En attendant – trop longtemps – la 5G
La seule certitude en matière de 5G, c’est que le plus grand flou règne encore autour de cette technologie. Or le marché réclame un standard pour la communication mobile de 5e génération. L’Europe souhaite que les choses s’accélèrent.
“L’Europe ambitionne de jouer un rôle de locomotive en 5G”, écrivions-nous voici plus de 2 ans dans Data News. Et un an auparavant, nous citions la commissaire européenne de l’époque, Neelie Kroes. “Je souhaite que l’industrie européenne devienne pionnière en 5G, en s’appuyant sur la recherche en Europe et en créant des emplois sur le Vieux Continent. We will put our money where our mouth is“, déclarait-elle à l’époque au Mobile World Congress. Et d’évoquer 2020 comme date butoir. Entre-temps, à 3 ans de cette échéance, il n’existe toujours aucun standard en communications Internet mobile de 5e génération.
Manifestement, la situation inquiète l’actuel commissaire européen Günther Oettinger, d’autant qu’entre-temps, l’Asie et l’Amérique du Nord ne restent pas spectateurs et planchent activement sur un standard 5G.
C’est précisément la multitude d’applications potentielles qui complique le développement de la 5G.
Flanqué d’un panel de patrons européens, Oettinger a affirmé que la 5G devait être une réalité à l’horizon 2020 et devrait supporter très concrètement plusieurs secteurs industriels verticaux. “La 5G se révèle être par exemple un gagnant-gagnant évident pour l’industrie automobile ou des télécoms. J’espère que celle-ci proposera rapidement un projet commun pour faire de la voiture connectée une réalité. De très nombreux constructeurs automobiles comme BMW, Renault ou Mercedes sont prêts. La 5G doit fournir l’infrastructure nécessaire pour les services de données”, dixit Oettinger.
De même, des secteurs verticaux comme les transports publics, les soins de santé, l’industrie manufacturière ou encore les médias et les loisirs sont considérés par Oettinger comme potentiellement intéressées par le message clair lancé à l’adresse des acteurs concernés par le PPP 5 G (partenariat public-privé) visant à trouver des domaines d’action concrets.
Pas en 2e place
L’Europe ambitionne donc toujours un rôle de leader, mais risque d’être à a traîne. “Oui, il est important d’être le premier avec un standard 5G”, estime Ulf Ewadlsson d’Ericsson, qui partage ainsi les inquiétudes d’Oettinger. “La notion de ‘first mover advantage’ est importante, car nous créons quelque chose de totalement nouveau. Il s’agit maintenant d’aller vite.”
Un point de vue que partage également Hossein Moiin (Nokia, ex-Alcatel-Lucent). “Je considère la 5G comme ‘le système des systèmes’, le système sur lequel se raccrochent toutes les autres technologies et plates-formes. Dans ces conditions, le ‘first mover’ se forge une avance très importante dans le temps. Ce phénomène, nous l’avons déjà constaté dans le secteur numérique. Rien que pour cette seule raison, nous ne pouvons nous permettre en tant qu’Europe d’être le 2e à lancer un standard 5G.” La région qui gagnera la course pourra en effet essayer d’imposer son standard et donc à la fois récolter les fruits économiques et générer des effets de retour en termes de licences et de droits sur les brevets.
Aucune valeur en soi
Les attentes sont élevées et semblent augmenter d’année en année. La 5G ne doit pas se limiter à être un nouveau réseau radio, mais plutôt capitaliser sur les services 4G existants et doper les débits jusqu’à 10 Gbit/s, le tout associé à une latence quasi nulle. Du coup, l’utilisateur final doit avoir l’impression que ses données lui arrivent ‘instantanément’, ce qui constitue d’ailleurs une exigence fonctionnelle absolue pour la connectivité des voitures ainsi que globalement pour les applications de réalité virtuelle.
Hermann Meyer (Ertico, ITS Europe) résume en ces termes le défi du secteur. “Les vitesses doivent être augmentées, mais la difficulté est que la 5G n’offre aucune valeur en soi.” Une remarque qui fait réagir le commissaire européen Oettinger. “Peut-être l’Europe a-t-elle besoin d’un événement pour démontrer l’intérêt de la 5G. Le championnat d’Europe de football 2020 pourrait être une belle vitrine.” Reste à voir si l’industrie prendra la balle au bond et évitera ainsi un nouveau scénario 4G. Car si la technologie 4G était ‘made in Europe’, ce sont finalement l’Asie d’abord et les Etats-Unis après qui l’ont déployée.
Relier appareils et clouds
Lors du Mobile World Congress, l’ensemble de l’industrie n’avait que la 5G à la bouche, même si l’impression donnée était qu’un grand flou subsistait. Quelle sera vraiment l’utilité de la 5G ? Comment la technologie sera-t-elle mise en oeuvre ? Qui investira dans l’infrastructure et comment les opérateurs vont-ils la rentabiliser ? Autant de questions qui n’ont jusqu’ici pas reçu de réponse claire. Quoi qu’il en soit, il semble clair que la 5G sera bien davantage que le réseau radio de prochaine génération.
Les vitesses doivent être augmentées, mais la difficulté est que la 5G n’offre aucune valeur en soi.
Hossein Moiin (Nokia) voit dans la 5G le ‘système des systèmes’, une infrastructure sur laquelle se greffent toutes les autres technologies et plates-formes. Des technologies comme le software defined networking (SDN) ou la network functions virtualization (NFV) s’inscrivent dans cette optique dans la 5G. De même, l’Internet des objets, la voiture connectée et la réalité virtuelle constituent autant de drivers pour la 5G. Tandis que dans de nombreux secteurs verticaux comme l’industrie, la santé ou le transport, un réseau de communication 5G se révèle nécessaire. Mais c’est précisément cette multitude d’applications potentielles qui complique le développement de la 5G.
“Nous avons une grande vision architecturale pour la 5G. Nous voulons non seulement interconnecter la totalité des appareils existants au monde, mais aussi relier ensuite tous les systèmes aux différents clouds”, explique Ulf Ewadlsson, CTO d’Ericsson, qui estime qu’il faudrait dès lors envisager le network slicing. En d’autres termes, le réseau serait scindé en différentes parties qui supporteraient chacune une industrie, un secteur ou une application. Ainsi, les capteurs des compteurs intelligents accéderaient à un partie spécifique dotée de fonctions réseau particulières. Tandis qu’une multinationale par exemple recevrait une plus grosse part du gâteau 5G, en fonction de ses besoins particuliers. Et, élément tout aussi important, ce slicing permet une différentiation dans les tarifs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Ewaldsson estime que le network slicing ne se limitera pas au mobile pour être sans doute intégré dans le futur standard IEEE.
De Croo table sur un projet pilote 5G belge
Entre-temps, les premiers projets pilotes de 5G sont une réalité en Europe. C’est ainsi qu’Ericsson a lancé un test en Finlande, tandis que TeliaSonera entend proposer des services 5G concrets d’ici 2018 à Stockholm et Tallinn. Le ministre belge des télécoms Alexander De Croo veut que notre pays ne soit pas mis sur la touche. “Il serait intéressant que les opérateurs se voient octroyer une licence provisoire sur le spectre pour lancer des expériences 5G. Ce faisant, les start-up bénéficieraient d’un espace d’expérimentation intéressant et jouiraient d’une position favorable en Europe. Si des standards doivent être définis, mieux que ce soit en Belgique qu’ailleurs”, a-t-il déclaré durant sa visite du Mobile World Congress. De même, De Croo souhaite que la législation soit adaptée à la multiplication des antennes nécessaires à la 5G. “Nous ne pouvons nous permettre de refaire les erreurs commises par le passé avec la 4G”, dixit encore le ministre.
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