solliciter un appareil qui ne fonctionne que comme un pont (‘bridge’) derrière lequel le client peut installer son modem.’
Malgré cette argumentation, Proximus autorise ce genre de solides appareils alternatifs, mais qui doivent être agréés par l’opérateur même. Cela signifie aussi que toute mise à jour logicielle digne de ce nom ne peut être transmise qu’après approbation de l’entreprise, ce qu’AVM n’apprécie pas toujours, car cela ralentit le déploiement.
Proximus de son côté affirme effectuer surtout ces contrôles pour s’assurer que les appareils extérieurs ne perturbent pas le réseau du client spécifique ou d’autres clients. ‘Les tests de certification approfondis ont permis de corriger un tas de problèmes VDSL2 qui, sinon, auraient eu un impact sur les utilisateurs finaux.’ Pour les correctifs de sécurité, la certification n’est pas non plus nécessaire.
Telenet
Telenet n’autorise actuellement aucun appareil alternatif, mais permet, tout comme Proximus, de faire fonctionner le modem comme un pont. Et d’évoquer ici l’importance de maintenir le réseau sécurisé et opérationnel.
‘Aujourd’hui, notre réseau et le modem sont sécurisés, et tous deux sont sous notre contrôle. Si tel n’est plus le cas, il nous faut alors adapter et renforcer notre réseau, afin de pouvoir autoriser d’autres modems’, explique Jan Van De Perre, product manager connectivity chez Telenet. ‘Ce n’est à coup sûr pas impossible dans la mesure où les normes Docsis existent dans ce but, mais pour y arriver, il faut du temps et de l’argent, alors que nous n’en voyons pas la nécessité chez les clients.’
Telenet ne veut ainsi pas prétendre que ses clients ne seront jamais intéressés, mais l’opérateur ne distingue pas non plus chez nous un grand marché pour un acteur comme AVM. ‘Typiquement, on observe deux types de client’, précise Van De Perre. ‘Il y a le client qui souhaite que Telenet règle tout, qui active le wifi et aspire généralement à internet. Ensuite, il y a le client aux besoins spécifiques qui veut le maximum et qui dispose en arrière-plan d’un vaste réseau domestique. Ce dernier achète souvent de l’équipement d’un segment supérieur. Les clients qui, aujourd’hui, sollicitent chez nous un modem servant de pont, ne sont pas ceux qui y connectent ensuite un appareil AVM.’
En marge, Van De Perre nuance aussi l’argument énergétique. Avec un modem servant de pont, suivi par un modem auto-choisi, on a deux appareils qui consomment du courant pour la même fonctionnalité. ‘C’est un argument compréhensible, mais les gens qui le brandissent pour utiliser leur propre infrastructure, y accordent moins d’importance. C’est qu’ils ont souvent en arrière-plan un serveur propre, voire une armoire entière qui consomme nettement plus de courant. Pour eux, un pont Telenet supplémentaire ne représente pas une pierre d’achoppement.’
Et Van De Perre d’insister sur le fait que Telenet dessert volontiers aussi ces clients ‘hardcore’: ‘Nous en recevons régulièrement des demandes sur notre forum Netweters, et je me fais un plaisir d’y répondre. Ce sont des gens qui, tout comme moi, sont passionnés par la technologie de réseau. Mais dans le cas du libre choix du modem, on nous impose quelque chose à propos de laquelle nous ne recevons en réalité aucune demande.’
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